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[Cannes 2024] Cinéastes entre premiers frémissements et œuvres tardives

[Cannes 2024] Cinéastes entre premiers frémissements et œuvres tardives



Sur le red carpet d’une soirée de gala, un personnage du nouveau Francis Ford Coppola (Megalopolis) pose pour les photographes tandis qu’un commentateur précise pour le public, qu’elle porte une robe entièrement conçue en mégalon, cette matière précieuse à partir de laquelle l’architecte illuminé, joué par Adam Driver, rêve de construire une ville. La robe est dotée de capteurs qui filment la réalité qui l’environne et la projette sur la robe. L’effet, à grand renfort d’effets spéciaux numériques, produit un étrange miroitement (qui n’est pas sans évoquer la robe couleur du temps du Peau d’âne de Jacques Demy), une mosaïque de visuels derrière laquelle la personne semble s’effacer et se confondre au fond de l’image, telle un caméléon dans la nature.

Dans The Shrouds, David Cronenberg imagine un linceul d’une matière très innovante, également doté de capteurs qui une fois posé autour d’un cadavre, filme son altération et permet à ses proches de se garder un lien visuel avec le corps en décomposition. La caméra n’est pas un œil, mais une enveloppe. Un cocon qui enregistre ce qu’il recouvre.

Le cinéma comme une peau

L’affinité des deux visions est vraiment troublante : une caméra-matière, un linge qui voit. L’un absorbe le dehors, l’autre dévoile le dedans. Il faut peut-être avoir traversé des décennies à filmer, toucher au dernier mouvement d’une œuvre d’exception, pour imaginer le cinéma comme une peau, une seconde peau qui recouvre l’entièreté d’un corps et se confond avec lui. Comme si deux des plus grands maîtres du cinéma contemporain rêvaient simultanément d’une même relique sacrée : le voile de Véronique, qui par simple imposition sur le visage du Christ en avait saisi l’empreinte.

Cannes, cette année, aura su mettre en majesté la vigueur de cinéastes à peine éclos (de nombreux premiers et seconds films frappants, des nouveaux noms riches de promesses : Tyler Taormina, Payal Kapadia, Alexis Langlois, Jonathan Millet, Antoine Chevrollier, Mo Harawe…) et la poursuite d’œuvres majeures par des cinéastes octogénaires ou presque. Chacun d’eux fait un usage très singulier de son statut et de son expérience. George Miller (Furiosa) soulève à l’arraché un blockbuster high-tech d’une vitalité impressionnante. Coppola dilapide son prestige dans une tragédie à l’extravagance effrontée. Paul Schrader, outillé d’un roman de Russell Banks, documente l’usure du corps et l’envahissement par le souvenir d’une fin de vie. Enfin, David Cronenberg creuse ses obsessions et les modèle dans une forme impressionnante d’ascèse et de concision.



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Author : Jean-Marc Lalanne

Publish date : 2024-05-20 09:37:38

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Tags :Les Inrocks

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