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“Le Roi méduse” de Brecht Evens, une merveille d’inventivité en BD

“Le Roi méduse” de Brecht Evens, une merveille d’inventivité en BD



Il est rare qu’un auteur de bande dessinée impose d’emblée sa patte. C’est ce qui est arrivé à l’artiste belge Brecht Evens : depuis Les Noceurs (2010), il pérennise une signature graphique qui rend unique chacun de ses livres, même chacune de ses images. Lui qui a été un gros lecteur de BD populaire tire pourtant ses influences picturales d’ailleurs, du fauvisme ou du cubisme. Malmenant la perspective, posant les encres de couleurs afin de créer des effets de transparence, il déconstruit nos attentes concernant l’espace même de la planche, se passant des cases ou des bulles.

Cette manière singulière d’occuper la page et de caresser l’œil, il la met au service d’intrigues qui sont aussi en marge, ambiguës et intrigantes. Plusieurs séquences du Roi méduse émerveillent par leur beauté plastique et leur inventivité, conviant parfois le volume du Rubik’s Cube ou l’art du puzzle. Quelques-unes ont déjà donné lieu à des impressions de lithographies, bois gravés et eaux-fortes. Ici, il arrive parfois que le graphisme enchanteur désamorce la violence de la narration.

Brecht Evens, qui nous avait habitué·es aux récits choraux festifs (Les Noceurs, Les Rigoles), entame un diptyque qui promet son lot de rebondissements inquiétants. Le protagoniste, Arthur, pas encore adolescent, n’a plus que des cendres comme souvenirs de sa mère. Son seul repère reste son père qui, après une dépression, décide de se couper progressivement du monde. Il attire sa progéniture dans un univers totalement paranoïaque, l’entraîne à ne plus ressentir la douleur ou à lui tirer dessus.

La disparition de ce père illuminé transforme ce premier tome du Roi méduse en conte initiatique légèrement tordu où l’aventure, avec le pirate Anémone, s’épanouit dans une grande liberté plastique. Evens, qui avait déjà abordé l’enfance avec l’inquiétant Panthère, s’y intéresse à nouveau mais avec plus d’ampleur et l’envie d’explorer des territoires romanesques inédits – pour lui, mais aussi pour nous. La suite, promise pour l’automne, est imprévisible, mais la première partie du voyage est étourdissante.

Le Roi méduse, tome 1 de Brecht Evens (Actes Sud BD), traduit du néerlandais par Brecht Evens et Wladimir Anselme, 288 p., 32 €. En librairie.



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Author : Vincent Brunner

Publish date : 2024-01-27 08:00:00

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