Le 16 décembre 2020, Gérard Depardieu a été mis en examen pour viols et agressions sexuelles après la plainte de la comédienne Charlotte Arnould, déposée fin août 2018, où elle l’accusait de l’avoir violée à deux reprises, quelques semaines plus tôt, au domicile de la star, dans le 6e arrondissement de Paris. Depuis, quatorze femmes ont accusé l’acteur de violences sexuelles. La Chute d’un ogre, réalisé par Damien Fleurette, Daniele Vella et Emmanuel Baert pour l’émission de France 2 Complément d’enquête, se penche sur le cas Depardieu, et dresse un portrait accablant de son comportement à l’égard des femmes.
Les Français·es ont depuis des décennies une image de Gérard Depardieu très rabelaisienne : un ogre, un gros mangeur, un buveur, un “monstre sacré”, jouisseur qui en fait trop, volontiers vulgaire, provocateur et ayant des amitiés politiques douteuses (dont certaines, avec quelques dictateurs des pays de l’Est, dont Vladimir Poutine, sont injustifiables). Mais un grand acteur. Ce Complément d’enquête creuse les aspects plus sombres de sa personnalité. Des images tournées en Corée du Nord (quelle idée…) en septembre 2018, par et avec Yann Moix (quelle idée…), pour un reportage filmé produit par Paris Match qui ne vit jamais le jour, révèlent un Depardieu graveleux, obsédé sexuel, ne s’intéressant qu’aux “moules” des femmes et des fillettes qu’ils croisent, et qui – se sachant pourtant enregistré et filmé, ou à cause de cela, sans doute aussi parce que les Coréen·nes ne le comprennent pas lorsqu’il leur adresse des insanités – ne peut se retenir d’exprimer ses fantasmes pathétiques. A-t-il bu ? En quoi serait-ce une excuse ? Ou bien est-il tout simplement devenu un vieillard libidineux ?
Tout le monde savait
Le pire est à venir. Trois femmes (dont l’une a porté plainte contre l’acteur après l’enregistrement du reportage), travaillant dans le cinéma (actrices ou techniciennes), l’accusent d’avoir été agressées sexuellement par lui (main dans la culotte, pelotages, propos déplacés, viols, ces derniers n’étant pas publics, bien sûr) sur des plateaux de tournage, devant toute l’équipe – sans que personne ne prenne leur défense. Elle ont bien souvent dû subir des moqueries des témoins, qui devenaient complices de ces actes.
Gérard Depardieu est un homme puissant dans son milieu professionnel, “Ah bah oui, tout le monde le sait dans le cinéma : il est comme ça !” et comme personne ne veut être blacklisté et veut travailler… Tout le monde le sait, mais personne, pendant des décennies 1) ne l’arrête (en dehors du réalisateur Fabien Onteniente, apparemment, qui le sermonna sur le tournage de Podium) 2) ne le discrimine, ne le bannit des tournages – il est évidemment « bankable » 3) ne le raconte.
Seule l’actrice Anouk Grinberg s’est exprimé dans le magazine Elle pour soutenir Charlotte Arnould et confirmer les agissements répréhensibles de Gérard Depardieu sur les plateaux.
Une image de voyou
Des ami·es de Gérard Depardieu, les rares qui ont bien voulu répondre (Josée Dayan, l’ex-agent et producteur Jean-Louis Livi, Elisabeth Depardieu, la mère des deux enfants aînés de Gérard Depardieu), le défendent : “c’est sûr, il n’est pas un violeur”. Josée Dayan se permet même d’accuser Charlotte Arnould de l’avoir dénoncé par vengeance (parce qu’il aurait refusé qu’elle participe à son spectacle sur Barbara), pour faire le « buzz ». Là aussi, on touche au pathétique, à l’abject.
Vient une évocation de sa jeunesse à Châteauroux. Plus jeune, Depardieu a, à plusieurs reprises, raconté, dans des interviews, qu’il avait participé, dès ses neuf ans, à des viols ou plutôt des tournantes et que d’ailleurs, ce n’était pas vraiment des viols puisque les filles étaient consentantes… Ses ami·es, son frère, prétendent qu’il a menti, pour entretenir son image de voyou, de rebelle, qu’il n’a jamais violé personne. Que ce sont les Américain·es qui ont grossi ces éléments biographiques pour l’empêcher de remporter un Oscar pour son interprétation dans Cyrano de Bergerac… Mouais. Demeure surtout pour le téléspectateur, le sentiment désagréable d’une confusion certaine, chez l’acteur, entre avoir un rapport sexuel, le viol et la prostitution.
Gérard Depardieu, qui aura 75 ans à la fin du mois, ne tourne plus de films depuis 2021. Mais il continue à chanter Barbara (qui fut elle-même victime d’inceste dans son enfance), quand ses spectacles ne sont pas chahutés par des manifestations féministes évidemment compréhensibles. Ne devrait-il pas arrêter ?
La Chute d’un ogre par Damien Fleurette, Daniele Vella et Emmanuel Baert.
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Author : Jean-Baptiste Morain
Publish date : 2023-12-08 16:15:58
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