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Guerre en Ukraine : “Les déboires de Gazprom compliquent la donne pour Poutine”

Vladimir Poutine et le patron de Gazprom Alexei Miller le 9 juin 2023




En Russie aussi, l’issue de la guerre à un volet financier. Alors que Vladimir Poutine est passé en économie de guerre avec une envolée des dépenses militaires, les soucis de Gazprom compliquent l’équation budgétaire. Décryptage avec Agathe Demarais, spécialiste de géo-économie et chercheur au European Council on Foreign Relations.L’Express : L’information est passée relativement inaperçue mais Gazprom est en mauvaise passe, conséquence directe des mesures de rétorsions occidentales. Trou d’air ou crise plus structurelle ?Le géant russe énergétique a annoncé récemment une perte de 6,8 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année 2023, la première depuis 1999. Gazprom n’a aujourd’hui plus la capacité de vendre son gaz vers l’Europe puisque la Russie a décidé de couper le robinet, ce qui a poussé l’Europe, en réaction, à prendre la décision de se priver totalement d’hydrocarbures russes d’ici à 2027.Pour exporter son gaz, le Kremlin peut le faire soit par le biais des pipelines, soit sous forme liquéfiée, avec le GNL. Le problème, c’est que les pipelines actuels sont dirigés vers l’Europe et que la Chine traîne des pieds pour conclure des contrats avec la Russie. En ce qui concerne le GNL, les sanctions occidentales freinent l’accès aux technologies nécessaires au développement du secteur. Finalement, les problèmes financiers de Gazprom pourraient encore s’accentuer.Alors que les recettes de Gazprom alimentent les caisses de l’Etat russe, quelles peuvent être les conséquences pour Moscou ?En 2022, Gazprom a reversé au total 40 milliards de dollars à l’Etat russe, directement au budget fédéral ou via le fonds souverain russe. Ce point est important car ce fonds souverain permet aujourd’hui à la Russie de financer son déficit budgétaire. Pendant des années, Gazprom a servi de vache à lait, fournissant près de 10 % en moyenne des recettes budgétaires du pays. Depuis le début de la guerre, Moscou avait également demandé à Gazprom une contribution exceptionnelle de 500 millions de dollars par mois. Or, aujourd’hui, le groupe n’est plus en mesure financièrement d’abonder le fonds souverain et le budget fédéral, ni de verser cette soulte exceptionnelle. La semaine dernière, le Kremlin a même annoncé que Gazprom ne pourrait pas verser de dividendes cette année, ce qui montre bien à quel point la société est dans une situation compliquée. C’est évidemment très important à un moment où les dépenses militaires de la Russie s’envolent.Ces difficultés peuvent-elles avoir un impact sur le financement et la poursuite de la guerre ?A court terme, la Russie dispose encore de réserves financières importantes. Mais le moyen terme est plus compliqué. La part des actifs liquides du fonds souverain, c’est-à-dire ceux que Moscou peut vendre très facilement, a déjà fondu de près de moitié – soit environ 60 milliards de dollars – depuis le début de la guerre en 2022. Le financement de la guerre se fait désormais en vase clos. Jusqu’à présent, Gazprom abondait le fonds souverain, lequel finançait directement le budget russe ou recapitalisait les banques si elles étaient en difficulté. Maintenant, ce sont les banques publiques russes qui doivent aider Gazprom, qui n’est plus en mesure d’abonder le fonds souverain. Jusqu’à quand ce système peut-il tenir ? Finalement, les problèmes de Gazprom compliquent bel et bien le financement de l’effort de guerre russe.Une loi russe a récemment été votée, portant sur la saisie d’actifs américains sur le sol russe. Une nouvelle étape est-elle franchie dans cette guerre de rétorsion financière ?C’est une loi qui est dans la continuité de l’ensemble des décisions russes depuis le début de la guerre. Pour Moscou, il s’agit de montrer ses muscles au moment où les discussions reprennent aux Etats-Unis et en Europe sur la saisie des actifs de la Banque centrale de Russie. Les entreprises occidentales qui sont encore présentes en Russie ne se font guère d’illusion : elles savent qu’elles sont depuis deux ans dans une situation très difficile. Selon moi, cette loi ne change pas grand-chose puisque de toute façon le système juridique russe est totalement arbitraire.L’Occident doit-il surenchérir et aller plus loin que ce qui est discuté actuellement dans le cadre du G7 ?De quoi parle-t-on exactement aujourd’hui ? De l’avenir d’environ 300 milliards de dollars de réserves de la Banque centrale de Russie. Les débats transatlantiques sont très intenses, avec d’un côté des positions américaines en faveur de la saisie pure et simple de tous les actifs gelés et de l’autre, une position européenne plus modérée. La France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg ou encore l’Italie ne sont pas favorables à une saisie totale des actifs de la Banque centrale de Russie par crainte de déstabiliser le système financier. La vraie peur est qu’un certain nombre de pays, tels que l’Arabie saoudite ou l’Indonésie n’investissent plus leurs réserves de change dans des actifs européens. D’où la proposition européenne de n’utiliser qu’une partie des intérêts issus des avoirs gelés, c’est-à-dire une toute petite somme.Cet accord pourrait être annoncé lors du G7 qui se tiendra en Italie du 13 au 15 juin. Sur ce sujet épineux, il convient de dépasser l’argument moral et de s’interroger sur les effets secondaires qu’une saisie totale des actifs russes pourrait avoir. L’Europe et l’ensemble des pays occidentaux se posent en gardien des normes du droit international. Cette saisie enverrait le signal au reste du monde que l’Occident est prêt à s’affranchir de certaines règles ou à en créer de nouvelles, en fonction de sa priorité du moment. A long terme, envoyer un tel signal pourrait s’avérer préjudiciable.



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Author : Béatrice Mathieu

Publish date : 2024-05-30 06:00:00

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Tags :L’Express

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