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Paris 2024 : ces médaillés olympiques français qui ne roulent pas sur l’or

France's Delphine Reau competes to win the bronze medal in the Trap women's final at the London 2012 Olympic Games at the Royal Artillery Barracks in London, on August 4, 2012.   AFP PHOTO / MARWAN NAAMANI (Photo by MARWAN NAAMANI / AFP)




Pour les sportifs de haut niveau, remporter une médaille aux Jeux olympiques est le rêve d’une vie. Delphine Racinet-Réau l’a réalisé deux fois, à douze années d’écart : en argent à Sydney, en 2000, et en bronze à Londres, en 2012. Un parcours exceptionnel dans son sport, le tir sportif, catégorie “fosse olympique” – l’autre nom du ball-trap. Jamais pourtant la championne n’est devenue une star : même au pic de sa carrière, la championne de tir n’a pas pu se dédier entièrement à son sport.Après les Jeux de Sydney, Delphine Racinet-Réau a travaillé dans un cabinet d’audit. Depuis 2005, elle gravit les échelons chez Bouygues Bâtiment IDF. “J’avais préparé un double projet pour être certaine de pouvoir retomber sur mes pattes : avoir une carrière sportive, et une carrière tout court, explique-t-elle. Je ne fais pas partie des sports très médiatisés”. Depuis toujours, la championne sait qu’elle pratique un sport qui ne peut pas la nourrir. La Fédération de tir et les clubs ne salarient pas leurs participants, tandis que les contrats publicitaires sont quasiment inexistants. “Même après mes médailles, je n’ai pas eu de sollicitations de marques très importantes, poursuit-elle. C’était avant tout du sponsoring “technique”, et donc du matériel, comme des fusils et des cartouches”.Ni le ball-trap, ni Delphine Racinet-Réau ne sont des exceptions. “Les sportifs se disent souvent qu’une fois qu’on a gagné les Jeux, il ne peut plus rien nous arriver, abonde Denis Gargaud, champion olympique en canoë-kayak en 2016. C’est une idée qu’il faut combattre”. Kayak, escrime, voile, vélo… Bien loin des contrats mirobolants des stars du foot, ou des exceptions comme celles du judoka Teddy Rinner, de nombreux médaillés olympiques ne peuvent pas vivre de leur sport. Souvent, leur vie d’après est même compliquée : dix-huit mois après avoir pris sa retraite sportive, en 2019, Emilie Andéol, médaille d’or à Rio en 2016, expliquait au Parisien être au chômage et dans “la galère”. Cent vingt-sept ans après les premiers JO modernes, les sports olympiques se cherchent encore un modèle économique. La majorité des médaillés, crème de la crème de leurs disciplines, ne roulent pas sur l’or.Les primes des JORemporter des médailles olympiques s’accompagne certes de jolies primes, dont le montant n’a cessé d’augmenter lors des dernières éditions des Jeux. A Paris, en 2024, l’or rapportera 80 000 euros par athlète – en individuel comme en collectif – contre 65 000 euros à Tokyo en 2021 et 50 000 euros à Rio et à Londres. Gagner l’argent permettra de recevoir 40 000 euros au lieu de 25 000 euros. Le bronze, 20 000 euros, quand les sportifs des Jeux précédents touchaient 15 000 euros. Des sommes rondelettes, bien que désormais imposables. “Elles ne sont pas suffisantes pour vivre : à mon époque, le montant de la prime pour l’or n’équivalait même pas à un smic sur quatre ans, pointe Jérémie Azou, champion olympique d’aviron en deux de couple poids léger à Rio. C’est seulement si vous êtes dans les meilleurs des meilleurs. Blessé ou malade le jour de la compétition, vous êtes moins bien classé, ou vous n’avez pas de médaille du tout”.Pour vivre entre deux éditions des Jeux, les médaillés peuvent compter sur les subventions de leur fédération. Ces “aides personnalisées”, ne dépendent pas des médailles, et sont attribuées aux sportifs de haut niveau par le directeur technique national de chaque fédération. Elles sont de 5 ordres : des aides sociales – selon les ressources des sportifs -, des primes à la performance – pour les sportifs ayant réalisé des podiums lors de championnats du Monde, par exemple -, des remboursements de frais, des aides aux projets de formations, ou encore, des sommes versées directement par l’Etat à l’employeur. Pour encourager les entreprises à maintenir le salaire de leurs athlètes olympiques, l’Etat verse directement une partie de cette somme à cette entreprise lorsque son salarié est absent.Grâce à ces subventions, Olivier Bausset, médaille de bronze en voile à Pékin en 2008, a ainsi pu bénéficier de “750 à 800 euros par mois” en complément de son salaire d’interne en pharmacie. Son quotidien est depuis éloigné de son sport : il est directeur du laboratoire de biologie Cerballiance, en Provence-Alpes Côte d’Azur. Dans le cas de Jérémie Azou, les aides distribuées par sa fédération, d’un montant proche de “1200 à 1500 euros net mensuels” venaient s’ajouter à l’activité de kinésithérapeute qu’il menait en parallèle. “En cumulant le tout, j’arrivais à environ 3 000 euros”, raconte-t-il. De quoi vivre confortablement.Un temps réduitLes champions souhaitant continuer leur carrière sportive tentent de surfer sur leurs podiums et ses retombées médiatiques. “Peu après ma médaille, j’avais pu avoir quelques sponsors supplémentaires, ce qui m’avait permis d’épargner et de fournir un apport sur une maison”, raconte Julien Bahain, champion de bronze d’aviron en quatre de couple aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008. Le sponsor de l’équipe, Adidas, avait doublé la prime olympique pour chaque sportif, leur permettant de cumuler 18 000 euros après