Enarque, conseiller d’Etat, directeur de cabinet de Martine Aubry au ministère du Travail avant de faire l’essentiel de sa carrière à la SNCF qu’il présidera pendant dix ans, Guillaume Pepy est bilingue en technocratie. A la tête depuis 2020 du réseau France Initiative – un mandat bénévole qui l’occupe deux jours par semaine -, il accompagne à présent des milliers de patrons en herbe dans les méandres de la création d’entreprise.Alors forcément, lorsque l’ancien haut fonctionnaire de 65 ans se place sous les auspices de Gaspard Koenig, l’essayiste libéral et président de GénérationLibre, pour réclamer dans le pays “un renversement culturel afin que la liberté l’emporte sur la contrainte”, on se dit qu’il y a vraiment urgence. Et que le nouveau choc de simplification promis en novembre dernier par Bruno Le Maire et réaffirmé par Emmanuel Macron il y a quelques jours lors de sa conférence de presse, a intérêt à faire du bruit.Une même douleur pour tous”Tous les porteurs de projet qui s’adressent à nous, sans exception, témoignent d’une même douleur face à la complexité réglementaire qui les assaille, souffle Guillaume Pepy, un mug de thé à la main. Laquelle se manifeste à deux niveaux : au moment de créer leur boîte, avec l’empilement des déclarations et des taxes, puis dans l’activité qu’ils choisissent. Quel que soit le secteur, l’inflation des normes est sans borne. Leur mot d’ordre est clair : ‘Laissez-nous tranquilles !'” Et de citer l’histoire de cet ingénieur franc-comtois, reconverti dans la récolte d’aiguilles de sapins dont il tire des huiles essentielles destinées à des savons : “Il faut l’entendre détailler les multiples contrôles d’innocuité auxquels il est soumis, c’est vertigineux…”Dans l’immeuble chic de coworking, à deux pas de l’église de la Madeleine, où il s’est aménagé un petit bureau, le président de France Initiative évoque une autre fracture, territoriale celle-ci. Grâce à ses 206 associations référentes, le réseau peut intervenir au pied des barres HLM comme dans les villages les plus reculés. Pourtant, sur les 25 000 créateurs ou repreneurs soutenus l’an dernier, seuls 1 400 étaient originaires d’un quartier prioritaire de la politique de la ville. “Soit moins d’un dossier par QPV. Et nous sommes l’organisme le plus important en France… C’est très peu. Il y a un immense potentiel à mobiliser dans ces territoires. J’y vois un signe d’espoir après les émeutes de l’été dernier.”Quartiers et campagnes, deux visions de l’entrepriseBoulangerie, snack, épicerie, pressing, services à domicile… En banlieue, les commerces à pourvoir sont légion. Et les freins, nombreux. Le manque d’expérience ou de confiance des postulants. La quasi-absence d’agences bancaires sur place, qui ne facilite pas le montage des business plans. Ou la difficulté à convaincre les bailleurs de louer gratuitement les “coquilles vides” en bas des immeubles, le temps qu’un nouvel occupant puisse faire ses preuves. Mais pour Guillaume Pepy, le principal obstacle est ailleurs : “Quand on monte une boîte là-bas, c’est pour se donner une chance… de quitter les lieux au plus vite. Il faut que les politiques publiques promeuvent la réussite des quartiers, et pas seulement la réussite des gens issus des quartiers. Sinon, la baignoire continuera de se vider.” A la campagne, la tendance est inverse : les aspirants à l’entrepreneuriat « veulent se mettre à leur compte car c’est une manière pour eux de rester au pays ». Soucieux de leur impact local, surtout si les alentours sont en voie de désertification, ils revendiquent leur ancrage en privilégiant les circuits courts ou l’économie circulaire.En prise directe avec les TPE, France Initiative a accordé en 2022 près de 180 millions d’euros de prêts d’honneur, d’un montant moyen de 8 300 euros. Une goutte d’eau au regard des dizaines de milliards déversés par les plans gouvernementaux comme France Relance ou France 2030 ? “Notre valeur ajoutée, c’est le compagnonnage qui se crée sur le terrain, insiste Guillaume Pepy, entre nos 25 500 bénévoles et les petites entreprises qu’ils font grandir. Parce qu’à un moment, quand on veut créer une boîte, il faut pouvoir parler à quelqu’un.” Et pas uniquement à un serveur numérique de l’Urssaf. Ou de la SNCF.
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Author : Arnaud Bouillin
Publish date : 2024-01-23 05:01:10
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