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Face à Poutine, le pas de géant de l’Europe de la défense

Le président français Emmanuel Macron (c) et ses collègues dirigeants de l'UE avant un sommet au siège de l'UE à Bruxelles, le 21 mars 2024




C’est la seule nouvelle positive de la guerre d’invasion russe en Ukraine : le réveil d’une Union européenne qui se mobilise et avance à pas de géants. En deux ans, ses dirigeants ont opéré une révolution intellectuelle et politique. Ils sont passés d’une politique de marché à une politique de puissance. Pour préserver la paix à laquelle nous aspirons, il faut être prêts à faire la guerre, tous ensemble, face à celui qui nous la déclare. L’impérialisme et l’hégémonie de Vladimir Poutine, qui affiche des ambitions à la fois territoriales et idéologiques, une guerre de conquête et une guerre “contre l’Occident”, oblige à remettre en question le pacifisme qui a présidé à la construction européenne, construite sur le traumatisme de deux guerres mondiales et sur la vieille idée, issue de Montesquieu, selon laquelle la paix et la résolution des conflits découlent du commerce entre les nations.Le Conseil européen des 22 et 23 mars à Bruxelles, rebaptisé “sommet de guerre”, a manifesté une unité et une détermination qui feront date. Après quelques mises au point et malgré leurs divergences, Paris et Berlin sont alignés sur l’objectif et décidés à l’être. Le sommet a même déclenché une “révolution copernicienne”, selon les termes d’Emmanuel Macron : l’adoption commune du programme européen pour l’industrie de défense (Edip) proposé par Thierry Breton, le commissaire au Marché intérieur et à la Défense. Ce programme vise à stimuler la production d’armes et d’équipements militaires sur le marché de l’UE et ainsi de faire passer les industries de défense européennes en économie de guerre.”Orban, on le gérera comme cela”, m’avait assuré un des acteurs du dossier à propos du Premier ministre hongrois, toujours hostile aux aides à l’Ukraine. Et Viktor a été géré. Même cet allié de Poutine ne s’oppose aucunement à une “révolution” dont profitera son économie. Edip, ce sont des commandes en perspective pour les industries d’armement, autant d’emplois créés et de stimulation des économies nationales. Ni lui ni son compère Robert Fico, Premier ministre slovaque lui aussi fidèle au Kremlin, ne se sont même opposés à la décision d’abonder de 5 milliards d’euros supplémentaires la Facilité européenne de paix, ni à celle d’y affecter les intérêts engendrés par les avoirs russes gelés par l’UE (3 milliards par an).Comment financer l’Edip ? La possibilité d’un nouveau grand emprunt européen commun de l’ordre de 100 milliards d’euros, sur le modèle de celui ayant permis le plan de relance post-Covid, n’est plus taboue. C’est, là aussi, une question cruciale, et donc une avancée majeure. Seuls l’Allemagne et les Pays-Bas sont encore réticents, mais ils pourraient se laisser convaincre à terme par les pays Baltes et la Finlande, leurs homologues “frugaux”, qui eux-mêmes soutiennent l’idée émise par la Première ministre estonienne Kaja Kallas. Une autre piste envisagée par la Commission consiste à étendre le mandat de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui n’est à l’origine pas affectée au financement des industries de défense.Sursaut collectifLa partie, bien sûr, n’est pas gagnée. Le temps presse. La pénurie de munitions, de missiles et d’armements décisifs étrangle l’armée ukrainienne sur le terrain. L’envoi à l’Ukraine de plus d’un million d’obus achetés par l’UE à des pays tiers, à l’initiative du président tchèque, est destiné à compenser les lenteurs européennes pour les quelques mois à venir. L’urgence est aussi suspendue au calendrier électoral, européen et américain, et à la fragilité des opinions publiques.L’Ukraine paie de son sang une guerre où l’Europe joue son existence. Emmanuel Macron, lui, joue l’Histoire – et, en attendant, les élections européennes du 9 juin. Il peut être le président qui aura fait avancer la cause d’une souveraineté européenne, et en faire l’identité de son parti Renaissance à Bruxelles. Après son discours de la Sorbonne de 2017 qui l’a exposée, puis la “boussole stratégique de Versailles” adoptée par le Conseil européen en 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le sursaut collectif du printemps 2024 est une troisième étape décisive.Marion van Renterghem est grand reporter, lauréate du prix Albert-Londres et auteure du “Piège Nord Stream” (Arènes)



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Author : Marion Van Renterghem

Publish date : 2024-04-03 04:08:23

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Tags :L’Express

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