The Beach Boys, le documentaire consacré au groupe mythique des frères Wilson qui vient de sortir sur Disney+, n’a rien d’innovant dans sa forme comme dans sa conception. Il est strictement chronologique, n’apporte pas de véritable scoop et demeure, de bout en bout, d’un classicisme total. Pourtant, ce film bourré d’archives et de têtes parlantes, réalisé sans voix-off, est, malgré tout, passionnant.
L’association entre le vétéran Frank Marshall, plus connu pour son long compagnonnage avec Spielberg et son goût des araignées (Arachnophobie est le titre de son premier long métrage), et Thom Zimny, un proche de Bruce Springsteen, déjà auteur du documentaire Elvis Presley: The Searcher, produit finalement un objet excitant par sa méticulosité, la qualité de ses archives et témoignages et, surtout, son lien organique à la musique.
Car la meilleure surprise de ce film, c’est qu’il y est beaucoup question de l’énorme travail du groupe et, particulièrement, de son leader incontesté, Brian Wilson, sur la forme des chansons et des albums que tout le monde connaît ou presque.
Affaire de famille
Évidemment, The Beach Boys raconte aussi l’histoire d’une famille plutôt dysfonctionnelle, celle formée originellement par les trois frères Wilson, Brian, Carl et Dennis, leur cousin, Mike Love, et leur ami, Al Jardine, tous membres à part entière d’un groupe qui rencontre un succès foudroyant, dès son apparition, au début des sixties.
À ces cinq garçons dans le vent, il faut ajouter la figure néfaste de Murry Wilson, le père, manager des Beach Boys depuis leurs débuts, et puissance destructrice à mesure que le groupe s’avance vers des rivages plus complexes et plus psychédéliques. Le film ne néglige d’ailleurs absolument pas son rôle, particulièrement quand ils sont en crise, dans la seconde moitié des années 1960. On appréciera que soit mentionnée l’influence décisive des groupes vocaux des années 1950, comme The Four Freshmen, sur les sublimes polyphonies vocales des Beach Boys.
Brian Wilson derrière chaque chanson
Dans un autre registre, le documentaire souligne à quel point les cinq “garçons de la plage” étaient, pour la plupart d’entre eux, très éloignés de la culture du surf californienne, dont ils sont pourtant les plus célèbres représentants. Et devient forcément encore plus stimulant quand la route du succès se double du malaise de plus en plus profond de Brian Wilson, qui ne supporte plus les tournées à répétition, néfastes pour sa santé mentale déjà assez fragile.
Son idéal est ailleurs, notamment en studio, là où il va enfin pouvoir pleinement exercer son génie musical et rivaliser avec Phil Spector ou les Beatles. À partir du milieu des années 1960, pendant que Carl, Dennis, Mike et Al enchaînent les concerts, lui écrit et réalise entièrement les chansons du groupe, et, plus particulièrement, celles de Pet Sounds, sur lesquelles les autres Beach Boys n’ont plus qu’à poser leur voix.
Rythmé par les passionnants témoignages de Mike Love et Al Jardine – recueillis spécialement –, auquels on peut ajouter les archives qui permettent d’entendre Carl, Brian et même parfois Dennis, le film prend alors une autre dimension. Il devient l’histoire d’un groupe quasi schizophrène, qui se défait sous nos yeux tout en produisant un chef-d’œuvre impérissable.
Un déclin inévitable
La description des séances d’enregistrement de Pet Sounds, de Good Vibrations, puis de Smile, l’album fantôme, figurent parmi les moments les plus stimulants du documentaire, d’autant plus que les témoignages de Don Randi ou de Carol Kaye, membres du Wreckin Crew, l’orchestre de musicien·nes de studio que Brian Wilson dirige à l’époque, nous donnent littéralement le sentiment d’y être. Après ce sommet, le déclin est inévitable.
Fiasco de Smile, ravage des drogues sur le cerveau de Brian, liens de Dennis avec la famille Manson, rupture familiale avec Murry Wilson qui vend, sans l’autorisation de ses fils, le catalogue du groupe… Rien ne nous est épargné, et c’est très bien ainsi, car l’envers du mythe s’avère au moins aussi passionnant que sa face lumineuse – les deux étant finalement intimement liées.
Après avoir manqué de disparaître, les Beach Boys, complètement passés de mode, sont sauvés par une compilation de leurs premiers titres qui relancent leur carrière à point nommé, à la fin des années 1970. Le film s’achève par une réunion émouvante sur la plage, autour d’un feu, des quelques membres encore vivants, vieillis mais éternels.
Un docu traditionnel, mais une vraie réussite
Si le documentaire de Frank Marshall et Thom Zinny épouse finalement le schéma traditionnel du biopic musical – ascension, chute, rédemption –, il n’en reste pas moins que revisiter la trajectoire des Beach Boys, avec un tel luxe de détails et d’anecdotes, est une expérience qui demeure enthousiasmante.
Sa grande réussite est finalement d’avoir réussi à s’adresser aussi bien aux fans, qui savent déjà tout mais éprouveront un vrai plaisir à rejouer les principales étapes de cette trajectoire exemplaire, qu’à celles et ceux qui ignorent le génie du groupe et découvriront un véritable trésor musical. Sans oublier tous·tes les autres qui admirent simplement la musique céleste des Beach Boys, un groupe qui, le film ne fait que le confirmer, brillera encore longtemps au firmament de la pop.
The Beach Boys, de Frank Marshall & Thom Zimny, sur Disney+ depuis le 24 mai.
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Author : Thierry Jousse
Publish date : 2024-05-28 10:12:38
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