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Espion chinois, paiements russes… L’opaque réseau de l’extrême droite allemande à Bruxelles

L'eurodéputé Maximilian Krah, tête de liste de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) aux prochaines européennes, lors d'une conférence de presse, le 28 juillet 2023 à Magdebourg, en Allemagne




C’est une série de scandales qui vient directement percuter l’Europe, et rappeler sa vulnérabilité face à l’agressivité des autocraties. Réseau d’espionnage russe en Allemagne ou au Royaume-Uni, infiltration d’un agent du renseignement chinois au Parlement européen, paiements occultes de proches du Kremlin pour des élus à Bruxelles : ces dernières semaines furent particulièrement agitées.Parmi toutes ces affaires, un parti politique revient très régulièrement : l’AfD (L’Alternative pour l’Allemagne), le parti d’extrême droite allemand. Déjà au coeur de polémiques après ses rassemblements en présence de néonazis ou son projet de “rémigration”, l’AfD replonge dans la tourmente après l’ouverture d’enquêtes pour des soupçons de corruption et d’espionnage. Au centre des scandales figurent notamment trois noms : Jian Guo, assistant parlementaire à Bruxelles, Maximilian Krah, sulfureux eurodéputé et tête de liste du parti pour le scrutin européen, et Petr Bystron, son colistier. Retour sur ces trois profils qui pourraient bien faire plonger l’AfD, alliés du Rassemblement national à Bruxelles et un temps annoncés par les sondages proches d’arriver en tête du scrutin européen en Allemagne.Jian Guo, l’assistant parlementaire à la solde de PékinCe fut peut-être l’affaire de trop pour l’AfD. Jian Guo, assistant parlementaire de l’eurodéputé allemand de l’AfD Maximilian Krah depuis 2019, a été arrêté ce mardi par la justice allemande pour des soupçons d’espionnage en faveur de Pékin. “Jian G. est employé par un service de renseignement chinois. En janvier 2024, l’accusé a transmis à plusieurs reprises des informations sur les négociations et les décisions au Parlement européen à son client. En outre, il a espionné des opposants chinois en Allemagne pour le compte du service de renseignement”, indique le parquet fédéral allemand dans un communiqué.Suspendu par le Parlement européen dans la foulée, la collusion de Jian Guo avec Pékin fait assez peu de doutes. Dès octobre, le site d’information allemand t-online rapportait qu’un “proche confident” de Krah dirigeait un réseau de lobbying germano-chinois directement depuis son bureau au Parlement européen. Une enquête de la revue britannique The European Conservatives, publiée le 18 avril dernier – soit seulement quelques jours avant l’annonce de son arrestation -, avance des preuves accablantes. Le journal décrit un assistant parlementaire déjà suspecté par ses propres collègues, en raison de son absence de maîtrise de l’anglais ou de l’allemand, son lobbying agressif en faveur du Parti Communiste chinois ou encore des liaisons avec des délégations chinoises inconnues au Parlement. Des conversations internes au parti, consultées par la revue, révèlent également que Jian Guo aurait offert à des politiciens de l’AfD des voyages VIP en Chine, aurait des liens très proches avec les très troubles Institut Confucius, ou aurait encore montré un intérêt particulier à assister à des réunions privées entre députés européens consacrées aux relations Chine-UE.Interrogé par The European Conservatives, un autre eurodéputé AfD, Nicolaus Fest, avance que “Jian Guo n’est que rarement vu ou entendu dans les couloirs du Parlement. Personne ne sait ce qu’il fait, personne n’a de contact avec lui, et personne ne pense sérieusement qu’il est là pour faire avancer les objectifs du parti”. Le tout, sans aucune explication ni de sa part, ni de son eurodéputé Maximilian Krah. Si ce dernier l’a depuis renvoyé, cette affaire a fait beaucoup réagir à Bruxelles mais également à Berlin, le chancelier Olaf Scholz jugeant ce mercredi ces accusations de “très, très préoccupantes”.Maximilian Krah, le “vassal” des autocratesPour employer un tel assistant parlementaire, il fallait un eurodéputé suffisamment déraisonnable. Carton plein avec Maximilian Krah, grand habitué des scandales et des polémiques. Âgé de 47 ans, poids lourd de l’AfD au Parlement européen depuis 2019, cet ancien avocat est régulièrement pointé du doigt pour ses accointances avec les autocraties, notamment la Chine et la Russie. Des accusations qui sont devenues concrètes cette semaine, avec l’ouverture par le parquet de Dresde d’enquêtes préliminaires pour des soupçons de financements de la part de Pékin et de Moscou. Elles doivent “vérifier s’il existe un soupçon de corruption du député”, a précisé le parquet. Des médias