La vision d’un Boris Charmatz imaginant une danse des mains pour accompagner l’annonce de sa nomination à la tête du Tanztheater Wuppertal en aura marqué plus d’un·e. Le geste avait l’audace des premières fois. Créé sous l’impulsion de Pina Bausch, le Tanztheater Wuppertal est bien plus qu’une compagnie de danse. Une famille d’artistes peut-être, avec ses passions et ses tensions, forte d’un répertoire unique – et à succès.
À la disparition de la chorégraphe, en 2009, une fondation va naître, la troupe perpétuant, elle, un héritage vivant. Peu à peu les danseur·ses ont changé, la plupart de celles et ceux désormais présent·es à Wuppertal n’ayant pas connu la grande dame de la danse ; après une série de nominations provisoires, le Tanztheater s’est doté d’une direction en la personne du chorégraphe Boris Charmatz en 2021. Une révolution qui ne dit pas son nom. L’un des premiers actes du créateur à Wuppertal aura été de faire sortir les interprètes dans la rue, le temps d’un événement, Wundertal, sous le Schwebebahn, le métro aérien de la ville.
En septembre dernier, lors de la création de Liberté Cathédrale, c’est dans le cadre monumental d’une église, Neviges Mariendom, que la compagnie et ses invité·es soulevaient l’enthousiasme du public peu habitué à ces débordements chorégraphiques. On retrouva dans ce décor brutaliste les fondements de la gestuelle de Charmatz : courses folles, souffles ténus, paroles erratiques, invites aux spectateur·rices. Le lieu de culte devenait sous nos yeux un terrain fertile de rencontres. Un trait d’union possible entre la danse théâtre de Pina et celle, plus conceptuelle, du Français. Les corps se frottaient, s’invectivaient presque dans une transe seulement réchauffée de voix, de sons de cloches et d’orgues. L’esprit de Pina Bausch semblait à mille lieues. Ou pas. Entre chœur vivant et assemblée en mouvement, cette liberté affichait un sacré caractère.
Inventer un futur commun
Peut-on, dès lors, parler de (re)naissance à propos de cet opus convoquant passé et présent du Tanztheater pour inventer un futur commun avec Terrain, l’entité de Charmatz installée dans les Hauts-de-France ? “Je vous laisse le choix du mot… mais dans Liberté Cathédrale, il s’agit effectivement d’une sorte de nouvelle compagnie en fusion ! Nous avons même une version XXL de cette fusion avec le projet Wundertal de mai dernier, ses 182 danseurs, membres de l’ensemble, étudiants, amateurs…, commente Boris Charmatz. Bettina Milz [coordinatrice du projet d’un futur centre] disait de ce groupe de ‘fous’ de danse : le Pina Bausch Zentrum n’a pas encore de bâtiment, mais il a déjà une compagnie !” La base de cette compagnie est et restera le Tanztheater Wuppertal : “Mais la frontière entre les danseurs de Terrain et les danseurs de l’ensemble s’estompe doucement avec le renouvellement des interprètes.”
Et le chorégraphe de citer l’arrivée de Frank Willens, mais aussi de Simon Le Borgne et Letizia Galloni, tous·tes deux passé·es par l’Opéra de Paris, ou la présence d’Ashley Chen dans le nouveau Nelken. “Il me semble que le projet commun entre leTanztheater Wuppertal et Terrain, entre les danseurs, les équipes artistiques, techniques, administratives et les régions [Hauts-de-France et Rhénanie du Nord Westphalie], offre une chimie désirable : l’avenir nous le dira !”
Célébration en mouvement
Entre remontage des pièces iconiques signées Pina Bausch (Nelken, Viktor) et tournée marathon, le nouveau directeur aura à peine le temps de souffler. Quant à la célébration des 50 ans du Tanztheater Wuppertal, Boris Charmatz promet que “les bougies seront soufflées lentement mais avec émotion”.
“Je suis arrivé trop tard pour organiser à brève échéance l’anniversaire, mais je préfère de toute façon imaginer que la compagnie a ‘la cinquantaine’, et que cela se déroule donc dans un temps plus ample. Liberté Cathédrale, Wundertal, Club Amour signent les premiers moments de ce tournant, mais effectivement, nous avons en tête quelques projets qui pourraient marquer cet anniversaire étiré…” À ses yeux, il y a peu de compagnies de cet âge “et de cette trempe”. Et ajoute : “J’espère savoir inventer les hommages (vifs !) nécessaires à cette célébration en mouvement.”
Liberté Cathédrale, chorégraphie Boris Charmatz, avec l’ensemble du Tanztheater Wuppertal et ses invité·es, au Théâtre du Châtelet (coréalisation Théâtre de la Ville), Paris, du 7 au 18 avril.
Source link : https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/liberte-cathedrale-un-trait-dunion-entre-lunivers-de-boris-charmatz-et-lesprit-de-pina-bausch-612322-07-04-2024/
Author : Philippe Noisette
Publish date : 2024-04-07 10:00:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.