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Pourquoi il faut (re)découvrir l’œuvre d’Edith Wharton avec “Chroniques de New York”

Pourquoi il faut (re)découvrir l’œuvre d’Edith Wharton avec “Chroniques de New York”



“Do New York!” (“Faites New York !”), lui écrit Henry James après la lecture de son premier roman, The Valley of Decision, situé dans l’Italie du XVIIIe siècle (1902, publié en France en 2016 sous le titre Les Amours d’Odon et Fulvia). Non seulement Edith Wharton (1862-1937) suit le conseil de celui qui deviendra son grand ami, qu’elle décrit comme “le parfait compagnon de tant d’années” dans son autobiographie, mais elle fait mieux : elle dépeint son New York, celui de l’upper class, des fortunes patrimoniales, de ces grandes familles peu à peu gagnées par ces “nouveaux riches” qui émergent et créent le mythe américain du self-made man.

De Chez les heureux du monde au Temps de l’innocence, en passant par pléthore de nouvelles, Edith Wharton écrit l’être humain aux prises avec la lutte des classes, l’illusion que créent le statut et l’argent, les conflits dans lesquels entrent les sentiments – où comment être soi dans ce “gilded age” dans lequel Edith Wharton vit avec aisance (une maison sur Park Avenue, une à Newport, un appartement rue de Varenne à Paris, des voyages incessants) autant qu’avec difficulté. Elle souffre de dépression, son mari aussi, et chacun·e finira par tromper l’autre.

S’il faut relire Edith Wharton – et la publication de ses nouvelles et romans en Quarto nous en donne l’occasion –, c’est moins pour le glamour de ce New York patricien, avec son lot d’amours contrariées sur fond de lourdes tentures, que pour saisir l’étendue de sa modernité. Les questions qu’elle pose, à travers ses mises en scène d’un être aux prises avec le carcan d’une société devenue système de surveillance, résonnent encore aujourd’hui. Son Chez les heureux du monde est un chef-d’œuvre de féminisme. Publié en 1905, il suit la chute d’une jeune femme de la haute société, Lily Bart, qui revendique son indépendance, refuse de se soucier des conventions, et dont la beauté attire les hommes et agace les femmes. Wharton en fait le socle d’une tragédie en marche : Lily Bart sera jugée par cette aristocratie new-yorkaise dont l’hypocrisie consiste à se parer de vertus, à faire corps contre un corps qui dérange. Un corps féminin à convoiter, utiliser, rejeter – à sacrifier sur l’autel du social, quand le social et le statut ne sont au fond que les seules vraies vertus en lesquelles croit ce microcosme mortifère. Bart sera sauvée in extremis.

Prix Pulitzer en 1921, Le Temps de l’innocence sera le plus grand succès d’Edith Warton et par bien des aspects le roman de la maturité, acquise à force de tragédies. Celle de la Première Guerre mondiale, où elle s’investit à fond, ouvrant d’emblée des centres de réfugié·es, des centres de soins pour les soldats français et pour les civil·es atteint·es de la tuberculose. Elle meurt en France en 1937, vingt-et-un ans après Henry James, dans sa maison de Saint-Brice-sous-Forêt, dans le Val-d’Oise. Prolifique, elle laisse des dizaines de nouvelles, des essais, dix-neuf romans et quatre novellas, de la poésie, du théâtre, une autobiographie… et un livre sur la décoration.

Chroniques de New York d’Edith Wharton (Gallimard/“Quarto”), traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Chénetier, Sarah Fosse, Claire Malroux et Suzanne V. Mayoux, 1280 p., 36 €. En librairie.



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Author : Nelly Kaprièlian

Publish date : 2024-06-03 07:00:00

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