La méga boîte de nuit “Mutabor”, réputée pour ses soirées techno, n’accueillera plus – provisoirement – l’habituelle clientèle huppée qui s’y trémousse joyeusement en s’abreuvant de cocktails hors de prix. Et pour cause ! Le lieu a été mis sous scellés, mercredi 27 décembre. La raison officielle ? Lors d’une inspection administrative, des fonctionnaires y ont découvert “certains produits alcoolisés […] vendus sans licence”. Ils ont aussi constaté “des violations des normes sanitaires”, rapporte le média Izvestia. Mais impossible qu’une telle sanction soit tombée sans rapport avec la soirée arrosée du 20 décembre dernier où les convives étaient invités à respecter le dress code “presque nu”. Parmi les images qui circulent sur les réseaux sociaux : des hommes en bas résille, des femmes en sous-vêtements transparents ou encore un fêtard mimant une fellation à un homme vêtu d’une simple chaussette Balenciaga recouvrant son pénis.Cet événement privé, organisé par la présentatrice télé et influenceuse russe Nastya Ivleïeva, a accueilli plusieurs personnalités du showbiz russe, tels les chanteurs Philip Kirkorov, Lolita Milyavskaya, Dima Bilan et GeeGun ou encore la journaliste bling-bling Ksenia Sotchak – la fille de feu Anatoli Sobtchak, le maire de Saint-Pétersbourg dont Vladimir Poutine fut le poulain. Après avoir acquitté leur billet d’entrée à un prix exorbitant, ces stars ont partagé des clichés sur les réseaux sociaux où on les voit dénudées et éméchées dans une atmosphère trash assumée.A scandal at Moscow’s Mutabor nightclub, where a provocative “Almost Naked #Party” took place, draws outrage in #Russia, especially among pro-Kremlin supporters, resulting in arrests, fines, and legal actions against the organizer Nastya Ivleeva and celebrity attendees. pic.twitter.com/4sIPYVZgj3— Fabulous Beings (@fabulousbeings) December 28, 2023″La guerre est très loin pour eux”La “soirée nue”, désormais connue dans tout le pays, a d’abord fait la une des tabloïds. Puis, l’affaire a pris une tournure politique en suscitant la colère des blogueurs pro-Kremlin actifs sur Telegram, que l’on appelle la “communauté Z”. Cette dernière s’insurge contre cette élite moscovite décadente, qui fait la fête à Moscou à l’heure où d’autres meurent sur le front en Ukraine dans “l’opération militaire spéciale” de Poutine. “Nos soldats au front ne se battent pas pour cette Russie-là”, écrit le propagandiste Yury Podyaka. La chaîne militaire “Deux majors” critique en ces termes la dépravation des fêtards moscovites : “Pour ces monstres, la guerre est très loin”.”Il semble qu’encore aucun événement sur le front, […] même la capture de Bakhmout ou la mutinerie et la mort d’Evgueni Prigojine, n’ait provoqué d’émotions aussi aiguës dans la communauté Z que la “fête nue” organisée par Nastya Ivleyeva à Moscou”, résume Ivan Filippov, observateur de l’évolution des chaînes propagandistes sur Telegram.Plusieurs plaintes ont été portées contre les célébrités présentes à la fameuse soirée. Des activistes d’extrême droite hurlent à la décadence morale de leur “belle Russie”, et réclament des punitions sévères contre les personnes présentes. D’autres y voient carrément une promotion de l’homosexualité, à l’instar de l’avocat Vitaly Borodine, basé dans la région de Moscou. “C’est de la vraie sodomie, de l’obscurantisme, de la propagande LGBT. […] Ils ont tous des enfants, que leur montrent-ils, quel exemple donnent-ils ? Les vrais LGBT sont là”, s’indigne-t-il.”Propagande LGBT”Le fait est que la soirée du Mutabor s’est déroulée dans un pays obsédé par le combat anti-LGBT. Début décembre, la Cour suprême a classé comme terroriste le “Mouvement international LGBT”, et peu importe si un tel mouvement n’a aucune existence juridique, ni en Russie ni ailleurs. Faire la “promotion” de la communauté