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“La Grâce”: un road movie existentiel au cœur de l’immensité russe

“La Grâce”: un road movie existentiel au cœur de l’immensité russe



Après avoir débuté par le documentaire (Froth), Ilya Povolotsky, 36 ans, présentait à la Quinzaine des cinéastes en mai dernier un premier long métrage de fiction impressionnant de maîtrise. Son nom (original), Grace, pourrait être celui de la jeune fille du film, incarnée par Maria Lukyanova, visage d’ange au regard intrépide dont le cinéaste taira le prénom du début à la fin, tout comme celui de son père, figure mutique aux yeux tristes. Compagnon et compagne de voyage, père et fille sillonnent comme deux vieilles âmes extirpées d’un western aux airs de road movie les routes désertes, les steppes lumineuses du Sud, les plaines grises du Nord d’un pays sans âge, à l’arrêt, comme saisi à l’aube d’une apocalypse (la nôtre).
Nul ne parle mais tous·tes deux sont obligé·es de partager ce minuscule espace de travail, d’intimité, que leur offre leur van rouge. Parfois, le duo s’arrête dans des villages, déballe en plein air un écran géant pour montrer des films, rescapés immortels de ce monde en crise, et ramasser le maigre butin de cette activité. Mais La Grâce, c’est aussi et surtout cet état de suspension que ne cesse de chercher et d’atteindre une caméra charnelle et distante, un film rythmé par de lents et longs panoramiques semblables aux mouvements d’une danse harmonieuse et macabre, celle d’oiseaux de mauvais augure, peut-être celle d’une présence fantôme, d’une substance quasi divine.
Par un réseau de signes et de symboles qui n’effacent jamais la matérialité d’un film qui sait si bien rendre l’hostilité et les contrastes de son paysage mental, La Grâce s’éclaire à mesure qu’il avance et transcende le portrait initiatique et complice de sa jeune héroïne endeuillée, le transfigure en une tempête existentielle capable de tout renverser, pour préserver un peu de beauté aux restes d’un monde où il ne fait plus bon vivre nulle part.
La Grâce d’Ilya Povolotsky, avec Maria Lukyanova, Gela Chitava (Ru., 2023, 1 h 59 min). En salle le 24 janvier.



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Author : Marilou Duponchel

Publish date : 2024-01-20 07:00:00

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