Les lancements de campagne ne sont pas un monument d’improvisation. On y coche des cases, autant de figures imposées. Au menu : mobilisation militante, images de rassemblement et installation du candidat. Le premier meeting de Renaissance des Européennes, orchestré ce samedi devant plus de 2000 militants réunis à Lille, n’a pas échappé à ce rituel. Avec, en toile de fond, l’installation d’un duel avec le Rassemblement national (RN) autour du conflit ukrainien.”Valérie Hayer, je ne crois pas que vous connaissez !!!” Dans l’enceinte du Grand Palais, les militants scandent le nom de la tête de liste Renaissance sur la chanson de Benjamin Pavard lors du mondial 2018. Valérie Hayer ? Peu de Français connaissent en effet l’eurodéputée, propulsée chef de file du camp présidentiel après une série de défections. Il y a urgence à la faire entrer dans les foyers, et à faire taire ce chant. Des clichés de l’eurodéputée enfant sont dévoilés dans un autoportrait vidéo retransmis sur écran géant. Dans son discours, elle se présente en “femme de la Mayenne” et retrace son engagement politique. Son image de candidate par défaut ? “J’ose espérer qu’on ne dit pas cela car je suis une femme.”Le RN cibléEdouard Philippe, François Bayrou, Gérald Darmanin… Les ténors de la majorité se succèdent pour dresser son éloge. Le Premier ministre Gabriel Attal loue sa “force et son engagement” au Parlement européen, miroir inversé des “fantômes […] sans projet ni bilan”. Comprendre : le “clan Le Pen”, qu’il éreinte méthodiquement. La majorité installe ainsi son duel face à l’extrême droite, qui la devance de dix points dans les sondages. La compétition est polarisée, les autres adversaires invisibilisés.”La France veut-elle sortir de l’Europe ?”, interroge Gabriel Attal, érigeant la campagne en référendum sur un Frexit. L’électeur hostile à une telle perspective est guidé dans son choix. Dans une vidéo retransmise sur écran géant, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné résume le scrutin du 9 juin à un “choix entre deux bulletins de vote” et “deux conceptions de l’Europe”. Dans son discours, Valérie Hayer étrille les zigzags idéologiques de l’extrême droite et son “Frexit caché”. La cheffe de file veille en revanche à ne pas s’enfermer dans une critique exclusive du RN. Elle fait le panégyrique de la construction européenne, vante les succès enregistrés par la délégation Renew au Parlement européen.L’Ukraine, levier de mobilisationA trois mois du vote, l’heure est à la polarisation. Le conflit ukrainien sert de levier. Dans un scrutin frappé par l’abstention, la majorité compte mobiliser les siens en pointant la complaisance supposée du RN envers Vladimir Poutine. “Le temps est très Ukraine”, admet un cadre Renaissance. Valérie Hayer compare Marine Le Pen à Daladier et Chamberlain, signataires des funestes accords de Munich en 1938. “Le RN prétend défendre nos valeurs. Ils sont les premiers à tomber dans la soumission à la moindre secousse”, lance la tête de liste.Chacun y va de sa saillie. Gabriel Attal brosse le portrait d’un RN poutinophile, perméable à son influence. Il évoque le soutien frontiste à “l’invasion de la Crimée”, son financement par une banque russe ou sa volonté passée de conclure une alliance avec la Russie : “Si on les avait écoutés, on fournirait aujourd’hui des armes à la Russie pour écraser les Ukrainiens.” Le patron du Modem François Bayrou épingle, lui, ceux qui accompagnent leur soutien à l’Ukraine d’un “mais” ambigu. Tout comme Edouard Philippe, critique envers les partisans de l’Ukraine… À condition que l’appui ne soit “pas trop cher, trop long, ou trop agressif envers Vladimir Poutine”.”Ma cible, les macronistes qui doutent”L’escalade diplomatique et l’enlisement du conflit se prêtent à cette stratégie. Le contexte national, aussi. Emmanuel Macron a réuni jeudi les chefs de parti pour évoquer la situation militaire à l’est. Un débat, suivi d’un vote, sera organisé au Parlement la semaine prochaine. Manière de lever le voile sur les ambiguïtés frontistes.Le camp présidentiel attend enfin avec impatience le premier débat télévisé, le 12 mars sur Public Sénat. Le patron du RN y sera remplacé par l’eurodéputé Thierry Mariani, réputé pour ses accointances avec la Russie. “Du pain béni”, salive un député Renaissance. “L’hubris, ajoute un stratège macroniste. Ils pensent que rien ne peut les atteindre. C’est une provocation, mais ils jouent avec le feu.” Critique du nationalisme, éloge de l’Europe. Comme en 2019, le camp présidentiel déploie un message simple pour mobiliser les siens. Deux projets aux antipodes idéologiques, la peur de la dislocation de l’Europe comme moteur de vote. “Ma première cible, ce sont les macronistes qui doutent”, note un cadre de la campagne. Un message leur a été adressé.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2024-03-09 17:44:26
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