“Ça ne m’intéresse pas d’être riche”, lâche, bravache, Sean Price Williams lorsqu’on lui demande si, après The Sweet East, son premier long métrage en tant que réalisateur après quinze années passées derrière l’œilleton au service des autres, il ambitionne désormais de se faire une place au soleil… La question était surtout une plaisanterie et sa réponse ne surprendra guère ceux qui ont suivi son travail en tant que directeur de la photographie pour la frange la plus indépendante du cinéma indépendant de New York (où il vit toujours).
Ce géant barbu et chevelu, autodidacte et bavard, a signé la photographie de la plupart des films d’Alex Ross Perry (Listen Up Philip, Her Smell…), a travaillé avec le culte mais trop méconnu Michael Almereyda (Tesla) et, surtout, est responsable de l’image obsidienne, à la fois sensuelle et syncopée des frères Safdie (Mad Love in New York, Good Times…). Citons également son tout premier essai en tant que chef opérateur en 2007, Frownland, unique et sidérant film de Ronald Bronstein — ce dernier étant par ailleurs le coscénariste et monteur des Safdie, quasiment leur troisième frère.
Heureux hasard, tout ce petit monde s’est croisé au cours des années 2000, dans la plus légendaire vidéothèque new-yorkaise, Kim’s Video Store, qui avait, jusqu’à sa fermeture en 2014, la réputation de louer absolument tout ce qui existait. C’est aussi là, dans ce temple de la cinéphilie alternative où Williams a travaillé plusieurs années, qu’il a rencontré son coscénariste sur The Sweet East, le critique de cinéma Nick Pinkerton. “Il était un des rares à écrire sur les tout premiers films que j’avais shooté, et il travaillait chez Kim’s, mais pas dans ma succursale.”
À quatre mains, ils ont conçu ce récit picaresque et délirant prenant place dans le soi-disant “doux orient” américain, où le (désormais) cinéaste est né en 1977, à Willmington exactement, dans le Delaware (le fief de Joe Biden). “On voulait faire l’inverse de tous ces films d’auteur pompeux et longs, qui se prennent au sérieux”, explique-t-il, défendant l’idée que s’intéresser aux freaks de l’Amérique avec humour mais sans les prendre de haut, y compris celles et ceux dont il réprouve les idées (sans préciser desquel·les il s’agit), est un geste éminemment politique. On ne lui dira pas le contraire.
The Sweet East de Sean Price Williams. En salle le 13 mars.
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Author : Jacky Goldberg
Publish date : 2024-03-10 18:00:00
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