les jeux. “Nous avions aussi des partenariats liés à nos équipements, se souvient le rameur. Le Maine-et-Loire avait contribué, ainsi que des entreprises semi-privées comme EDF”. Les collaborations périclitent après son classement à Londres – il arrive 10e, cette fois en deux de couple. “Attirer les sponsors, c’est beaucoup d’efforts pour relativement peu de résultat. Quand on cumule entraînement et travail, rien n’est facile, développe Bahain, qui a notamment occupé un poste d’ingénieur pendant sa préparation aux JO de Londres. Surtout quand on est loin de Paris, où ont lieu beaucoup des soirées qui réunissent sportifs et sponsors”.Signer des contrats est une question de localisation et de timing : il faut être au bon endroit, au bon moment. “Et avoir la bonne médaille, ajoute l’escrimeur Brice Guyart. Pendant le mois qui suit une médaille, les médias ont un intérêt fort pour votre profil”. Médaillé d’or au fleuret par équipe à Sydney, puis en individuel à Athènes quatre ans plus tard, l’athlète, qui a travaillé un temps pour la SNCF, est désormais membre du comité d’organisation des Jeux de 2024. “Ce temps où les médias s’intéressent à vous est capital pour tout athlète qui veut pérenniser sa situation. Il doit apprendre à raconter une histoire, très vite, pour capter l’attention des sponsors”.Savoir “se vendre”Outre un palmarès exceptionnel, c’est cette capacité à créer sa propre marque qui distingue souvent les réussites financières du commun des médaillés. “Ce sont ceux qui savent ‘se vendre'”, commente Julien Bahain. Kevin Mayer, médaillé d’argent du décathlon à Rio, attire les marques comme Nike, Mont Blanc, la FDJ ou encore Gillette. Retraité, Martin Fourcade, quintuple champion olympique, continue de signer des contrats avec Odlo, marque de sous-vêtements techniques, ou encore Rossignol Appareil. Teddy Riner, enfin, qui cumule trois médailles d’or, deux de bronze, et onze titres de champion du monde, agrège les contrats publicitaires. En 2018, année de la dernière mouture du classement des salaires des sportifs français, le judoka était le seul sportif olympique à se hisser dans le top 50 – à la 35e place. Cette année, il aurait même fait l’objet d’une offre record – refusée – de 15 millions d’euros par l’UFC, une fédération de MMA. “Teddy Riner a su transformer son potentiel sportif en potentiel économique, mais reste une exception, souligne Laurent Acharian, ancien journaliste à L’Equipe, aujourd’hui à la tête de BCG X et mentor de sportifs de haut niveau dans leur cursus à Sciences Po. Les sportifs travaillent d’arrache-pied pour un moment d’émotion, leur victoire aux JO, qui débouche sur des moments compliqués ensuite”.Certaines disciplines olympiques ont trouvé la solution du financement de leurs sportifs en interne. Depuis le début des années 2000, la Fédération française de handball a contribué à la mise en place de ligues professionnelles, composée de trente clubs chez les garçons et autant chez les filles. “Ce système permet aux sportifs d’avoir une indépendance financière, avec des salaires s’étalant de 5000 à 15 000 euros pour une handballeuse, et le triple pour un garçon”, détaille Philippe Bana, président de la Fédération française de handball. En cas de podium, les sélectionnés aux Jeux olympiques recevront en plus des primes d’Etat une prime fédérale. “En cas de médaille d’or, chaque athlète pourra recevoir 100 000 euros en totalité”, poursuit-il. Des primes auxquelles s’ajoutent les sponsors. Nedim Remili, membre de l’équipe de France de handball, champion olympique 2020, raconte ainsi être sponsorisé depuis “huit ou neuf ans” par Adidas, et “cinq ou six ans” par la marque d’équipements sportifs McDavid. Les contrats se situent “autour de 20 à 25 000 euros”. Mais ces sommes confortables n’enlèvent rien à un tourment qui préoccupe n’importe quel médaillé : la question de l’après.L’accueil des grandes écolesL’angoisse de la retraite sportive taraude chaque médaillé. Des initiatives ont été mises en place pour améliorer la reconversion des sportifs de haut niveau. Le pacte de performance, créé en 2014 et depuis 2017 sous l’égide de la Fondation du Sport Français fait partie des dispositifs les plus cités. Il permet ainsi à des entreprises d’accompagner financièrement des athlètes à hauteur d’un montant plancher de 20 700 euros par an. Une manière d’investir dans un sportif qui, ensuite, pourra éventuellement se reconvertir dans l’entreprise. La SNCF, Engie, mais aussi l’armée sont friands du dispositif.Plusieurs grandes écoles comme l’Essec, Sciences Po ou encore l’EDHEC ont créé des voies d’entrées spécifiques pour les sportifs de haut niveau afin de favoriser leur reconversion. “Notre Fédération aide ses sportifs, médaillés ou non, à essayer de trouver leur premier travail. On les conseille, on essaie de faire marcher notre réseau”, souligne Stéphane Noomis, président de la Fédération française de judo. La méthode rejoint celle de la FFF de handball. “Nous faisons tout pour accompagner au plus près nos handballeurs dans leur reconversion, confirme Philippe Bana. A l’inverse du début des années 2000, où la plupart finissaient kiné ou managers du sport, nous diversifions nos conseils pour faire du sur-mesure”. Tout mettre en oeuvre, pour éviter de laisser les médaillés – riches et moins riches – sur le carreau.



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Author : Alexandra Saviana

Publish date : 2024-01-08 04:55:38

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