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Qui est Mica Levi, compositeur·ice de “La Zone d’Intérêt” ?

Qui est Mica Levi, compositeur·ice de “La Zone d’Intérêt” ?



L’imprévisible semble être un mot d’ordre chez Mica Levi : à 37 ans, l’Anglais·e a autant creusé son sillon dans l’ambient que le R&B, s’est fait un nom dans les franges noisy du rock indé comme dans la liste des compositeur·rice·s de bandes originales les plus en vu·es de l’époque. Récemment aperçu·e sous le feu des projecteurs à l’occasion de son travail sur la musique de La Zone d’Intérêt de Jonathan Glazer (grand prix au dernier festival de Cannes), Mica Levi se pare d’un prestige qui prend davantage la forme d’une reconnaissance de ses pairs que de celle du public, comme si l’intéressé·e fuyait autant la célébrité que les interviews.

Le résultat d’une carrière ultra sinueuse qui se décompose en projets épars, iel s’étant d’abord fait connaître en tant que voix de Micachu & The Shapes, son groupe de rock DIY renommé Good Sad Happy Bad en 2016, avant de produire de façon quasi anonyme un trip hop lancinant avec Tirzah (qui porte seule le nom de leur projet commun, assurant pourtant en interview que Mica est bien la moitié permanente du projet) ou du stoner rock dans le duo confidentiel Spresso.

Discrétion

“Je crois que l’idée d’être le visage d’un projet où il est question d’ego ne l’attire pas, mais sa tendance à travailler avec d’autres artistes est surtout motivée par l’appoint de créativité que toute collaboration implique”, avise Kai Campos, du duo britannique Mount Kimbie. Le groupe est parmi les rares à compter une collaboration créditée avec Micachu qui prend d’habitude un malin plaisir à camoufler ses participations, que ce soit chez Arca ou Dean Blunt.

“La jouer carriériste impliquerait de partir en tournée et d’adhérer au fonctionnement de l’industrie, développe Dom Maker (l’autre moitié de Mount Kimbie), ça ne lui ressemblerait pas. Ce qui l’intéresse vraiment s’articule autour de la création musicale, de la production”. Pourtant l’étiquette de producteur·rice aurait peine à condenser les talents multiples de Mica Levi, qui a prouvé depuis une décennie qu’iel opère sous son vrai nom et en solo, son savoir-faire au chant aussi bien que derrière une guitare ou des synthés.

Une recherche d’authenticité

Dès lors, on pourrait penser que son parcours autant que son entourage laissent entrevoir un penchant pour l’underground. Mais à l’écoute, la musique de Mica Levi désamorce à elle seule l’idée d’un goût du cryptique comme simple esthétique. Son morceau Love par exemple, composé pour la B.O d’Under the Skin (Jonathan Glazer, 2014) parvient à atteindre ce que la musique instrumentale a de plus puissant : capter l’intensité du sentiment humain. Comme la photographie d’une émotion, sa musique cultive un grain qui dit l’authenticité et rejette toute poursuite superficielle de style.

“Dans le travail de Mica, la forme et le fond s’imprègnent mutuellement, résume Johnnie Burn, sound designer attitré de Jonathan Glazer qui a travaillé avec l’intéressé·e sur Under the Skin et La Zone d’Intérêt. D’expérience, il reconnaît dans l’immédiateté du travail de l’artiste une forme de minutie : “sa musique est principalement une question d’émotion, de la structure à la texture… Ça mêle une forme de réel à un résultat très élaboré, ce qui est parlant dans ma position : le caractère narratif de sa musique fait écho à la vision qu’avons Jonathan et moi du son en général, en ce qu’on considère qu’il doit contribuer au film et pas juste l’accompagner.”

L’exemple n’a jamais été aussi parlant que dans La Zone d’Intérêt, qui raconte la vie de famille du directeur du camp d’Auschwitz. Sans jamais qu’elle soit montrée de manière frontale, l’horreur de la Shoah pèse sur le film par les sons émanant du centre d’extermination en périphérie duquel évoluent les protagonistes, qui ne prêtent presque plus d’attention à l’atmosphère environnante. De quoi, au visionnage, faire se questionne l’audience sur la nature diégétique de ce qu’elle entend : s’agit-il d’une transcription musicale posée sur le film ou le bruit de l’univers des personnages ?

Rapidité d’exécution

“Mica a travaillé sur le film pendant un an et a composé toute une bande originale qui ne se retrouve finalement pas dans le montage final, indique Johnnie Burn. On en a gardé seulement quelques morceaux car on a jugé qu’en mettre trop altérerait l’émulation du réel qu’on cherche à faire ressentir.” Même dans ce contexte de mise en retrait, la musique de Mica Levi, cette fois en forme d’ambient sépulcral, hante les esprits sans dénaturer l’expérience réaliste du film. Ainsi la rugosité du son de l’Anglais·e ne cherche pas à envelopper les sentiments que sa musique renferme : elle fait partie intégrante des affects qui la forment, du tout qui la compose. Jusqu’à dans son mode opératoire Johnnie, Kai et Dom témoignant aussi bien de sa rapidité d’exécution que de son impact sur une industrie dont iel joue sur les frontières avec brio.



Source link : https://www.lesinrocks.com/non-classe/qui-est-mica-levi-compositeur%C2%B7ice-de-la-zone-dinteret-610451-27-02-2024/

Author : Briac Julliand

Publish date : 2024-02-27 10:59:01

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Tags :Les Inrocks

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