Jacob Elordi est-il l’acteur le plus irrésistible au monde ?

Lorsqu’on tombe sous le charme d’un jeune acteur américain qui débute à la fin des années 2010 dans des films et séries à destination d’un public majoritairement adolescent, il semble difficile de ne pas le comparer à Robert Pattinson. Mais quel serait l’équivalent de Twilight dans la carrière de Jacob Elordi, le premier film de la saga ayant la particularité d’être un film d’auteur qui révéla deux des plus grandes stars de leur génération d’un seul coup ?

Euphoria peut-être : derrière la fausse image d’une “simple” série pour ados se cache une équation complexe, comptant un cinéaste et scénariste identifié (Sam Levinson), une coactrice majeure du début de cette décennie (Zendaya, avec qui il fut brièvement en couple, tout comme Pattinson-Stewart), et une image qui colle à la peau de l’acteur. Une gueule d’ange au sourire qui sert de façade à la noirceur qu’il renferme, soit une image qu’il prend un malin plaisir à opacifier tout en la méditant, film après film, aux côtés d’auteur·ices finement choisi·es.

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Déjà, une scène laissait présager de la profondeur de son masque : rappelant à Fezco (Angus Cloud) qu’il avait menacé de le tuer, les deux trinquent, avant que ce dernier lui éclate une bouteille en verre sur le crâne et le frappe, jusqu’à ce que son visage disparaisse sous le sang. Ses dents blanches se distinguent sur sa face déformée, et l’on pourrait presque deviner l’esquisse d’un sourire, une touche de plaisir masochiste à rester le centre de l’attention, même au prix d’un passage à tabac. Une gueule d’ange à la violence contenue donc, et qui, parfois, éclate.

Violence contenue

C’est l’un des premiers motifs à apparaître dans plusieurs rôles tenus par Jacob Elordi. Dans la trilogie The Kissing Booth, films Netflix sans grand intérêt, sinon de révéler l’acteur telle une impureté apparue sur ce tableau lisse, il joue le grand frère du personnage principal, dont la meilleure amie tombe amoureuse. Ici aussi, il est l’adolescent charismatique et populaire. En revanche, il présente l’étonnante particularité d’être colérique et de régulièrement serrer le poing, et parfois de le laisser partir dans la figure des autres garçons dont il est souvent jaloux.

Si cette violence s’est mutée à plusieurs reprises en noirceur (Euphoria), en ambiguïté (Saltburn) ou en toxicité (Priscilla), sa progressive intériorisation fait gagner à l’acteur de la complexité dans la composition de ses rôles. Elle explique également en partie ce qu’Elordi peut apporter à la filmographie de Paul Schrader, qui l’a engagé pour son prochain film Oh, Canada, dans lequel il interprète le personnage principal lorsqu’il était jeune et envoyé au Vietnam, tandis que Richard Gere le jouera dans le temps présent.

Il se place ainsi en nouveau porte-étendard de la figure du héros schraderien mutique, tourmenté et en quête de rédemption, dans la lignée d’Ethan Hawke (Sur le chemin de la rédemption), d’Oscar Isaac (The Card Counter) et de Joel Edgerton (Master Gardener). Un choix qui prouve aussi la maturité et l’intelligence de l’acteur, dont la carrière se dirige de plus en plus (exclusivement ?) vers le cinéma d’auteur·ice… comme le faisait en son temps Pattinson, lorsqu’il déclarait vouloir jouer chez Claire Denis (et cela donna le chef-d’œuvre High Life).

Des choix de plus en plus pointus

Chez Sofia Coppola, il incarne un Elvis Presley anti-spectaculaire, incarnant parfaitement les détails problématiques de l’idole, son côté control freak doux capable de faire tomber Priscilla dans la drogue et de régler les moindres détails de sa vie, sans jamais en venir aux cris ou aux mains. Dans The Sweet East de Sean Price Williams, il jouera une star de cinéma qui arrive aussi vite dans la vie de Lilian (le personnage principal) qu’il en partira.

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Beauté ravageuse, costumes taillés à la perfection, hordes de femmes à ses pieds… Elordi joue à l’écran le mythe qu’il est peu à peu en train de construire : celui d’une star qui plaît et aime plaire, à l’aise dans toutes sortes de budgets (une série HBO, un film indépendant new-yorkais sélectionné à la Quinzaine des cinéastes…), un acteur irréductible et légèrement imprévisible. Nous en aurons sans doute une nouvelle preuve le 20 janvier lors de son premier Saturday Night Live (le signe d’une consécration aux US), une preuve qui ne fera que s’ajouter à celles qu’il donnait à voir dans Saltburn d’Emerald Fennell, film et promotion incluse.

Il y joue à la perfection ce rôle d’aristocrate magnifique à qui personne ne résiste ; cette aisance semble naturelle et infaillible, la honte ne jamais le concerner. Est-ce là une nouvelle récurrence dans ses rôles, que l’on observe également dans Eaux profondes d’Adrian Lyne, où il joue un amant d’Ana de Armas peu complexé à l’idée à ce que son mari (Ben Affleck) les surprenne ? C’est un trait de caractère que l’acteur partage en tout cas avec ses personnages lors de ses apparitions médiatiques, par exemple lorsqu’il feint d’embrasser Barry Keoghan sur un tapis rouge ou avoue, avec le sourire aux lèvres, ne rien connaître d’autre d’Elvis Presley que sa parodie dans Lilo & Stitch…

…tandis qu’en face, Austin Butler disait s’être coupé du monde et de ses proches pour travailler son interprétation d’Elvis durant plusieurs années. Jacob Elordi travaillerait-il à cacher les traces de son labeur ? Sa désinvolture est sans doute feinte, lui aussi a préparé ce rôle. Elle est le produit d’une légère insolence, diluée dans un jeu à la fois libre et décontracté. Sa désinvolture, c’est sa plus sérieuse qualité.



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Author : Nicolas Moreno

Publish date : 2023-12-26 16:49:27

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