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Avec “En attendant la nuit”, Céline Rouzet signe un très beau film sur l’amour et la famille

Avec “En attendant la nuit”, Céline Rouzet signe un très beau film sur l’amour et la famille



Un cri déchire le premier plan, encore nu, du film. On croirait entendre un animal à l’agonie mais bientôt la persistance du hurlement nous fait deviner celui d’une femme en train d’accoucher, le cri glaçant étant bientôt couvert par les pleurs d’un nourrisson. Chez Céline Rouzet, la naissance a le goût de l’effroi. L’instant d’après, l’enfant apparaît, suçant comme un vampire, le sein de sa mère ensanglantée. La loi du sang fait-elle autorité dans une famille, l’empoisonne-t-elle ? Ces questions hantent le premier long métrage de fiction de l’ancienne journaliste radio. Réalisatrice d’un premier long métrage documentaire, Céline Rouzet relatait avec 140 km à l’ouest du paradis le combat d’une famille guinéenne volée par une société pétrolière et gazière américaine.

À la fin des années 1980, Philémon (le jeune et angélique Mathias Legoût Hammond), un adolescent pas comme les autres, a besoin de sang pour se maintenir en vie. Sa mère (Élodie Bouchez) lui administre le sien en dose journalière. Au début du film, la famille déménage dans une petite ville à l’ennui tranquille dans l’espoir de se fondre dans son décor “naturel”, montagne et océan mais aussi rigidité normative des zones pavillonnaires avec leur pelouse en plastique comme celle d’Edward aux mains d’argent. L’enjeu est de récupérer du sang via le travail d’infirmière de la mère pour que celle-ci soit enfin libérée de ses obligations nourricières. Le sang devient alors une donnée interchangeable et c’est de celui des autres que Philémon, qui ne peut pas s’exposer au soleil, s’abreuve désormais. Détail signifiant dans un film qui ne cesse de regarder la famille à la fois comme un poison et un refuge, l’amour comme une substance addictive, et s’interroge sur la question de l’identité et de la manière dont, perméable, elle mute au contact des autres.

Romantisme noir

La famille de Philémon est sûrement celle de la cinéaste dont le film est un écho à la disparition de son frère. On reconnaît dans le regard de la petite sœur (Laly Mercier), génial personnage dont la débrouillardise joyeuse cache mal l’inquiétude pour son aîné, celui d’une cinéaste qui se souvient. C’est peut-être ce que regarde le mieux En attendant la nuit, une famille qui s’aime, quand d’autres autour sont soumises à l’obligation d’aimer, avec toute l’ambivalence d’un sentiment basé en partie sur un principe d’interdépendance. Chaque lien entre elles et eux est rendu indispensable et donc parfaitement émouvant.

Ancré dans des codes d’un film de genre plus aimanté par un romantisme noir que part le genre horrifique, En attendant la nuit se nourrit lui aussi d’autres corps de cinéma, de la beauté désespérée d’un Virgin Suicides et de son indolence, de la violence de la discrimination subie par le garçon aux mains de ciseaux imaginé par Tim Burton, de celle endurée par tous les freaks de fiction. Pour son entrée dans la fiction, Céline Rouzet réalise un film ambigu et donc complexe sur la douleur d’aimer dans le chaos du monde, et le besoin de s’en émanciper.

En attendant la nuit de Céline Rouzet Avec Mathias Legoût Hammond, Céleste Brunnquell, Élodie Bouchez, Jean-Charles Clichet, Anne Benoit



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/avec-en-attendant-la-nuit-celine-rouzet-signe-un-tres-beau-film-sur-lamour-et-la-famille-620609-04-06-2024/

Author : Marilou Duponchel

Publish date : 2024-06-04 12:29:52

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Tags :Les Inrocks

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