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Aurélien Pradié : “Macron a prémédité et organisé l’arnaque démocratique”

Le député LR Aurélien Pradié lors d'une réunion publique à Pessac, en Gironde, le 24 février 2023




La droite a la gueule de bois. Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi plus d’un tiers du projet de loi immigration, pour l’essentiel des articles imposés par LR au gouvernement lors de la négociation parlementaire. Ses dirigeants raillent un “hold-up” démocratique et s’en prennent aux Sages, coupables d’avoir entravé la souveraineté populaire. Le député LR du Lot Aurélien Pradié fustige, lui, le “cynisme” d’Emmanuel Macron, qui s’est désolidarisé d’une partie du texte après l’avoir adoubé. La loi a déjà été promulguée par le président, et publiée au Journal Officiel ce samedi 27 janvier.L’Express : Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi plus d’un tiers du projet de loi immigration. Comment réagissez-vous à cette décision ?Aurélien Pradié : Aucune des mesures que nous avions défendues ne reste dans le projet de loi immigration. Nous sommes face à une arnaque à la démocratie. Mais le Conseil constitutionnel n’est pas le responsable de l’arnaque, il est celui qui la révèle. Je ne m’en prendrai pas à cette instance, qui a jugé en droit. La réforme constitutionnelle que nous souhaitons n’aurait d’ailleurs rien changé à sa décision. Il a jugé les cavaliers législatifs et n’a pas sanctionné les mesures au regard des valeurs substantielles inscrites dans notre Constitution. La gravité du moment commande de ne pas se tromper de cible.La vraie question est de savoir qui a participé à cette arnaque. Est-ce de la naïveté généralisée dans la “négociation” avec le gouvernement ou le cynisme d’Emmanuel Macron ? À mon sens, Emmanuel Macron a prémédité et organisé l’arnaque démocratique. Cet épisode fait un mal terrible au pays et va, sans nul doute, laisser des traces. Plus personne ne peut croire désormais à l’idée que la démocratie fonctionne et que nous, parlementaires, pouvons agir.La quasi-intégralité des dispositions censurées a été imposée par la droite à l’exécutif. Avez-vous pêché par incompétence juridique ?Tout le monde a une part de responsabilité. Ce texte a été mal conçu au regard des exigences de la démocratie parlementaire. Il aurait nécessité que l’on reprenne, sur une nouvelle base, les travaux législatifs après la motion de rejet. Personne n’a joué son rôle de filtre. Devant le Sénat, le ministre de l’Intérieur aurait dû filtrer les mesures pour se prémunir de censures constitutionnelles. Pire, après le vote, le gouvernement a adressé un mémoire au Conseil constitutionnel dans lequel il a veillé à saboter les mesures que nous avions imposées et qu’il avait prétendu soutenir devant la représentation nationale. Il faut mesurer la gravité de la manœuvre macroniste, contre le peuple et ses représentants.L’exécutif souhaitait avant tout qu’un compromis soit noué afin qu’un texte soit adopté…Il a montré son irresponsabilité et sa duplicité. Dans cette affaire, la tactique politique l’a emporté sur les règles démocratiques. Emmanuel Macron est un prince qui s’amuse avec la démocratie, comme un enfant avec ses jouets. L’affichage prime chez lui sur l’intérêt de la nation. C’est très grave. Tout cela met en danger nos institutions.Mais quelle est la part de responsabilité de la droite ?Je n’ai jamais été naïf avec ce gouvernement. J’ai voté la motion de censure dès la réforme des retraites car je n’ai aucune confiance en lui. Au deal politique il faut toujours préférer la clarté d’un débat public et d’un vote de l’Assemblée. Désormais je n’imagine pas qu’un seul membre des Républicains puisse croire en la parole du président de la République. Voilà pourquoi je ne souhaite pas un nouveau texte gouvernemental sur l’immigration, il ne servirait à rien et serait un traquenard de plus pour perdre du temps et tromper les Français. Seul le retour direct au peuple apportera une réponse.La direction de LR a-t-elle été naïve ?Je n’en sais rien. Je souhaite que oui, car je préfère la naïveté au cynisme. Mais dans le fond, qui peut nous reprocher d’avoir voulu servir l’intérêt supérieur du pays et d’avoir cru que cela soit possible ? Nous avons d’abord pensé aux Français.Vous avez voté une motion de rejet contre le texte immigration. Ce coup politique a réduit la négociation parlementaire à une CMP de quelques heures. Cela a affecté la qualité de votre travail parlementaire. N’est-ce pas la cause originelle de cette déroute juridique ?La motion de rejet n’est pas la cause originelle de cette situation. Tous les filtres du processus parlementaire ont été balayés d’un revers de main. Dans cette affaire, tout le monde voulait sauver un affichage politique. Chacun voulait obtenir une victoire. Notre processus de démocratie parlementaire est exigeant. Or quand on cède à la facilité de l’affichage, on est rattrapé par la patrouille.