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Marie Darrieussecq : “Fabriquer une femme” ou les truismes du snobisme

Marie Darrieussecq a été sacrée mardi par le prix Médicis pour "Il faut beaucoup aimer les hommes" (P.O.L.), roman brûlant sur la passion de deux amants, elle, blanche, consumée par l'attente de l'autre, lui, noir, habité par l'idée de tourner un film en Afrique.




Invitée sur le plateau de François Busnel en 2016, Marie Darrieussecq expliquait avec son arrogance coutumière l’importance qu’ont pour elle les titres de ses livres : “Comme je suis écrivaine, j’entends la musique des mots – enfin, j’essaie… Il m’arrive même d’avoir le titre avant le roman. J’ai parfois des irruptions de titres où je me dis : quel est le livre qu’il faut que j’écrive derrière ce titre ? C’est curieux… Il y a une phrase de Julien Gracq que j’aime beaucoup, qui dit : ‘J’écris mes livres pour savoir ce qu’il y a dedans.'” Problème : là où Gracq était le roi incontesté des titres poétiques (Au château d’Argol, Le Rivage des Syrtes, Autour des sept collines, etc.), le nouveau Darrieussecq s’appelle “Fabriquer une femme”. Un titre aussi laid ne pouvait cacher qu’un roman ultralourd.Révélée en 1996 par Truismes, fantaisie pseudo-kafkaïenne où une femme se transformait en truie, Marie Darrieussecq a prouvé depuis longtemps que tout n’est pas bon dans le cochon. On ne ressortira pas ici ses quelques casseroles (elle fut accusée de plagiat par deux consœurs de haut vol, Marie NDiaye et Camille Laurens). Citons comme autre fait d’armes La Mer à l’envers, un roman bobo sur les migrants sorti en 2019. Outre le côté plus qu’indécent du thème, c’était réchauffé – Maylis de Kerangal avait publié A ce stade de la nuit, sur Lampedusa, dès 2015. Puisqu’on ne peut pas éternellement copier les idées des voisines, Marie Darrieussecq a choisi cette fois-ci de s’autopasticher en remixant Clèves, son roman de 2011.Nous revoici donc à Clèves, un village du Pays basque, dans les années 1980. Avec un mépris pour ses propres personnages qui confine à la cruauté, Marie Darrieussecq met en scène deux adolescentes pas très futées, entourées de garçons pas moins nigauds. Solange tombe enceinte à 15 ans. Rose, elle, hésite entre Marcos, un “gourou de province”, et Christian, poète raté. Au lit, Christian ne semble pas avoir les dons de Casanova. Marie Darrieussecq aligne les scènes de touche-pipi laborieuses ponctuées de jolies phrases : “Il l’embrasse et le zizi se coince entre eux, ça fait dzoiiiing comme un ressort quand il s’écarte.” Quand Christian arrive enfin à perdre sa virginité le lecteur est gratifié de scènes de sexe dignes de Bruno Le Maire et Eric Reinhardt – dont on sait qu’ils sont des maîtres en la matière. Heureusement la vie ne s’arrêtera pas à la puberté pour nos deux héroïnes. Rose fait des études de psycho. Quant à Solange, elle veut devenir comédienne. Elle s’installe donc à Paris, où elle sort aux Bains Douches, puis file à Londres, dont elle fréquente l’underground. Dans ces passages-là (et il y en a des tartines), on se pince : quelle mouche a piqué la normalienne de vouloir ainsi écrire sur la pop culture ? Elle est à peu près aussi crédible que si Elisabeth Borne s’érigeait en spécialiste de la scène techno berlinoise des années 2000.L’impression de lire un roman généré par un algorithmeEn vérité, rien ne colle dans Fabriquer une femme. Comment Marie Darrieussecq peut-elle travailler comme psychanalyste (l’un de ses gagne-pain) avec aussi peu de finesse psychologique ? Intériorité des personnages, références culturelles, reconstitution de l’époque : rien ne sonne juste. Pas d’humour, pas de mélancolie, pas d’âme, on a l’impression de lire un roman généré par un algorithme. Quand on lui demande quel est le livre qui a changé sa vie, Marie Darrieussecq répond L’Attrape-cœurs, de Salinger. Elle essaie parfois ici de singer son oralité écrite. Mais cette remarquable intellectuelle a dû étudier la littérature dans des essais structuralistes froids. Et Salinger passé à la moulinette de Gérard Genette, cela donne une soupe indigeste…A l’époque de Truismes, chroniquant le roman dans Le Figaro littéraire, le grand critique Renaud Matignon notait au sujet de cette “allégorie un peu lourde” : “Que manque-t-il à ce fabliau pour être un très bon livre ? Tout simplement quelqu’un pour l’écriture. Mme Darrieussecq se soucie de littérature comme d’un gland à la mi-septembre, et l’on serait tenté de lui faire remarquer qu’à raconter l’histoire d’une truie on n’est pas obligé d’écrire comme un cochon.” Il relevait à ce propos “scories et balourdises de langage, qu’on craint de devoir imputer plutôt à une disgrâce de style qu’à une visée parodique”. Hélas, la romancière n’a fait aucun progrès ces trente dernières années. Ses défauts ont même empiré. Nous ne sommes pas pressés de lire ce qu’elle publiera dans les années 2050.



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Author : Louis-Henri de La Rochefoucauld

Publish date : 2024-01-13 09:30:00

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Tags :L’Express

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