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“Le Sympathisant” : que vaut la série de Park Chan-wook avec Robert Downey Jr. ?

“Le Sympathisant” : que vaut la série de Park Chan-wook avec Robert Downey Jr. ?



Récipiendaire du prix Pulitzer de la fiction en 2016, l’écrivain américano-vietnamien Viet Thanh Nguyen signait avec Le Sympathisant un premier roman en forme de confession au vitriol de son narrateur anonyme : capitaine de la police secrète de Saïgon en pleine guerre du Vietnam, secrètement espion communiste à la solde du Nord, tout à la fois bâtard en ses terres (il est le fils d’une Vietnamienne et d’un géniteur français inconnu), étranger en exil (lorsqu’il rejoint la Californie à la fin de la guerre, en qualité d’espion embusqué aux États-Unis), rompu au mode de vie américain et tiraillé par son obédience communiste. L’adaptation de ce fascinant livre somme en une série de sept épisodes, avec un casting international, Park Chan-wook aux commandes, et un Robert Downey Jr. au four et au moulin, avait tout d’une gageure. Pari réussi ?

Au terme d’un premier épisode extrêmement impressionnant, qui nous plonge dans un Saïgon en plein chaos, à quelques jours de sa prise par les communistes au printemps 1976, “le Capitaine” (incarné par Hoa Xuande, acteur australien d’ascendance vietnamienne, impeccable) doit quitter le pays en catimini, contraint de continuer son boulot d’espion aux États-Unis. Entre les basses besognes à accomplir pour son “général”, chef de la police secrète du Sud Vietnam, lui aussi réfugié en Californie, sa collaboration plus ou moins étroite avec la CIA, ses activités d’espion, son amourette avec une supérieure hiérarchique (la toujours exquise Sandra Oh), et son rôle de consultant vietnamien sur un tournage très Nouvel Hollywood (folie furieuse comprise) qui rejoue la guerre meurtrière qui vient à peine de s’achever, notre héros jamais nommé aura fort à faire.

Une série hybride et kaléidoscopique

La crise identitaire, c’est le grand sujet du Sympathisant. Celle de son personnage principal, ballotté par les vents contraires de ses appartenances, de ses origines et de sa duplicité imposée – c’est cette gémellité entre l’espion et l’acteur, ce déracinement de l’infiltré, chez lui nulle part, en exil partout. C’est aussi le trouble identitaire de cette série hybride et kaléidoscopique, qui navigue entre film d’espionnage, satire politique et comédie allègre. Qui cultive les ruptures de ton et les œillades méta. Qui semble elle aussi ballottée, volontairement sans doute, par les mises en scène contradictoires de ses trois réalisateurs (Park Chan-wook signe les trois premiers avec la virtuosité qu’on lui connaît, Fernando Mereilles et Marc Munden les suivants, sur des registres bien différents).

C’est enfin l’empilement d’identités de Robert Downey Jr. qui incarne pas moins de quatre personnages, façon Peter Sellers dans Docteur Folamour, pour le meilleur (quand il campe un cinéaste despotique en roue libre sur un tournage qui rappelle le truculent Tropic Thunder) et pour le pire (quand il campe un professeur homosexuel, dont l’interprétation over the top frôle l’indécence).

Curieux objet composite, fascinant mais inconstant, souvent hypnotique, par endroits virtuose, Le Sympathisant n’est jamais aussi juste que quand il épouse les ramifications pamphlétaires du roman qu’il adapte et cette manière corrosive de décaper l’impérialisme américain ; ou lorsqu’il retrouve par soubresauts le ton grave que diffèrent trop souvent des élans comiques bouffons à contretemps. Comme si, à l’image de son héros anonyme, il se cherchait l’identité qui lui fait défaut.

Le Sympathisant de Park Chan-wook et Don McKellar, avec Hoa Xuande, Robert Downey Jr., Sandra Oh. Sur Prime Video avec le Pass Warner, à partir du 14 avril.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/le-sympathisant-que-vaut-la-serie-de-park-chan-wook-avec-robert-downey-jr-615751-17-04-2024/

Author : Léo Moser

Publish date : 2024-04-17 15:57:15

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