“Si je n’incarne pas la liberté, je ne sais pas ce que je peux incarner. C’est génétique chez moi.” Voilà comment Rachida Dati se définissait en cet été 2022. Cette liberté, la droite en a profité des années. Combien de débats télévisés où elle a crevé l’écran ? Combien d’adversaires envoyés au tapis d’une formule assassine, lâchée dans un grand éclat de rire ? Cette liberté, la maire du VIIe arrondissement de Paris l’utilise cette fois contre sa famille. Rachida Dati a été nommée ce jeudi 11 janvier ministre de la Culture d’Emmanuel Macron, scellant la rupture avec les siens. “Elle se place en dehors de notre famille politique. Elle ne fait désormais plus partie des Républicains”, commente dans un communiqué le patron de LR Eric Ciotti, promettant de “tirer les conséquences de son choix”.Les Républicains (LR) avaient terminé l’année en fanfare, auréolés d’une victoire politique sur la loi immigration. Enfin ils démontraient leur utilité à l’Assemblée nationale. Enfin ils retrouvaient l’oxygène politique dont la Macronie et le RN les avaient privés depuis six ans. Les voilà à nouveau la tête sous l’eau, miroir vieillissant et riquiqui du pouvoir en place. L’arrivée de la sarkozyste Catherine Vautrin au ministère du Travail, de la Santé et des Solidaritésne fait que renforcer cette impression. La quête de singularité, mythe de Sisyphe de la droite. “C’est un clou de plus dans le cercueil”, analyse un député LR. “Cela complique la chose”, ajoute un autre.Eric Ciotti n’avait rien vu venir”Rachida, il vaut mieux l’avoir avec soi que contre soi.” A droite, cette maxime est répétée à l’envi, dans un sourire teinté de crainte. “Rachida” est imprévisible, sa légende est écrite. Qui n’a pas eu vent d’une colère homérique de l’ancienne garde des Sceaux, au tempérament de bulldozer ? Eric Ciotti l’a toujours cajolée. Sitôt élu président de LR, il la nomme présidente du Conseil national de LR, sorte de parlement du parti. Il la sonde pour prendre la tête de liste du parti aux élections européennes. Elle ne donne pas suite, privilégiant ses ambitions parisiennes.Cet adieu, le Niçois ne l’avait pas vu venir. Rachida Dati l’en a informé ce jeudi. Il avait auparavant confié à Bruno Retailleau que le chef de l’Etat ne piocherait pas dans le vivier LR. A droite, personne ne s’y attendait vraiment. “On est sorti de ce jeu, confiait récemment un dirigeant LR. Macron a trop besoin des LR à l’Assemblée pour s’autoriser à les provoquer en faisant des débauchages.” Loupé. Le chef de l’Etat n’a pas pu s’empêcher ce petit plaisir, quitte à braquer les 62 députés LR, force pivot de la Chambre basse. Il s’est attiré ce jeudi une lourde mise en garde d’Eric Ciotti. “Ce gouvernement n’a pas de majorité. Les choix qui ont été faits contribuent peut être encore plus à ce qu’il n’ait pas de majorité.”La droite, victime collatérale de ParisLa droite perd l’une de ses figures de proue. Rachida Dati, espère, elle, gagner Paris. Une obsession. Défaite lors des municipales de 2020, Rachida Dati souhaite déloger Anne Hidalgo de l’Hôtel de Ville en 2026. Elle en a la certitude : seule une alliance entre la droite et la Macronie peut assouvir cette ambition. “Je suis adepte de la méthode Sarko, a-t-elle théorisé auprès d’un cadre de la majorité parisien. On se rassemble tous au premier tour. On fait un gros score et on crée la dynamique pour le second.” Rachida Dati met en pratique cette conviction, elle pousse son avantage pour être la figure de rassemblement. “C’est un calcul politique. Elle veut porter une liste LR-macroniste”, note un sénateur francilien. Ainsi, la ministre a affirmé son souhait de rester membre des Républicains à l’occasion d’une visioconférence rassemblant parlementaires parisiens et maires d’arrondissements quelques heures avant l’officialisation de sa nomination.Voilà Eric Ciotti victime collatérale d’ambitions locales. Et la droite avec lui. La trajectoire récente de Rachida Dati épouse celle de LR. En février 2022, elle est l’une des premières à émettre des réserves publiques sur la campagne présidentielle de Valérie Pécresse. Dans un entretien au Figaro, elle met en garde contre les “postures technocratiques” et l’appelle à faire preuve de “transgression” dans son projet. Rachida Dati, ou l’art de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. En mars 2023, elle appelle à un “accord de gouvernement” entre LR et la Macronie après l’adoption aux forceps de la réforme des retraites. Son parti ne l’a pas suivi, elle a mis en application ses propres conseils dix mois plus tard. Certes, pour des motifs personnels. Mais de cette séquence, on retiendra l’arrivée d’un nouveau ministre de droite au gouvernement. La Macronie prend des airs d’UMP 2.0. “Pourvu que ça continue”, se marre un député de l’aile droite de Renaissance. LR en a plutôt marre de boire le calice jusqu’à la lie.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2024-01-11 20:15:29
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