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“Il pleut dans la maison”, la chronique solaire d’un été de galère

“Il pleut dans la maison”, la chronique solaire d’un été de galère



La venue d’un·e jeune réalisateur·rice dans la sphère de la cinéphilie pose toujours l’éternelle question de la filiation et du renouveau. Qu’en attend-on : qu’il ou elle prenne congé de ce qui a été, ou en porte fièrement l’héritage ? Avec Il pleut dans la maison, Paloma Sermon-Daï s’inscrit, malgré elle, malgré son film, dans une traditionnelle veine sociale (l’ombre tutélaire de ses compatriotes belges, les frères Dardenne, jamais bien loin). Pourtant, s’il endosse les traits de la chronique sociale avec ce récit de frère et sœur en galère, Il pleut dans la maison a plus à voir avec le roman familial.
D’abord parce que, entre ce film-ci et le documentaire Petit Samedi (2020), la cinéaste de 30 ans n’a cessé de trouver auprès des sien·nes (son frère d’abord, et ici son neveu et sa nièce) la matière pour créer ses propres images et nourrir cet indépassable corpus qu’est la famille. Elle est ici amputée de deux de ses membres : le père est absent et la mère, à peine entraperçue, prendra bientôt la fuite sans que la cinéaste ne pose sur elle un œil réprobateur. À Makenzy et Purdey (Lombet) de faire avec, durant un été, de ceux que l’on voudrait synonymes de tournants, de grands changements, mais qui pour elle et lui s’enlise dans un schéma difficile à dépasser.
En âge de faire des études, Purdey se voit contrainte de prendre un tiers-temps de femme de ménage, et déjà le fossé aride de la précarité se creuse autour d’elle. Paloma Sermon-Daï a la belle intuition d’évacuer la menace d’un film à sujet édifiant pour nous proposer un film d’été, de soleil, de vacances pour celles et ceux qui n’en ont pas – Makenzy, trop jeune pour travailler, passe son temps au bord de l’eau, à fumer ou à voler des vélos.
Il pleut dans la maison fait à la fois état d’une humeur joyeuse, d’une chamaillerie complice qui éclate à l’écran à chaque fois que ses deux interprètes charismatiques se regardent, tout en distillant, avec un sens infini du détail et de la composition, une constellation de ruptures contrastées. Ainsi Purdey et Makenzy, qui habitent à quelques encablures d’une riche station balnéaire, ne partagent avec celles et ceux qui y vivent que la ligne d’horizon.
Quand l’ailleurs, personnifié par un jeune bourgeois, s’invite à l’intérieur du cadre, le conflit éclate dans une scène à l’exécution implacable, tant elle saisit avec sagacité la béance entre deux existences opposées et l’exercice en cours d’une violence aussi visible qu’invisible (avec le langage comme révélateur du mépris de classe).
Paloma Sermon-Daï a choisi un beau titre pour son premier long métrage de fiction, qui énonce le paradoxe d’un toit qui ne protège de rien (un “sans toit ni loi”), qui n’est pas sans rappeler Le Refuge, la cabane inondée d’une pluie torrentielle imaginée en 2007 par le plasticien Stéphane Thidet. Tout, dans Il pleut dans la maison, est à la fois poreux et étanche, sujet à infiltration et à résistance. Purdey et Makenzy le sont aussi. À les voir vivre, on croirait presque que Henri Calet a songé à ces deux-là en écrivant : “Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes.”
Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï, avec Purdey Lombet, Makenzy Lombet, Donovan Nizet (Bel., Fr., 2023, 1 h 22). En salle le 3 avril.



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Author : Marilou Duponchel

Publish date : 2024-03-30 07:00:00

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