est en outre devenu passible de dix années d’emprisonnement… La députée Maria Butina (arrêtée aux Etats-Unis par le FBI en 2018 et expulsée en raison de ses activités d’espionnage) a ainsi demandé au ministère de l’Intérieur, à Roskomnadzor (organe de supervision des médias, NDLR) et au ministère de la Culture de vérifier si l’événement était conforme à “l’interdiction de la propagande LGBT”. Selon elle, la “soirée presque nu” contrevient au décret présidentiel de 2022 sur la préservation et le renforcement des “valeurs spirituelles et morales traditionnelles de la Russie”.La récente législation homophobe a déjà fait une victime : le rappeur Vacio. C’est lui qui apparaît sur les vidéos vêtu d’une simple chaussette sur le sexe. Il a été condamné à 15 jours de prison pour “trouble à l’ordre public” et a écopé d’une amende de 200 000 roubles (2 000 euros) pour “promotion de relations sexuelles non traditionnelles”.РИА Новости опубликовало видео, на котором рэпер Vacio извиняется на камеру и осуждает ЛГБТ. Рэпер — один из участников «голой» вечеринки Насти Ивлеевой. Туда он пришел в одном носке.
После того, как фото и видео вечеринки попали в сеть, депутаты и общественники начали массово… pic.twitter.com/d16eAcywT3— Дождь (@tvrain) December 22, 2023Les médias d’Etat omettent soigneusement d’évoquer la présence de personnes proches du pouvoir à la soirée potchti goliy (presque nu). Parmi elles : Ksenia Chilingarova, fille du député Artur Chilingarov et Olga Karput, l’épouse de Pavel Tïo, un grand investisseur proche de Sergueï Sobianine ; le maire de Moscou. A la télévision, les commentateurs se délectent. L’occasion est trop belle de lyncher l’élite culturelle prise en flagrant délit d’amoralité. Dans le viseur : la journaliste Ksenia Sobtchak, héritière bling-bling de l’ex-maire de Saint-Pétersbourg ou encore le très populaire chanteur Philipp Kirkorov, un brin provocateur avec ses tenues “gender fluid”, qui cristallise une homophobie russe grandissante.Vidéos d’excusesComme une dizaine d’autres personnalités, ces deux derniers ont publié des vidéos d’excuses. Sur leurs réseaux sociaux, ils demandent pardon au peuple russe et promettant de faire amende honorable. “Je me rends compte de l’erreur que j’ai commise, admet piteusement Philip Kirkorov. Un artiste du peuple de Russie est obligé de faire plus attention aux événements auxquels il participe”, dit-il face caméra avant de conclure : “J’aime ma patrie, et personne ne m’interdira de le faire”. Même discours hypocrite pour Ksenia Sobchak : “J’aime mon pays. Je suis une journaliste qui travaille en Russie, et je veux que tout le monde sache que je ne veux pas provoquer ce sentiment de haine et de colère envers moi ou d’autres artistes à cause d’un accident aussi stupide”.La bête noire de cette polémique reste cependant l’organisatrice Nastya Ivleeva qui s’est excusée à deux reprises dans deux vidéos différentes, la deuxième en pleurant. Pour se racheter, elle promet de donner les bénéfices de la fête à une œuvre de charité. Elle fait par ailleurs l’objet d’une action en justice pour fraude fiscale, et pourrait être condamnée à payer 1 milliard de roubles (100 000 euros).La mise en scène de leurs excuses traduit la crainte pour ses artistes et personnalités de perdre leur réputation, et de ne plus être invités à se produire sur la scène russe. Déjà plusieurs d’entre eux ont vu leur participation annulée aux émissions télé du Nouvel An. “Le pays n’avait pas vu cela depuis les années 1930”, avance le blogueur politique Dimitri Kolezev, en référence aux aveux forcés lors des procès staliniens. Même pour la jet-set de Moscou, la fête est bel et bien finie.
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Publish date : 2023-12-28 17:50:35
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