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#MeToo, un tournant historique et l’aveuglement collectif d’un système

#MeToo, un tournant historique et l’aveuglement collectif d’un système



Avec la prise de parole de Judith Godrèche, qui entraîne déjà dans son sillage celles de dizaines d’autres femmes, connues ou anonymes, le #MeToo français prend aujourd’hui un tournant historique. Alors même que la naissance du mouvement remonte à 2017, il semble qu’il percute enfin la société. Attention, les backlashs ne sont jamais loin et les résistances toujours en place. Il n’y avait qu’à écouter, le week-end dernier, Anny Duperey au micro de RTL regretter “les chasses aux sorcières tardives” et remettre en cause la parole de Judith Godrèche quant à sa relation sous emprise avec le réalisateur Benoît Jacquot: “Sous emprise, je veux bien, mais quand même consentante, non?” Sauf qu’aujourd’hui, ces propos ne passent plus et sont aussitôt épinglés sur les réseaux sociaux, y compris par des personnalités à l’image d’Alexandra Lamy ou de Ségolène Royal qui ont d’ailleurs tenu à lui répondre. Il y a aussi, parmi les nombreux signes que les choses bougent, l’annulation par le festival de cinéma de Tours de la venue de Jacques Doillon, contre lequel Judith Godrèche a porté plainte pour “viol sur mineure”.

#annyDuperey pic.twitter.com/65V2eqLQBL— Alexandra Lamy (@Alexandra_Lamy) February 11, 2024

Comme l’a si bien résumé Anouk Grinberg au cours de l’émission spéciale de Mediapart sur le mouvement #MeToo dans le cinéma, “les plaques tectoniques bougent”: “C’est comme une catastrophe naturelle, on ne peut plus l’empêcher et ça c’est merveilleux. Quand une avalanche doit tomber, elle tombe et ceux qui résistent à cette révolution qui est en train d’opérer, ils ne peuvent pas, avec leurs petits bras, avec leurs mensonges honteux, avec leurs calomnies, leur dénigrement, leur déni, ils ne peuvent plus empêcher ça.”

Avec ce constat réjouissant des changements inéluctables à venir, arrive aussi le temps d’un indispensable examen de conscience des acteur·rices du milieu, dont les médias et les journalistes font partie. Si ces derniers accompagnent désormais ce tournant, ils n’ignorent plus leur part de responsabilité dans ce système d’oppression patriarcale qui a mené à tant de violences. Je retiens les mots de Laure Adler face à Judith Godrèche: “Je voudrais reprononcer un mea culpa vis-à-vis de vous parce que j’ai méconnu votre souffrance.” Et ceux aussi de l’hebdomadaire Télérama qui assure que “la prise de conscience est aujourd’hui à la mesure de l’aveuglement général” et s’interroge sur son propre rôle: “Même si nous ignorions la nature et la gravité des faits supposés, quel rôle avons-nous joué là-dedans, en tant que critiques?” Même antienne du côté des Cahiers du cinéma qui publient un texte en forme de mea culpa: “Devant les récits de femmes qui dénoncent actuellement les violences qu’elles ont subies, nous mesurons le rôle que la revue a joué dans ce système, à travers une mythification du cinéaste et de ses rapports aux actrices, dans un prolongement parfois dévoyé de la ‘politique des auteurs’.”

Interroger ses pratiques, se remettre en question, continuer de se former sont autant d’étapes indispensables pour continuer de documenter et de déconstruire ce système de domination. Il reste beaucoup de travail mais la bonne nouvelle, c’est qu’il est en cours.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cheek/metoo-un-tournant-historique-et-laveuglement-collectif-dun-systeme-610034-16-02-2024/

Author : Julia Tissier

Publish date : 2024-02-16 17:04:52

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