Après des mois de rebondissements, le très controversé projet de loi immigration, emblématique des difficultés d’un gouvernement sans majorité absolue, est arrivé ce lundi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Mais une motion de rejet, adoptée de justesse par les députés, a interrompu son examen. Emmanuel Macron a demandé à Elisabeth Borne et Gérald Darmanin des propositions pour lever le “blocage”.Les infos à retenir⇒ La motion de rejet préalable à la loi immigration a été adoptée de justesse⇒ Gérald Darmanin a remis sa démission au président, “qui l’a refusée”⇒ Emmanuel Macron a demandé à Elisabeth Borne et Gérald Darmanin des propositions pour lever le “blocage”Darmanin a proposé sa démission, “refusée” par MacronGérald Darmanin “a remis sa démission” ce lundi soir à Emmanuel Macron, “qui l’a refusée”, a annoncé la présidence. Le ministre de l’Intérieur était arrivé peu avant à l’Elysée pour s’entretenir avec le chef de l’Etat après le rejet surprise par l’Assemblée nationale de son projet de loi sur l’immigration.”Le président de la République a demandé à la Première ministre et au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer de lui faire des propositions pour avancer en levant ce blocage et aboutir à un texte de loi efficace”, a ajouté l’entourage du président. Elisabeth Borne réunira dès ce lundi soir les ministres concernés et les présidents de groupes de la majorité, a indiqué de son côté Matignon.Qui a voté en faveur de la motion ?Quelques minutes après le vote de la motion de rejet déposée par le député écologiste Benjamin Lucas, le détail du scrutin a été publié sur le site de l’Assemblée nationale. Verdict ? Le texte a été adopté par 87 députés RN (sur 88), 40 républicains (sur 62) – deux ont voté contre et 11 se sont abstenus ; 28 socialistes (sur 31), 21 écologistes (sur 23), et 17 communistes (sur 22). Mobilisation pleine et entière du côté des 75 membres du groupe insoumis qui ont voté à l’unanimité en faveur de la motion.Une pluie d’appels à la démissionDepuis ce désaveu sans précédent à l’Assemblée nationale, les appels à la démission du ministre de l’Intérieur se succèdent. “Gérald Darmanin pèche par inaction, par omission et par distorsion. Son projet de loi ne contient aucune mesure d’ampleur pour reprendre le contrôle. Dans une démocratie fonctionnelle, il démissionnerait”, écrit Jordan Bardella, le patron du Rassemblement national sur X (anciennement Twitter). Il a emboîté le pas à la cheffe de file du groupe RN Marine Le Pen, qui s’est “réjouit” d’un “désaveu extrêmement puissant”.À gauche, Mathilde Panot appelle le ministre de l’intérieur à “retirer sa loi” et à “partir avec sous le bras”. Des propos qui font écho au président honoraire de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. “Darmanin a dompté les groupuscules macronistes. Mais pas l’Assemblée nationale. Ça sent le bout du chemin pour sa loi et donc pour lui”, a-t-il tweeté dans la foulée du vote.Quel avenir pour le projet de loi ?Le vote d’une motion de rejet ouvre la voie à trois possibilités. Premièrement, un retour du texte au Sénat. Le projet de loi serait alors repris dans sa version remodelée par la chambre haute. Autre cas de figure : la convocation en urgence d’une commission mixte paritaire, composée de sept députés et de sept sénateurs. Leur mission ? Parvenir à un compromis entre la mouture du Sénat et celle adoptée par la commission des lois de l’Assemblée le 2 décembre. Dernière option, qui est également la moins probable : le retrait pur et simple du projet de loi par l’exécutif.La motion de rejet adoptée de justesseLe couperet est tombé. La motion de rejet déposée par les écologistes a été adoptée de justesse à l’Assemblée nationale. “Ça sent le bout du chemin” pour Darmanin et sa loi immigration, a jugé Jean-Luc Mélenchon. Après avoir maintenu le suspens jusqu’à la dernière minute, le groupe Rassemblement national (RN) et Les Républicains ont annoncé qu’ils joindraient leur vote à ceux de la Nupes. “Ça ne va pas entraîner une dissolution, mais il va y avoir un rappel à l’ordre du gouvernement. C’est la réponse du berger à la bergère après vingt 49.3”, a affirmé un député RN à nos confrères du journal Le Monde.De leur côté, les Républicains ont statué quelques minutes après de la prise de parole de Gérald Darmanin. À l’issue d’une concertation, le président des Républicains Eric Ciotti et le chef de file du groupe LR à l’Assemblée Olivier Marleix ont appelé leurs députés à soutenir la motion de rejet déposée par Benjamin Lucas. Devant l’ensemble des groupes parlementaires qui composent l’hémicycle, le député des Yvelines a fait valoir que le vote de “la motion de rejet dans un instant n’est en rien une adhésion à mon propos”. Et de donner sa parole : “Il ne sera pas instrumentalisé comme tel.”Gérald Darmanin dénonce la “compromission” des écologistes avec le RNDe quoi susciter l’ire du locataire de Beauvau, qui éructe. “Quelle que soit cette motion de rejet, plus aucune leçon de moral, plus aucune leçon d’humanisme, a-t-il poursuivi. Pour une petite victoire incertaine qui va durer quelques