allemands ont également révélé il y a quelques jours que Maximilian Krah avait été interrogé lors d’un déplacement aux Etats-Unis par le FBI en décembre dernier au sujet de paiements reçus d’un militant pro-Kremlin.L’affaire n’aurait cependant pas pris une telle ampleur si Maximilian Krah n’était pas… la tête de liste de l’AfD pour ces élections européennes. Désigné à une très large majorité par les adhérents, l’eurodéputé fait partie de la branche la plus radicale d’un parti accumulant déjà les polémiques. Climatosceptique, partisan de la théorie du grand remplacement et des thèses ethnicistes, opposé au droit à l’avortement, l’eurodéputé décrivait lui-même sa vision du monde dans son livre Politique de droite – un manifeste, publié en 2023 : “Ce ne sont pas la Russie, la Chine, l’Inde, l’Afrique ou le monde islamique qui menacent notre existence. Eux aussi se défendent contre la prétention universelle au pouvoir de l’Occident woke”.Les déclarations de Maximilian Krah sur la Chine restent néanmoins celles qui attirent le plus les soupçons. L’eurodéputé a ainsi voté en 2019 contre une résolution parlementaire ordonnant à Pékin de stopper l’oppression de la minorité des Ouïghours, a qualifié de “propagande anti-chinoise” les critiques sur le bilan de Pékin en matière de droits de l’homme, ou encore assuré que Taïwan revenait de droit à la Chine. De quoi faire dire à un responsable des Verts allemands au Parlement européen, Reinhard Buetikofer, que Maximilian Krah était depuis un certain temps le “vassal le plus bruyant de la Chine”.Malgré ce bilan déjà très fourni, l’accusation d’espionnage de son assistant parlementaire, cumulée à ses propres déboires judiciaires, ont été de trop pour la direction de l’AfD. Si bien qu’Alice Weidel et Tino Chrupallan, les deux dirigeants du parti, se sont bien gardés de s’afficher publiquement en sa présence, et ne verraient pas d’un mauvais œil l’idée de l’écarter du scrutin de juin. Avant de se rendre compte du problème : impossible pour le parti de revenir sur la liste officielle déjà officiellement déposée auprès de Bruxelles. Maximilian Krah restera bien le premier candidat de l’AfD pour le scrutin européen. La direction du parti lui a donc soigneusement demandé de se mettre en retrait de la campagne. Il ne sera ainsi pas présent aux prochains meetings du parti, et son visage sera effacé des posters de campagne. Drôle de tête de liste, et drôle de collègue pour le Rassemblement national au Parlement européen.Petr Bystron, l’encombrant numéro 2Maximilian Krah mis à l’écart de la campagne de l’AfD, on aurait pu imaginer que son numéro 2, Petr Bystron, allait endosser le rôle de tête d’affiche pour tenter d’éteindre l’incendie. Pas de chance : lui aussi est empêtré depuis plusieurs semaines dans des affaires de corruption avec Moscou. Et notamment un en particulier, qu’il partage avec l’inévitable Maximilian Krah, autour du réseau de propagande russe “Voice of Europe”.Le député allemand Petr Bystron (AfD), membre du Bundestag, le 19 octobre 2023 à BerlinTout est parti en mars dernier de la révélation par les services de renseignements tchèques que le média en ligne “Voice of Europe” était réalité une sphère de propagande russe financée par le Kremlin, dont l’influence s’étendait “jusqu’au Parlement européen”. Dans le cadre de ce réseau, “la Russie a approché des eurodéputés mais aussi payé pour promouvoir la propagande russe, il s’agit de parlementaires touchant de l’argent”, avait précisé le Premier ministre belge Alexander De Croo devant la Chambre des représentants belge.Parmi ces parlementaires figure donc Petr Bystron, d’après des révélations de la presse allemande et tchèque. Preuves audio à l’appui, le député allemand aurait reçu 20 000 euros de la part du gestionnaire du site, un certain Artem Marchevsky, lui-même proche d’un oligarque russe ami de Vladimir Poutine,Viktor Medvedchuk. Et même si l’AfD a défendu son candidat, dénonçant “des accusations manipulatrices émanant de services de renseignement étrangers”, Petr Bystron devrait tout de même lui aussi être mis à l’écart de la campagne dans les prochaines semaines.L’accumulation de ces affaires a en tout cas poussé le Parlement européen à voter une résolution ce jeudi appelant l’AfD à “déclarer publiquement et sans délai ses relations financières avec le Kremlin”. 445 voix pour, et 49 voix contre parmi lesquelles… celles des eurodéputés du Rassemblement national. Un signe que malgré les tensions de ces dernières semaines entre les deux partis, la connivence sur certaines idées reste toujours bien présente.



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Publish date : 2024-04-26 14:58:51

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