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Remaniement : Elisabeth Borne, joue-la comme Rocard

La Première ministre Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale à Paris, le 4 décembre 2023




Les médisants, au début de l’histoire, jabotaient. Elisabeth Borne à peine nommée, déjà en sursis. Elle ne serait rien de plus qu’une “autre Édith Cresson”, encore fallait-il qu’elle batte le record de la première femme à Matignon : dix mois et dix-huit jours. Facile. On accusa ensuite Élisabeth Borne de marcher dans les pas de Michel Rocard avec tous ces 49.3. Record à battre, encore : 28 pour lui, 23 (seulement) pour elle… Raté. Lui, c’était lui. Et elle, c’est elle mais un peu lui aussi. Elle, elle s’en va ce 8 janvier, à la faveur d’un tweet d’Emmanuel Macron. Drôle de remerciement ? Air du temps.Dans sa lettre, les mots de Borne sont choisis : “Vous m’avez fait part de votre volonté de nommer un nouveau Premier ministre.” Et ceux-là aussi : “Alors qu’il me faut présenter la démission de mon gouvernement…” Il lui faut ? Elle ne voulait donc pas partir mais qu’importe puisque Emmanuel Macron ne voulait plus d’elle. “Ce n’était pas fluide”, résume un porte-parole. Sympathique euphémisme. Matignon, quel enfer ! Ces mots-là, ce sont ceux de Michel Rocard en 1991. Quand ce dernier quitte Matignon, il écrit les mêmes à François Mitterrand. D’abord, un brouillon : “À l’heure où je présente la démission du gouvernement.” Il se corrige : “A l’heure où il me faut présenter la démission de ce gouvernement.” Et la même introduction : “Vous avez bien voulu me faire part de votre intention de former un nouveau gouvernement.” Comme Élisabeth Borne, Michel Rocard n’est pas parti parce qu’il en avait envie mais parce que “Mitran” n’en voulait plus. Entre eux aussi, ce n’était pas “fluide”.”Je me suis trompé”Matignon, un enfer on vous dit. Édouard Philippe en sait quelque chose. Édith Cresson aussi. C’est le problème avec les présidents jupitériens : ils font ce qu’ils veulent quand il s’agit de congédier ou de désigner quelqu’un au poste de Premier ministre. Mitterrand avait nommé Rocard parce qu’il ne l’aimait pas et qu’il ne voulait pas de lui comme successeur potentiel. Il fallait donc lui brûler les ailes. Emmanuel Macron n’aimait pas plus Élisabeth Borne mais n’a jamais cru qu’elle pouvait lui succéder non plus. Exécutante hors pair de ses réformes, coûte que coûte, quitte à s’abîmer politiquement – ce fut le cas avec la loi immigration – l’ex-Première ministre aura “fait le job”, comme on dit, et plus encore. Mais quand ça ne va plus, ouste !Et puis, il y a la tempête, celle que provoque chaque matin l’absence de majorité franche à l’Assemblée nationale et qui complique toutes les réformes. Par gros temps, la stabilité a ses avantages… Qu’attendait-il donc de plus d’Élisabeth Borne ? Qu’elle change, comme Mitterrand l’espérait de Rocard ? “Je me suis trompé. Je suis obligé de me poser la question de son départ” avait dit le “Vieux” à Laurent Fabius, son sabra. C’est oublié, comme disait Rocard, qu’”il n’y a pas d’employés sans employeurs”.



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Author : Olivier Pérou

Publish date : 2024-01-08 20:26:07

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