Il a fallu attendre les années 2010 pour découvrir, grâce à de premières traductions, le talent protéiforme de Moto Hagio, dessinatrice au trait délicat et poétique animée par des questions d’identité. Célébrée au dernier Festival d’Angoulême par une exposition, l’œuvre de la mangaka met à mal l’image grossière et erronée que l’on a pu avoir du shōjo, le manga destiné aux jeunes filles.
Ces deux anthologies montrent en effet toute la modernité de l’imaginaire de l’autrice septuagénaire. De l’humain s’ouvre sur La Princesse iguane où, en une cinquantaine de pages datant de 1992, Moto Hagio signe un conte moderne sur l’altérité et l’amour maternel : une mère hait l’une de ses filles car elle la perçoit comme un iguane – son enfant intègre ce rejet jusqu’à croire elle-même être un saurien.
Conçue en 1975 et présente dans De la rêverie, Nous sommes onze ! est encore plus stupéfiante. Pour intégrer une académie spatiale, dix postulants, dix hommes, sont envoyés sur un vaisseau avec pour mission de survivre pendant 53 jours. Ce huis clos, s’il carbure au suspense – une onzième personne s’est invitée et les autres essaient de la démasquer –, est surtout l’occasion de jouer avec les genres. Quelques passagers se révèlent en effet hermaphrodites et une tension romantique naît à bord. L’autrice japonaise a ainsi exploré, très tôt, des thèmes avant-gardistes, proches de ceux que l’on retrouve chez l’écrivaine de science-fiction Ursula K. Le Guin.
Anthologies De l’humain et De la rêverie de Moto Hagio (Glénat), traduit du japonais par Akiko Indei et Pierre Fernande, 256 p., 14,95 €. En librairie.
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Author : Vincent Bruner
Publish date : 2024-01-28 18:00:00
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