Depuis l’invasion de l’Ukraine, les pays baltes ont les yeux rivés sur le voisin russe. À commencer par la Lettonie, pays d’1,9 million d’habitants et ex-vassal de l’Union soviétique. Marque de cet héritage encore très présent, le pays est bilingue, letton et russe. La communauté russe représente d’ailleurs 25 % de la population. Partageant une frontière de 214 kilomètres avec son voisin, la Lettonie craint un scénario similaire à celui de l’Ukraine, ou du moins des tentatives de déstabilisation émanant de sa communauté russe.Dans cette optique, la Lettonie s’attaque aux droits des citoyens russes. Trente-trois ans après la chute de l’URSS, les Russes ethniques devront désormais demander un permis de séjour permanent, qui a perdu sa validité depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, pour rester en Lettonie. Tous doivent maintenant passer un examen de letton. S’ils échouent, ils risquent l’expulsion vers la Russie.Au total, 445 600 Russes habitent en Lettonie, selon les statistiques officielles. Près de 299 000 d’entre eux ont la nationalité lettone et environ 116 000 sont sans citoyenneté depuis la perte de leur passeport soviétique, en 1991. Enfin, ils sont 38 000 à être citoyens de la Fédération de Russie, toujours selon Courrier International.Sur les 11 301 Russes qui ont passé cet examen linguistique avant septembre 2023, 61 % ont échoué lors de leur premier essai. Ils ont eu le droit à une seconde chance. Mais ce délai n’a pas suffi pour certains : au 4 janvier 2024, 1 167 citoyens russes de Lettonie étaient en situation d’expulsion du pays, rapporte le quotidien russe Kommersant, d’après les données du Bureau de la citoyenneté et de la migration (BCM) de Lettonie. Les femmes et les personnes âgées représentent près de la moitié d’entre eux. Si certains ont raté leur test, d’autres n’avaient pas remis leur demande de carte de séjour. À noter que les autres communautés doivent répondre à des conditions bien plus souples, ce que certaines associations russophones considèrent comme de la discrimination.Une dérussification de la LettonieIl s’agit d’un virage à 180 degrés pour la Lettonie, pays démocratique qui semblait encourager le vivre-ensemble. Mais l’invasion d’Ukraine a accentué les divisions, d’où les mesures prises contre les citoyens russes. De quoi agacer cette communauté qui voit ses droits et sa culture disparaître au fur et à mesure, alors que les autorités lettones s’activent à la dérussification du pays. Concrètement, cette nouvelle politique passe par le déboulonnage des statues de l’époque soviétique ou encore l’interdiction des chaînes de télévision russes. Mais le plus dur à avaler pour les russophones reste la suppression progressive de l’enseignement russe à partir de 2025. De quoi effacer le caractère bilingue du pays.De son côté, le ministère des Affaires étrangères russe n’a pas manqué de réagir. Il a dénoncé cette atteinte aux droits des minorités de la part de Riga, ajoutant que Moscou accueillerait les Russes de Lettonie “déportés”, selon le site économique russe RBK. “Si les choses vont jusqu’au renvoi de nos compatriotes vers leur patrie d’origine, la Russie fera le maximum pour les prendre en charge”, avait ajouté le vice-ministre des Affaires étrangères russe, Alexandre Grouchko.Depuis l’invasion de l’Ukraine, les pays baltes sont sur le qui-vive, craignant de voir le géant russe déstabiliser leur nation et menacer leur intégrité. Après l’annonce de la mobilisation partielle en Russie par Vladimir Poutine mercredi 21 septembre, les gouvernements letton, estonien et lituanien avaient décidé ne pas délivrer de visas aux citoyens russes voulant fuir leur pays pour ne pas combattre en Ukraine. En Estonie, des mesures ont également été prises pour limiter la possibilité pour les ressortissants russes de rester dans le pays. Le gouvernement pourrait faire une exception pour les étudiants qui devront tout de même signer une déclaration affirmant qu’ils soutiennent l’Ukraine.En Lituanie, où la communauté russe représente seulement 5 % de la population, le pays s’est aussi doté de mesures à l’égard des Russes ayant un visa longue durée. “Il faudra qu’un jour cette communauté russe choisisse son camp”, expliquait un cadre au ministère des affaires étrangères lituanien au journal du Monde, en juin 2023. Comme si la loyauté de la communauté russe devait sans cesse être remise en question. Finalement, ce sont des familles entières qui risquent de payer le prix d’une guerre avec laquelle elles n’ont rien à voir.
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Publish date : 2024-01-07 17:05:18
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