L’idylle entre Adam Sandler et Netflix a ces dernières années octroyé à l’acteur un nouveau statut, celui de plus grande star mondiale du streaming (triplée par son deal avec la plateforme, sa fortune s’approche du milliard). Elle a déjà fait quelques infidélités à son registre de repère, la comédie – mais sans jamais tout à fait la perdre de vue, ou alors disons dans des répertoires réalistes conservant une place pour son tempérament fantasque : voir ses partitions fiévreuses dans Uncut Gems ou l’un peu moins commenté Hustle.
Du spatial, surtout le vide
Un astronaute flottant aux confins du système solaire, et voyant sa solitude trompée par l’apparition d’un étrange acolyte peut-être imaginaire, peut-être extraterrestre : le pitch de Spaceman aurait bien pu en faire une comédie sandlerienne, pourquoi pas même graveleuse – il rappelle d’ailleurs beaucoup un sketch de son dernier spectacle, où l’humoriste imaginait une bromance érotique entre les coéquipiers d’une station spatiale. Il n’en est rien : le film marque plutôt la toute première incursion de l’acteur dans un répertoire strictement, lestement, irrécupérablement sérieux.
Plus exactement peut-être le sous-genre le plus caricaturalement balisé de tout ce que le paysage “indé” (gros guillemets : le terme marque plus une codification stylistique et marketing qu’une quelconque autonomie industrielle) a coutume de présenter comme le nec plus ultra de l’originalité, à savoir le film de blues de l’espace. La recette est connue : un astronaute chafouin dérivant dans le vide, ruminant sa mélancolie (ici, sa femme qui ne l’aime plus) ; une orgie de flashbacks sur les plaisirs terrestres (rencard à la fête foraine, anniversaire d’enfant, coucher de soleil…) ; une vue imprenable au hublot sur un astre chargé de symbolique divine. Nappez le tout de musique électro-symphonique (pratique pour Max Richter qui a pu recycler ses chutes d’Ad Astra), ajoutez quelques lens flares ; ding, c’est prêt.
Le résultat a autant de goût et de fermeté qu’une barquette de nuggets goût Solaris réchauffée 28 fois dans un micro-ondes du bloc de l’Est (détail absurde : tous les personnages du film sont censés être tchèques, bien qu’interprétés en anglais par des acteurs américains, manière sans doute d’asperger sur le film un pschitt de faux auteurisme européen). La seule chose un peu sincère qui y subsiste est la lueur vaguement amusée qu’il nous a bien semblé déceler deux ou trois fois dans l’œil du Sandman, l’air de nous dire : désolé pour cette mascarade, on se retrouve très vite sur Terre.
Spaceman de Johan Renck. Avec Adam Sandler, Carrey Mulligan et Paule Dano. Sortie le 1er mars 2024 sur Netflix.
Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/spaceman-adam-sandler-a-la-derive-610757-23-02-2024/
Author : Théo Ribeton
Publish date : 2024-02-23 15:55:49
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.