Éric Ciotti évoque un “hold-up démocratique”, Laurent Wauquiez fustige un ” coup d’État de droit”, François-Xavier Bellamy raille” l’hypocrisie” du Conseil constitutionnel. La droite ne s’aventure-t-elle pas sur un terrain glissant en chargeant cette institution ?C’est le piège qu’Emmanuel Macron nous tend. Il souhaite nous faire basculer dans le camp de ceux qui ont toujours jeté l’opprobre sur le juge constitutionnel : Mélenchon, Le Pen et même François Mitterrand au temps où il combattait le Général de Gaulle et contestait l’existence de la Ve République. Ce camp n’est pas celui des gaullistes. Il ne l’a jamais été et ne doit pas le devenir.Cette décision abîme la démocratie et ruine la confiance politique. Je comprends la colère tant le pays ne peut plus attendre. Mais la parole politique, celle des gaullistes, se doit d’être précise si elle veut être crédible. Je n’estime pas que le Conseil constitutionnel ait assumé un rôle politique. L’humeur pousse à se jeter sur lui car on en veut souvent plus à celui qui dévoile la maladie qu’à celui qui l’inocule. L’arnaqueur c’est Emmanuel Macron.Vous ne contestez donc pas la décision sur le fond ?Les articles en question n’ont pas été censurés sur le fond mais sur l’appréciation d’un vice de forme. Celui de “cavalier parlementaire”. Jeter la responsabilité sur le Conseil constitutionnel reviendrait à exonérer Emmanuel Macron de sa responsabilité politique. Le chef de l’Etat nous tend un piège politique dans lequel nous ne devons pas tomber.Si on suit votre raisonnement, c’est déjà le cas…Moi, je n’y tomberai pas. On ne peut pas être un parti de gouvernement et clouer au pilori le juge constitutionnel.Laurent Wauquiez lance une proposition au Parisien. Que le Parlement puisse avoir le dernier mot “quand une cour suprême censure une loi”. Vous approuvez ?Je suis attaché aux équilibres de la Ve République. Laurent Wauquiez aussi, je le sais. Ces équilibres prévoient que le juge constitutionnel ait le dernier mot sur certains sujets. Au politique de ne pas lui céder ses propres prérogatives et d’aller au peuple directement quand un frein existe. Élargir le champ du référendum et moderniser sa pratique est une clef centrale pour l’avenir.Dans le discours de droite, le Conseil Constitutionnel est surtout perçu comme un obstacle, et pas comme une vigie. Son apport à la protection des droits individuels semble gommé….Le problème n’est pas le poids pris par le Conseil constitutionnel, mais la perte de celui du politique. C’est d’ailleurs la seconde fois que le président de la République tente publiquement d’instrumentaliser le Conseil en lui renvoyant un arbitrage que lui-même ne veut pas assumer. Il l’avait fait avec les retraites et il le fait avec l’immigration. Le politique a abandonné une part cruciale de ses prérogatives. Ainsi quand les députés tolèrent les 49.3 à répétition. Ainsi quand nous cédons à la facilité d’une CMP où seuls quelques sénateurs et députés décident d’une loi. Idem lorsque nous acceptons que des négociations parlementaires se fassent loin des regards de l’Assemblée nationale, lors de rendez-vous entre partis politiques et gouvernement.Vous évoquez une arnaque démocratique. Comment en sortir ?La lente accoutumance à une démocratie dégradée est devenue le poison de notre pays. En outre, Emmanuel Macron abuse d’une déformation du bicamérisme. Par calcul. Le gouvernement a surjoué le rôle du Sénat et contourné le rôle de l’Assemblée. Chaque Chambre porte pourtant une mission importante et différente : au Sénat de représenter les territoires et leur rôle essentiel. A l’Assemblée nationale de porter la parole du peuple. La Loi a besoin des deux légitimités. S’il en manque une, la loi est faible et s’expose à toutes les censures dont celle du juge constitutionnel. Le président de la République a oublié son rôle capital de garant des Institutions. En jouant avec elles, il les affaiblit toutes. Un conflit de légitimité se forme entre le gouvernement, le Sénat, l’Assemblée, les CMP, le juge constitutionnel et le peuple. Seul le peuple pourra trancher ce nœud. Soit par référendum soit par un rendez-vous électoral nouveau.Mes amis politiques ont raison d’appeler au référendum non seulement pour nous redonner les moyens de reprendre en main la politique migratoire mais aussi pour refonder un pacte démocratique vital. Il faut en revenir au peuple, et se soumettre à sa décision. Emmanuel Macron refuse de le faire : il a fait semblant d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée après l’échec des législatives. Voilà le résultat. Celui qui prétendra demain devenir président de la République sera celui qui engagera une refondation démocratique avec le peuple. Les gaullistes doivent porter des propositions puissantes pour rebâtir l’édifice de la Ve République. L’urgence de la crise démocratique est sous nos yeux.



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Author : Paul Chaulet

Publish date : 2024-01-27 11:02:15

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