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Loi immigration : derrière la censure, un échec collectif

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale, le 12 décembre 2023 à Paris




Le scénario était écrit, on n’attendait que ses interprètes. La décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi immigration donne lieu ce jeudi à une passe d’armes attendue entre l’exécutif et Les Républicains (LR). La large censure du texte scelle le divorce entre les deux partenaires, co-auteurs du texte au terme d’un intense bras de fer. Chaque camp joue désormais sa partition et rejette sur l’autre la responsabilité de cette déroute juridique. Au risque que tous soient éclaboussés par la mauvaise note infligée par notre cour suprême.35 des 86 articles du projet de loi ont été totalement ou partiellement censurés par le Conseil constitutionnel. Durcissement de l’accès aux prestations sociales pour les étrangers, quotas migratoires annuels, resserrement des critères du regroupement familial, “caution retour” étudiante… Des pans entiers du texte adopté le 19 décembre 2023 ont été jetés aux oubliettes. L’essentiel d’entre eux (32) a été balayé pour un motif procédural : ces “cavaliers” législatifs n’avaient pas leur place dans le texte, car sans lien “direct ou indirect” avec le projet de loi initial. Ces dispositions ont été presque toutes imposées par la droite à l’exécutif au terme d’un poker menteur : le gouvernement voulait un texte à tout prix, LR en a profité pour gonfler sa liste de courses.”Nous avions prévenu les LR”Leur censure était souhaitée à bas bruit par l’exécutif. Ces mesures clivantes ont heurté la majorité, qui s’est déchirée lors du vote du texte. Emmanuel Macron et Élisabeth Borne avaient dès décembre soulevé des doutes sur la constitutionnalité de ces dispositions dans un appel implicite au Conseil constitutionnel. Les Sages leur ont donné raison.En politique, la solidarité cesse là ou les intérêts divergent. Après avoir adoubé ces mesures en décembre, l’exécutif en rejette désormais la paternité. Lui vante la validation de la quasi-totalité des mesures figurant dans le projet initial. LR ? Connaît pas. “Le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte initial du gouvernement […] Il prend acte, comme j’ai pu l’indiquer lors des débats, de la censure de nombreux articles ajoutés au Parlement, pour non-respect de la procédure parlementaire”, affirme Gérald Darmanin sur Twitter. “Nous avions prévenu les LR à plusieurs reprises. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes”, raille-t-on Place Beauvau. Le soir du vote de la loi, le ministre de l’Intérieur affirmait ainsi devant les sénateurs que le texte comportait des articles “manifestement et clairement contraires à la Constitution”. Avant d’ajouter : “La politique, ce n’est pas être juriste avant les juristes.””Un coup de force”, selon BellamyLR n’a que les yeux pour pleurer, cette décision est pour le parti un camouflet. Le droit a eu raison de sa victoire politique de Noël. Du texte musclé dont il a tenu la plume, il reste si peu. Sitôt la décision annoncée, la droite s’en est pris aux neuf sages, coupables d’avoir méprisé la souveraineté populaire. “Ils ont jugé en politique plutôt qu’en droit”, tonne le patron de LR Éric Ciotti, qui accuse Emmanuel Macron d’avoir “souhaité” la censure. “Un coup de force”, abonde le numéro 2 de LR François-Xavier Bellamy, quand Olivier Marleix dénonce le “Parlement des juges”. Dans un communiqué, le parti renouvelle son appel à une révision constitutionnelle “pour redonner aux Français une maîtrise de leur destin”. Manière d’asseoir sa victoire idéologique, lui qui dépeint notre loi fondamentale en frein à une maîtrise accrue des flux migratoires. Cette communication passe parfois sous silence la dimension “procédurale” de la décision rendue ce jeudi : les mesures pourraient réapparaître plus tard dans d’autres textes.Ainsi, Éric Ciotti demande en parallèle à l’exécutif de reprendre les dispositions invalidées au titre des “cavaliers” dans un texte spécifique. Cette doléance risque de rester lettre morte. “Le gouvernement n’a pas de raison de proposer un texte législatif”, balaye-t-on à Beauvau. La loi immigration a suffisamment déchiré la Macronie, inutile de remettre une pièce dans la machine. Cette séquence devrait en tout cas laisser des traces entre le gouvernement et LR. Éric Ciotti avait menacé Élisabeth Borne le 20 décembre lors d’un échange téléphonique d’une riposte dans les médias et au Parlement si l’accord noué avec la droite n’était pas respecté. La droite est habitée ce jeudi d’un sentiment de trahison, qui n’incite guère à la bienveillance.Le RN en embuscadeUn exécutif mué en professeur de droit. Une droite aux airs d’époux trahi. L’autopsie de la séquence immigration suggère l’existence d’un vainqueur et d’un perdant. D’un partenaire rusé et d’un plus naïf. Une photographie plus globale tempère cette impression. L’exécutif n’a pas manqué de cynisme. Il a adoubé des mesures qu’il savait inconstitutionnelles pour faire voter un projet de loi sur l’immigration… Avant de les renier publiquement. La droite a posé une empreinte douteuse sur le texte… et en paie le prix un mois plus tard. L’exécutif voulait un texte à tout prix, LR voulait un succès politique : le premier a été dévitalisé, le second est mort-né. “Tout le monde y perd et tente de trouver de quoi se raccrocher aux branches, se désole une cadre de la majorité. C’était une victoire à la Pyrrhus au moment du vote du texte, c’est confirmé ce soir. Les dégâts sont dans tous les camps.”A terme, ils risquent de frapper en priorité l’exécutif. “Quand le Conseil aura retoqué, les gens diront que le texte est mal écrit et ne sert à rien, anticipait en décembre une députée Renaissance. Tout reviendra au gouvernement et à la majorité.” Et puis, Emmanuel Macron érige la lutte contre l’immigration clandestine en levier pour combattre le Rassemblement national. Que restera-t-il de cette décision ? L’éviction de mesures pour des motifs procéduraux ? Ou la censure d’un texte plébiscité par l’opinion publique ? “Si monte l’idée qu’un juge défait ce qu’a fait le législateur en adéquation avec l’opinion publique, cela va nourrir un sentiment délétère”, notait ce jeudi matin un député Renaissance. Marine Le Pen ne s’y trompe pas. La frontiste dénonce dans un communiqué la “mystification” du gouvernement et lance un appel à une révision constitutionnelle. Les échecs juridiques des uns sont les opportunités politiques des autres.



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Author : Paul Chaulet

Publish date : 2024-01-25 20:00:50

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