secondes, vous vous êtes compromis et cela va vous coller aux basques”.”Qui a peur du débat ? En tout cas pas la majorité présidentielle. Qui a peur du débat ? Ceux qui vont dans une alliance contre nature se mettre d’accord pour que les Français ne voient pas les choses avancer et pour désarmer nos policiers et gendarmes”, avait-il lancé quelques minutes plus tôt à la tribune de l’Assemblée nationale. Et d’appeler au “compromis”. Au nom, toujours, de “l’intérêt général, assurant que “le gouvernement est disposé à étudier minutieusement les 2 600 amendements déposés par les parlementaires”.Yeux de chimène à la droiteLors de sa première prise de parole à 16 heures, Gérald Darmanin s’était notamment adressé à son ancienne famille politique, Les Républicains : “Comment peut-on réclamer de la fermeté et refuser aux policiers, aux gendarmes et aux préfets les moyens d’expulser les étrangers délinquants ? Comment peut-on faire la “Une” des journaux, aller sur les plateaux de télévision, tenir des meetings quand le gouvernement et la majorité arrivent avec des dispositions pour les leur refuser et finalement désarmer les policiers et les gendarmes ? Comment peut-on sciemment s’opposer à des dispositions qui vont nous permettre d’expulser ou d’éloigner 4 000 étrangers délinquants ?”Cette loi est “un tapis rouge” pour l’extrême droite, selon les syndicats et ONGLe projet de loi du gouvernement sur l’immigration “déroule un tapis rouge” aux “thèses de l’extrême droite”, ont dénoncé des responsables syndicaux et associatifs, rassemblés ce lundi près de l’Assemblée nationale. Cette mobilisation a pour but de “dénoncer le projet de loi de la honte, qui remet en cause les principes fondamentaux de notre République en matière de droit du sol, de droit d’asile, de droit d’accès à la santé”, a déclaré la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, lors de ce rassemblement qui a réuni environ 200 personnes, dont des parlementaires et des travailleurs sans-papiers, à quelques mètres du Palais Bourbon.Ce projet de loi “déroule un tapis rouge à toutes les thèses du RN”, a-t-elle déploré. “Il faut cesser d’agiter les thèses de l’extrême droite, il faut revenir sur le terrain républicain, faute de quoi (ce texte) ouvre un boulevard au Rassemblement national”, a-t-elle estimé. La responsable syndicale a également dénoncé “l’hypocrisie” en matière de régularisations, dont le volet est jugé insuffisant. “La France ne pourrait pas tourner sans les travailleurs sans-papiers dans les cuisines, le ménage, la construction”, a-t-elle énuméré, réclamant des régularisations de “plein droit” au-delà des seuls métiers en pénurie de main-d’œuvre. Les ONG de défense des immigrés sont, elles, contre un texte qui “amalgame étrangers et délinquants, étrangers et terroristes”, a fustigé Henry Masson, président de l’association La Cimade.Les points chauds du texteA 16 heures, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui s’est fortement engagé politiquement, défendra ce texte qui vise à accélérer les procédures des demandes d’asile, faciliter les expulsions des étrangers jugés dangereux et la régularisation de travailleurs sans papiers dans certains métiers en tension. Plusieurs points chauds seront donc discutés. L’Express fait le point dans cet article.Darmanin ne veut pas du 49.3A la différence de la loi sur les retraites, le ministre martèle ne pas vouloir recourir au 49.3, sur ce point en accord avec la Première ministre Elisabeth Borne qui considère en petit comité qu’il faut aller au vote pour mettre la droite devant ses responsabilités.Appelant au “compromis”, Gérald Darmanin “tend la main” aux LR sur le rétablissement du délit de séjour irrégulier ou l’encadrement des régularisations. Et il leur promet début 2024 une réforme de l’aide médicale d’état (AME), un des marqueurs de la droite. Il pourra s’appuyer au sein du camp présidentiel sur les députés du parti Horizons d’Edouard Philippe qui a proposé dimanche de limiter par “des quotas” les régularisations possibles.Face aux inquiétudes des députés RN et LR, l’ancien premier ministre a toutefois estimé que la régularisation des travailleurs sans papier dans les métiers en tension ne constituait pas un “appel d’air” migratoire.LR veut garder le texte du SénatPour le patron des LR Eric Ciotti, l’adoption de cette motion “aboutirait à débattre à nouveau sur le texte du Sénat”, le “seul” qui “convient”. Mais certains députés LR sont réticents, en particulier parmi les 17 signataires (sur 62) qui se disaient prêts fin novembre dans une tribune à discuter avec le gouvernement. “Arithmétiquement, il y a plus d’opposants que de majorité, puisqu’on a une majorité relative”, a reconnu Gérald Darmanin. Mais “ce serait un déni de démocratie que de ne pas débattre”, a-t-il jugé lundi sur Europe 1/Cnews. “Ce serait incompréhensible, l’Assemblée se tirerait une balle dans le pied”, a renchéri sa présidente Yaël Braun-Pivet sur RTL.
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Author : Ambre Xerri, Baptiste Langlois
Publish date : 2023-12-11 19:05:29
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