Avant les Français, ce sont les agriculteurs allemands qui ont tapé du poing sur la table. Fin décembre, c’est la réforme de la fiscalité du diesel agricole décidée par le gouvernement d’Olaf Scholz qui a mis le feu aux poudres. Au-delà des suppressions d’avantages fiscaux, le champ des revendications est tout aussi vaste que dans l’Hexagone, allant de la “bureaucratie” à la fluctuation des revenus en passant par la critique des exigences environnementales. Et leur colère ne retombe pas. Vendredi 26 janvier, plus de 300 agriculteurs du Brandebourg se sont rendus à Berlin. Avec un total de 250 tracteurs, ils manifestaient devant le siège du parti de la coalition des feux tricolores. Leurs griefs font écho aux doléances entendues lors des manifestations de la profession en France.Dans les médias allemands, le mouvement des agriculteurs outre-Rhin est scruté avec une pointe d’ironie. Lisons un article du Der Spiegel, intitulé “Bauernproteste à la française” (manifestation paysanne à la française”) : la journaliste y voit une façon pour le président Emmanuel Macron de se rappeler “de mauvais souvenirs de la révolte des gilets jaunes”, tandis que les “populistes de droite s’en réjouissent”. Dans d’autres articles du site d’informations allemand, on suit les manifestations non loin de la frontière franco-allemande. Comme en Alsace, près de Lauterbourg, où des agriculteurs français et allemands ont bloqué le pont sur une route de campagne qui relie l’Allemagne à l’autoroute A35 sur la rive gauche du Rhin en direction de Strasbourg.Au début du mois de janvier, alors que les agriculteurs entravaient les routes, le Der Spiegel se posait déjà cette question : “Les agriculteurs sont-ils autorisés à faire ce que les autres ne sont pas autorisés à faire ?” Alors que l’exécutif français a fait une série d’annonces, vendredi 26 janvier, destinées à apaiser les agriculteurs, son homologue allemand ne semble pas prêt à faire de même. Le gouvernement d’Olaf Scholz est sous pression, confronté à un déficit budgétaire important. Face à une extrême droite fortifiée et à la veille de plusieurs élections clefs, le chancelier allemand, fragilisé, a du mal à faire face. Alors qu’il avait annoncé le retrait progressif d’avantages fiscaux sur le diesel agricole, les mesures d’accompagnement promises n’avaient pas réussi à faire passer la pilule.Sans nous, rien à manger”Après les manifestations massives du début d’année en Allemagne, les agriculteurs maintiennent la pression à travers des actions ponctuelles et décentralisées. Selon l’Association des agriculteurs du Land de Brandebourg, les paysans allemands souhaitent remettre un cahier de revendications aux bureaux fédéraux des trois partis principaux du pays. Hasard du calendrier, le salon annuel de l’agriculture organisé cette semaine à Berlin (“Grüne Woche”), leur a offert une tribune de choix. Parmi les agriculteurs présents, certains portaient des gilets verts floqués de slogans souvent vus dans les manifestations, comme “Sans nous, rien à manger”. Preuve que les tensions continuent, le président du parlement du Land Gunnar Schellenberger (CDU) a annulé, ce samedi 27 janvier, la commémoration prévue pour la Journée nationale de l’Holocauste à cause des manifestations d’agriculteurs.Que ce soit en Espagne, en Allemagne ou encore en France, l’Union européenne est pointée du doigt par les manifestants. Dans la nouvelle politique agricole commune, entrée en vigueur début 2023, l’UE a renforcé les obligations environnementales pour toucher une partie des aides, dont dépendent 50 % des revenus des agriculteurs allemands. Ces mesures, critiquées par les organisations agricoles, visent à réduire l’impact de l’agriculture européenne sur l’environnement. Les pesticides sont responsables de la disparition de 80 % des insectes sur le continent, selon une étude allemande de 2017. Le Giec estime que le secteur émet 23 % des gaz à effet de serre produits par l’activité humaine dans le monde.Les agriculteurs se plaignent de devoir cumuler vertu environnementale et rentabilité, dans un contexte de prix volatiles qu’ils ne contrôlent pas, de coûts en hausse depuis la guerre en Ukraine et de concurrence internationale accrue. D’autant que ces nouvelles obligations s’accompagnent, selon eux, d’une “bureaucratie” de plus en plus importante, leur faisant perdre du temps et de l’argent. Jens Scherb, représentant de la fédération des éleveurs laitiers allemands (BDM), déclare quant à lui passer “une heure par jour avec les papiers” et à “prendre des photos” pour prouver qu’il respecte certaines règles en matière de plantation. “Les mondes urbains et ruraux ont rarement été aussi antagonistes et différents qu’aujourd’hui”, soulignait le Die Süddeutsche Zeitung, quotidien du sud de l’Allemagne. Pourtant, “les habitants des campagnes et des villes n’ont jamais eu autant besoin les uns des autres”.
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Publish date : 2024-01-27 15:45:35
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