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“Extra Life” de Gisèle Vienne : chronique hallucinée d’un inconscient kubrickien

“Extra Life” de Gisèle Vienne : chronique hallucinée d’un inconscient kubrickien



Sur l’immense plateau plongé dans la nuit et la brume, tout commence dans une voiture arrêtée sur un parking, phares allumés. On assiste aux retrouvailles d’un frère (Theo Livesey) et d’une sœur (Adèle Haenel) qui ne se sont pas revu·es depuis vingt ans et viennent de quitter une fête où il et elle ont croisé une fille que les deux ont trouvée très belle (Katia Petrowick). Une tendre complicité les unit et la fratrie retrouve des joies de l’enfance en dévorant des chips, en écoutant à la radio une émission consacrée aux extraterrestres et en se comparant à l’équipage d’un vaisseau intergalactique.
La raison de leur séparation ne tarde pas à remonter à la surface quand le duo s’amuse à contrefaire leurs voix comme dans les dessins animés, pour rire d’une histoire qui fait peur, celle de deux enfants abusé·es par un certain tonton Jacky.
La minute où le temps s’est arrêté
Ce scénario, construit comme un collage de situations chipées aux séries télé, donne une impression de déjà-vu. Mais cette mémoire partagée n’est qu’une rampe de lancement pour Gisèle Vienne. On s’aperçoit rapidement que le temps s’est arrêté à 5 h 38. Le spectacle bascule alors dans une autre dimension, et il est l’heure de se lancer dans l’exploration des méandres de l’âme et de l’espace-temps, à travers des visions dignes de celles de Stanley Kubrick dans 2001, l’Odyssée de l’espace.
Sur des compositions originales de Caterina Barbieri, les lumières signées par Yves Godin, en multipliant les effets qu’offre la technologie des lasers, s’avèrent purement stupéfiantes. Prodigieuses dans l’invention de paysages et d’architectures, elles nous projettent dans les ailleurs d’un inconscient où les rêves sont aussi sombres que fascinants. Un univers onirique apte à enfermer le trio des protagonistes dans la transparence liquide de tunnels sous-marins, à les contenir sous la brillance des ors d’un plafond immatériel ou à les soumettre aux menaces de la trame rougeoyante d’une toile d’araignée géante.
La danse s’accorde à ces images, elle témoigne d’une gravité modifiée où les corps se déplacent au ralenti, elle rend aussi compte des mouvements d’attraction-répulsion qui parcourent ces êtres électrisés et sait se faire sensuelle quand il s’agit d’assumer la séduction et le désir charnel qui réunit ces trois-là. Un bouleversant parcours d’hallucinations qui, dans un fondu au noir, entraîne la dissolution du trio. La fin des illusions annonce la redescente vers un retour au réel qui renvoie alors chacun·e à une solitude retrouvée.
Extra Life, conception, chorégraphie, mise en scène et scénographie Gisèle Vienne, avec Adèle Haenel, Theo Livesey, Katia Petrowick. Au MC2, Grenoble, les 31 janvier et 1er février ; à la Comédie de Genève, Suisse, du 21 au 24 février ; au Volcan, Le Havre, les 27 et 28 mars.



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Author : Patrick Sourd

Publish date : 2024-02-01 08:00:00

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