*.*.*
close

Génération(s), l’édito de Carole Boinet

Génération(s), l’édito de Carole Boinet



Le 11 mars, nous saurons si Justine Triet a remporté un ou plusieurs Oscars pour son Anatomie d’une chute. Dans le paysage politiquement, économiquement, écologiquement, culturellement, socialement anxiogène que nous habitons aujourd’hui, cette date forme une lueur d’espoir. L’espoir de voir une cinéaste française et son œuvre différente, singulière, intelligente – car traversée de questionnements sur le féminin, la violence, les rapports hommes-femmes, le couple, la famille, la vérité – couronnées.
Le 11 mars, si Justine Triet remportait un ou plusieurs Oscars, on serait à deux doigts de pousser un “cocorico” tonitruant, voire d’organiser une queue-leu-leu géante sur les Champs-Élysées, pas vous ? Et puis merde, même si elle n’en a aucun, d’Oscars, on sera sur la tour Eiffel à hurler à pleins poumons “Justiiiiine !”. Ces moments où une œuvre rencontre un tel succès qu’elle déborde de son cadre pour devenir un incontournable et, donc, un lien reliant les êtres sont précieux. Justine Triet nous devient familière, investissant presque notre quotidien, à la manière d’une sœur, d’une cousine, d’une amie. Ce sont des moments de jubilation collective.
En 2002, il s’est passé quelque chose du même ordre au Divan du Monde, à Paris. Pas de l’ordre des Oscars, non, mais de l’ordre du collectif générationnel, oui. Les Libertines ont donné un concert mémorable dans le cadre des Inrocks Festival, alors qu’ils devenaient la fameuse “réponse anglaise aux Strokes”. Tous les gamins de l’époque portaient des slims, des mèches sur le front, des cuirs ou des vestes militaires. Vingt-deux ans plus tard, il ne pourrait en rester qu’une vague nostalgie trempée dans la bière, mais non. Il en reste non seulement une époque qui ne cesse d’être revisitée musicalement et esthétiquement, une époque si forte qu’elle hante à la manière du grunge ou du punk, mais aussi un groupe de retour avec un nouvel album et l’envie de porter haut leurs morceaux d’un romantisme rock. Un groupe si familier qu’on croirait retrouver des cousins, des frères, des amis.
C’est donc tout naturellement qu’on leur a proposé notre couv de mars, comme d’être la tête d’affiche de la 35e édition des Inrocks Festival, qui se déroulera du 27 février au 2 mars au Centquatre et à la Bourse de Commerce (Paris), avec des excursions à L’Aéronef de Lille et au Bikini de Toulouse. Car certain·es artistes impriment leur marque sur une génération à tel point qu’on croirait qu’ils et elles en sont à l’origine, sans pour autant disparaître au fil du temps. Les Libertines sont de cette trempe, survivant aux excès comme aux décennies, sans jamais perdre le goût de la musique, du partage, du public. Sans perdre non plus leur humour goguenard, leur tendresse à fleur de peau.
Alors que le monde ne cesse de se morceler, chacun·e naviguant dans des bulles numériques hermétiques, certaines œuvres permettent, encore et toujours, de se rejoindre, de se parler, de s’aimer, de s’éclater. C’est toute l’ambition de ce numéro où se croisent Les Libertines, L’Rain, Lucie Antunes, Christine Angot, un Spécial Mode avec Sam Quealy, de la kétamine dans la nuit, Neige Sinno, Simon Liberati, Hélène Frappat et bien d’autres.
Je le dédie à Bijou, que certain·es d’entre vous ont croisé derrière des platines à la Flash Cocotte, aux Souffleurs, au Gambetta Club, au Duplex, ou aux côtés du collectif Entrisme dans les années 2010. Bijou qui avait l’amour de la pop encré dans le cœur, la curiosité musicale tintinnabulant dans le crâne, le verbe vif et acéré, les idées fusant au rythme des étoiles. Bijou qui aimait lire Les Inrocks, et encore plus débattre de nos couvs, de nos choix avec fougue et panache.



Source link : https://www.lesinrocks.com/actu/generations-ledito-de-carole-boinet-609570-21-02-2024/

Author : Carole Boinet

Publish date : 2024-02-21 18:00:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags :Les Inrocks

..........................%%%...*...........................................$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$--------------------.....