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Attaques en mer Rouge : “Pour les assureurs, le risque reste plus élevé en mer Noire”

Le Danois Maersk a décidé pour des raisons de sécurité que tous les navires mis en pause et qui devaient traverser la mer Rouge seraient désormais redirigés autour de l'Afrique via le cap de Bonne Espérance




Avec la réplique de Washington et Londres du vendredi 12 janvier aux attaques répétées des rebelles yéménites, la tension est encore montée d’un cran en mer Rouge. De son côté, le constructeur Tesla a annoncé que sa production de voitures électriques en Allemagne serait suspendue pour deux semaines, du 29 janvier au 11 février, faute d’avoir reçu les pièces nécessaires dans son usine proche de Berlin. Les troubles dans cette zone maritime contraignent de nombreux navires à modifier leur trajet pour prendre la direction du cap de Bonne Espérance, à la pointe sud de l’Afrique, ce qui allonge considérablement leur route. Pour autant, l’analyse des risques par les assureurs montre que la situation est pour l’heure moins critique qu’en mer Noire, au cœur du conflit russo-ukrainien. Les explications de Mathieu Berrurier, directeur général du courtier spécialisé en assurance maritime Eyssautier-Verlingue.L’Express : Comment réagissent les assureurs qui couvrent les navires et leurs marchandises à la situation en mer Rouge ?Mathieu Berrurier : Avoir le point de vue de ces experts est particulièrement intéressant parce que leur évaluation permet de mesurer l’intensité du risque à un instant T. Tous les armateurs et tous les chargeurs sont en principe assurés contre les “risques de guerre”, c’est-à-dire les dommages aux navires ou aux marchandises qui proviennent d’événements liés à des conflits ou des tensions géopolitiques. Ces contrats sont annuels, moyennant une prime de base qui est en général très faible. Ensuite, chaque assureur a son propre système d’évaluation et de gradation de risques, sur une échelle de 1 à 8. En fonction de son analyse, les primes évoluent.Dans un premier temps, elles augmentent à mesure de la gravité estimée. Arrivé à un niveau de 7 ou 8, les assureurs disent “stop” et ne couvrent plus qu’au cas par cas. Car – et c’est une particularité – dans l’éventualité où un conflit armé se déclare, l’assureur “risque de guerre” a la possibilité, suivant un préavis de deux à sept jours, de suspendre la couverture. S’il accorde malgré tout à son client une autorisation de transiter par les zones en guerre, il applique alors une surprime, qui peut être très élevée.C’est ce qui s’est passé en mer Noire, avec la guerre en Ukraine ?En mer Noire, on s’est tout de suite retrouvés au niveau 8. Aujourd’hui encore, l’analyse des assureurs fait apparaître un risque beaucoup plus élevé en mer Noire qu’en mer Rouge, pour deux raisons. La première parce que la mer Noire est un piège, c’est un trou à l’intérieur duquel les navires vont dans des ports, parfois minés, pour charger et pour décharger. Le risque est maximum. Deuxième raison : ce sont les Russes qui sont en face, une véritable force de frappe potentielle.A l’inverse, en mer Rouge, les navires ne sont pas confrontés à un risque de destination mais de transit – ils passent au large. En outre, la puissance attaquante, ce sont les houthistes, dont les capacités sont bien moindres que celles des Russes : on a parlé d’une vingtaine d’attaques de drones, mais pour l’instant, aucune n’a eu de conséquence dramatique. S’ils devaient mener vingt attaques sérieuses, les Russes enverraient quinze bateaux dans le fond ! Le risque paraît donc bien moindre et d’ailleurs, si certains assureurs ont choisi d’appliquer une surprime pour les marchandises qui transitent par la mer Rouge, d’autres, à ce jour, ne le font pas encore. En revanche, tous appliquent une surprime au passage des navires dans cette zone.Néanmoins, les primes appliquées par les assureurs ont augmenté. Dans quelle proportion ?Pour donner un ordre d’idée, les primes de base ont été multipliées par 10, mais les montants restent limités. En tout cas, cette hausse n’est pas assez forte pour dissuader un armateur de passer par la mer Rouge et le canal de Suez. Les armateurs qui font ce choix avancent d’autres arguments, telle la sécurité des équipages. Dans tous les cas de figure, cela implique de fortes augmentations des taux de fret. Passer par le cap de Bonne Espérance, c’est beaucoup de mer en plus, beaucoup de fioul en plus, cela désorganise la chaîne de transport. Sans compter que dérouter le navire peut se révéler plus coûteux que de ne pas dévier en payant éventuellement une surprime d’assurance.A la fin, ce n’est pas l’armateur qui supporte ces surcoûts : ils sont répercutés à chacun des intervenants dans la chaîne d’approvisionnement. Cela inquiète beaucoup les exportateurs chinois car si cette crise devait se généraliser et s’amplifier, elle affecterait la compétitivité de leurs produits, entre les délais de livraison et la hausse des prix due au coût du transport ou de l’assurance. Vous vous souvenez qu’à la sortie du Covid, beaucoup de conteneurs étaient bloqués dans les grands ports mondiaux parce que tout était désorganisé ? On s’oriente vers le même genre de schéma. Dans un port de commerce, tout est planifié pour recevoir un certain nombre de conteneurs par jour. Avec les navires déroutés, les conteneurs arrivent trois semaines plus tard, en quantités énormes.Si le conflit se généralisait, les assureurs seraient donc plus sélectifs ?Oui, ils adopteraient une position beaucoup plus sévère, à l’instar de ce que l’on observe déjà dans le Golfe Persique par exemple, où ils considèrent qu’on est en permanence dans une zone risquée. La mer Rouge deviendrait une région du monde où la tarification d’assurance deviendrait, de manière durable, plus élevée, voire où les assureurs cesseraient de couvrir les navires.D’autres zones sont-elles à surveiller particulièrement ?Le transport maritime, c’est 80 % des échanges de marchandises dans le monde. Donc le moindre grain de sable peut engendrer des difficultés. La mer de Chine est un sujet de vigilance pour les assureurs, de même que d’autres phénomènes. Du fait des troubles en mer Rouge, beaucoup de bateaux remontent le long des côtes africaines, à l’ouest du continent et l’on a vu une certaine recrudescence des actes de piraterie dans le golfe de Guinée. C’est une piraterie différente de celle qu’on a connue dans la Corne de l’Afrique, en Somalie. Il s’agit plus de vols, de chapardage. En contournant certains endroits, on augmente les risques ailleurs.



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Author : Muriel Breiman

Publish date : 2024-01-12 18:24:53

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