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“Anhell69”, Theo Montoya se raconte dans un premier film unique et habité

“Anhell69”, Theo Montoya se raconte dans un premier film unique et habité



À bien des égards, Anhell69, premier long de Theo Montoya, répond aux préceptes baziniens sur les arts plastiques comme actes d’embaumement, capables “d’exorciser le temps” et de sauver “d’une seconde mort spirituelle”, et le cinéma comme leur versant animé et convulsif. Anhell69 nous vient d’outre-tombe. Sa voix est celle de son auteur, qui nous parvient d’un cercueil où le cinéaste met en scène sa dépouille, baladée dans un corbillard dans les nuits de Medellín.

Dans ce récit à la première personne, Montoya raconte son enfance, la violence de son pays, la drogue très tôt et le cinéma très vite. Dans un lent panoramique se dévoile sa chambre d’ado, posters de Titanic, Britney, E.T., photos du Christ sur les murs, et les mouvements de caméra la regardent comme la dépouille d’un souvenir.

Quelque chose d’une infinie meurtrissure traverse le film, donnant le sentiment de parcourir les vestiges d’un monde d’aujourd’hui déjà en ruines. Ce récit de soi se mélange à un autre, celui annoncé par son titre, pseudo d’un ami de Theo. Le garçon à la beauté androgyne nous apparaît dans les séquences d’un casting au cours desquelles le réalisateur, comme une actualisation de la célèbre formule de Jean Rouch dans Chronique d’un été (“êtes-vous heureux ?”), demande à ses proches comment ils et elles envisagent l’avenir. Aucun·e ne peut l’entrevoir, le présent est le seul mode de survie dans un pays qui n’a jamais connu la paix.

À cette ébauche préparatoire se mêlent des images de la fiction où Theo serait devenu le héros d’un récit fantastique, entre Terminator et Apichatpong Weerasethakul, où une jeunesse queer et spectrophile cohabiterait avec des fantômes-ami·es persécuté·es par des instances de pouvoir. Film “trans, sans genre et sans frontières”, Anhell69 se nourrit comme un vampire de ses fragments épars, de ses ami·es sacrifié·es, beaux et belles mort·es-vivant·es. L’endroit du film est leur tombeau de repos, mais un tombeau à ciel ouvert au goût de rêve de liberté, “une maison sans murs, sans fenêtres”.

Anhell69 de Theo Montoya, avec Alejandro Hincapié, Camilo Machado, Alejandro Mendigaña (Col., Roum., Fr., All., 2024, 1 h 15). En salle le 29 mai.



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Author : Marilou Duponchel

Publish date : 2024-05-27 06:00:00

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