Sur une musique presque mélancolique, le bec d’un cormoran surgit du haut de l’image pour menacer notre petit poisson qui tourne en rond. L’écran est notre seul territoire, le lieu où tout se passe, voué à accueillir toutes les promesses et toutes les menaces. Passé un peu inaperçu dans le flot des sorties de la fin d’année, Shark! Shark! est le remake, non pas d’un vieux, mais d’un très vieux jeu vidéo, paru en 1982 sur la console Intellivision de Mattel.
S’il n’était pas question ici de jeu vidéo mais de cinéma, son époque ne serait pas celle des classiques, de Ford ou Hitchcock, mais des pionnier·ères et des grand·es primitif·ves : de Méliès, des frères Lumière, de Griffith, voire de Chaplin. C’était le temps de l’invention d’un langage, de l’expérimentation des dispositifs et de l’incrédulité éblouie.
Une Atari adaptée aux modes de connexion actuels
Hasard ou non du calendrier, le lancement de Shark! Shark! et, par le même éditeur, de la version (à peine) modernisée d’un autre hit Intellivision, le shoot ’em up Astrosmash, a coïncidé avec celui, chez Atari, d’une relecture réussie dans le même esprit du génialement brutal Berzerk (dont l’original remonte à 1980) et, surtout, d’une nouvelle version de la console Atari 2600 sortie initialement en 1977.
Une Atari 2600+ adaptée aux modes de connexion actuels (HDMI, USB) mais acceptant les cartouches de sa glorieuse ancêtre (comme de son héritière, l’Atari 7800), et dont le principe prend le contre-pied des tendances modernes à la dématérialisation. La 2600+ apparaît en conséquence d’abord comme une machine à (re)produire du rituel. Se saisir de la cartouche, l’insérer dans la fente, manipuler les différents leviers de la console pour l’allumer, choisir un mode de jeu ou basculer l’affichage en noir et blanc. Puis, après la cérémonie, vient l’apparition.
On dit souvent que les jeux des origines ne valent qu’en tant que curiosités historiques ou comme véhicules d’un trip nostalgique. Ce peut être le cas de certains, mais on aurait tort d’en faire une règle absolue, et en manipulant ces cartouches fraîchement rééditées ou chinées amoureusement, on tombe sur de somptueux monolithes ludiques défiant le temps.
Une cohorte de rééditions pour les rétrogamers
Ainsi de Breakout, casse-brique de 1976 conçu par les futurs fondateurs d’Apple, Steve Wozniak et Steve Jobs, qui est une sorte de Pong face à un mur, mais un mur aux couleurs de l’arc-en-ciel que, telle Judy Garland entonnant Over the Rainbow dans Le Magicien d’Oz, l’on rêve de traverser pour sortir de l’écran. Ou bien de Night Driver, jeu de course nocturne furieusement hypnotique qui rappelle qu’en matière vidéoludique, le pointillisme vint avant le (photo)réalisme et que l’impression produite n’était pas moindre pour autant.
La liste est longue des titres de ce lointain passé qui gagneraient à être fréquentés, de Frogger, Q*Bert, Crystal Castles, Centipede, Demon Attack (orfèvres de l’écran unique, qui figure un foyer agressé par les cauchemars de la réalité) à Pitfall! ou Jungle Hunt, aventuriers précoces du fantasme cinématographique. Leur puissance sidérante est celle des premières fois. C’est justement pour ça qu’elle ne s’usera pas.
Console Atari 2600+ (Atari/Plaion), environ 120 € ; Berzerk Recharged (Sneaky Box/Atari), sur Switch, PS4/PS5, Xbox, Mac et PC, environ 10 € ; Shark! Shark! et Astrosmash (BBG Entertainment), sur Switch, Xbox, Mac et PC, environ 15 € chacun.
Source link : https://www.lesinrocks.com/jeux-video/latari-2600-ressort-des-limbes-de-quoi-ravir-les-adeptes-de-vintage-605378-28-01-2024/
Author : Erwan Higuinen
Publish date : 2024-01-28 08:00:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.