La disparition de Jacques Delors a renvoyé les Français à une époque où ils étaient encore fiers de leurs réussites et de leurs dirigeants. Celui qui fut dix ans président de la Commission européenne incarnait une France résolument engagée dans l’intégration du continent, l’élargissement de la Communauté et la marche vers la monnaie unique. On pouvait être un responsable européen en étant populaire.Il est vrai qu’il a joué un rôle important dans les soubresauts de la fin de l’empire soviétique, liant l’Allemagne et la France dans cette chute finalement pacifique, alors qu’elle aurait pu générer encore bien des conflits.Il avait trouvé pour cela des partenaires convaincus des deux côtés du Rhin. Il veillait toujours à ne pas les laisser seuls dans la mise au point de compromis qui devenaient vite la loi européenne, en protégeant tous les Etats membres, y compris les plus petits et les plus démunis. C’est son invention de la politique régionale qui a soudé l’Europe en redistribuant les richesses et en la rendant concrète et visible pour tous les citoyens. Erasmus aura marié une génération d’étudiants.Pour autant, il avançait résolument. L’acte unique européen fut un accélérateur de croissance, inspiré par la grande industrie, qui donna au marché intérieur toute sa force. Aujourd’hui, tous les Etats membres, à l’exception de l’Irlande, commercent davantage avec leurs partenaires européens qu’avec l’extérieur et ces échanges dépassent les 4 000 milliards d’euros.Il a montré la voie du dialogue permanentIl jeta les bases de l’euro, considéré alors comme la garantie ultime du destin commun européen. On dira que c’était une autre époque. C’est vrai. Il s’agissait de construire et de bâtir une architecture commune à des Etats qui s’étaient longtemps divisés. Aujourd’hui il s’agit surtout de réagir aux défis nombreux et nouveaux d’une époque de retour aux rapports de force.Il a montré une voie, celle des décisions communes, même difficiles, de l’intérêt de long terme, mais surtout du dialogue permanent et étroit entre responsables gouvernementaux.Les Français, qui s’opposaient volontiers sur les sujets européens, étaient fiers de lui ; ils l’appréciaient et l’auraient bien propulsé à l’Elysée, car ils choisissent finalement toujours la raison européenne contre la résurgence nationaliste.Las ! Il refusa toujours de plonger vraiment dans la politique nationale.C’est peut-être la vraie raison du bon souvenir qu’il laisse à ses compatriotes. Il est partagé en dehors de nos frontières et ses méthodes resteront des exemples de gouvernance européenne.
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Publish date : 2023-12-28 07:16:36
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