C’est un tic-tac qui retentit depuis plusieurs mois en Nouvelle-Calédonie. Celui d’une catastrophe que beaucoup d’acteurs ont senti, confusément, sans forcément en prédire les contours. Fragilisée par la crise économique qui frappe le coeur de son économie, le nickel, son paysage politique grevé par les luttes entre indépendantistes et loyalistes, la situation du Caillou a rarement été aussi inflammable.L’étincelle est venue d’un sujet poussé par l’Etat : celui du dégel du corps électoral qui, depuis 2007, empêche une partie des récents arrivés sur place de voter aux élections provinciales. Le projet de loi, accueilli avec joie par les non-indépendantistes, est perçu comme un passage en force par le camp d’en face. Dans ce débat, deux blocs hétérogènes se jaugent, de plus en plus irréconciliables. L’examen du texte à l’Assemblée nationale le 13 mai aura suffi à déclencher un déferlement de violence.Faire la paixDes maisons et commerces incendiés, des centaines de blessés, au moins six morts. Le Grand Nouméa est traversé par des scènes de désolation qui font écho aux “événements” qui l’ont secoué de 1984 à 1988. Une sensation d’immense gâchis étreint devant les images d’une ville dévastée. Celle, notamment, de la perte d’une certaine écoute. D’un savoir-faire de la négociation. Celui qui avait permis, en 1988, de signer les accords de Matignon. Dans un court ouvrage publié après sa mort, Faire la paix, leur artisan, l’ancien Premier ministre Michel Rocard, revenait en détail sur sa méthode : “La paix, c’est la négociation, c’est le courage de céder sur certains points au nom d’un objectif plus essentiel, le courage de transformer l’ennemi en interlocuteur.”Il est toujours facile de juger les évènements prévisibles quand ils ont déjà eu lieu. Une chose est sûre : depuis le non au dernier référendum d’autodétermination de 2021, le dialogue s’étiole entre les loyalistes et les indépendantistes et l’Etat, chaque “camp” restant arc-bouté sur sa position. Dès lors, comment restaurer la confiance ? De plus en plus de voix s’élèvent pour demander un report de la réforme constitutionnelle. Dans un courrier adressé le 15 mai aux représentants néo-calédoniens, le président écrit pourtant que sans accord entre les forces politiques locales, elle aura lieu fin juin. Gabriel Attal, qui a hérité du dossier, devra donc composer entre deux données aux antipodes : la fermeté affichée d’Emmanuel Macron et la nécessité de dialogue. Pour réussir, le Premier ministre devra prendre le temps, écouter chacun, calmer le jeu. Il lui faudra sans doute (re) lire Rocard.
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Author : Alexandra Saviana
Publish date : 2024-05-21 10:00:00
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