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La peintre anglaise Issy Wood pour la première fois en solo à Lafayette Anticipations 

La peintre anglaise Issy Wood pour la première fois en solo à Lafayette Anticipations 



On ne sait pas trop ce que refuse Issy Wood. La marche du monde ? Toute forme d’extériorité ? Ou peut-être d’altérité ? La peintre, née en 1993 et diplômée de la Royal Academy à Londres, expose pour la première fois en solo en France.

Une artiste secrète

Auparavant, ses petits formats brumeux avaient été remarqués par une poignée d’initié·es ou d’observateur·ices attentif·ves, notamment lors de présentations dans le cadre de la foire Paris Internationale où sa galerie, Carlos/Ishikawa, l’avait présentée en 2019. Des représentations d’objets déjà, dans des teintes sourdes, presque en grisaille, porteurs d’une charge mutique. Cette qualité de silence menaçant, cette manière pulvérulente et comme entravée d’une pellicule de poussière : tout cela intriguait durablement. La raison en était peut-être ce décalage évident avec la culture visuelle ambiante, là où tout serait au contraire une compétition criarde, accélérée et en HD pour l’attention raréfiée.

Qu’Issy Wood soit elle-même une présence secrète à l’ère de l’hyperpersonnalisation des artistes aura certainement participé à cet engouement frustré – de la part du public et, accessoirement, du marché. On doit donc à Lafayette Anticipations de l’avoir invitée à investir ses trois étages, où l’artiste présente un ensemble de 60 œuvres, pour la plupart inédites ou du moins récentes. Peintures à l’huile sur lin surtout, et sur velours parfois, emplissent les murs, couvrant également un service de porcelaine et un ensemble de mobilier de salon.

Emma Bovary du XXIe siècle

À la faveur d’un accrochage dense et éclectique, le parcours procède par ensembles thématiques. Car Issy Wood classe, répertorie, accumule. Ce ne sont pas les croquis académiques sur le motif, non ; c’est un exercice autre, qui s’attache aux images déjà produites du réel. Alors sa matière première provient d’objets bourgeois et de tout un bric-à-brac encombrant (vaisselle, bibelots, fonds de tiroirs et de poubelles des beaux quartiers), observés directement au travers de décors de famille ou par l’entremise de catalogues de ventes aux enchères ou de petites annonces sur eBay. Des vêtements aussi, et puis des intérieurs de voitures.

Tout cela s’accumule, pèse son poids de reproduction de classe. L’impression reste, d’une part, que ces motifs auraient tout aussi bien pu être des photographies, l’exécution d’une peinture “bien faite” – les valeurs de la bourgeoisie dix-neuvièmiste, encore – n’apportant pas grand-chose. D’autre part, que ce répertoire des signes de distinction d’une classe déclinante reste autotélique, l’artiste évoquant elle-même le malaise de son enfance, de son histoire familiale.

Au-delà du seul biographique, l’ambiance aurait quelque chose de flaubertien, rappelant la fameuse description de la casquette boursouflée jusqu’au grotesque de Charles Bovary dans Madame Bovary. L’ensemble prend un peu de hauteur à mesure que l’on grimpe les étages, pour parvenir aux autoportraits : la série de détails dentaires puis, en bout de parcours, cette autre consacrée aux peintures de selfies – une ouverture peut-être, une évolution à venir dans la pratique de l’artiste. Le panorama exprime le poids des conventions sociales d’un milieu familial ici matérialisé par des objets étouffants mais presque aussi signifiants que des personnages. Une version très XXIe siècle d’Emma Bovary.

Study For No d’Issy Wood à Lafayette Anticipations, Paris, jusqu’au 7 janvier.



Source link : https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/la-peintre-anglaise-issy-wood-pour-la-premiere-fois-en-solo-a-lafayette-anticipations-600952-17-12-2023/

Author : Ingrid Luquet-Gad

Publish date : 2023-12-17 07:00:00

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