Vendredi 31 mai
Hamza, Saucegod
Après les impressionnants live de Meryl et Shay, un dilemme ente Ralphie Choo et Kabeaushé rappelant la dernière édition des Trans Musicales de Rennes, les festivalier·ères avaient rendez-vous sur la scène de La Clairière pour le couronnement d’Hamza. Et si l’ex-juré de Nouvelle École avait déjà des airs de superstar, l’autre belge a poussé les curseurs encore plus hauts. Devant un public déchaîné, connaissant sur le bout des doigts chaque tube de chaque époque de sa carrière (folie sur Mi Amor issu de sa première mixtape H-24, 2015), Hamza a déroulé – dans la plus pure tradition des showcases – un show minimaliste, mais à l’effet garanti. Rap, dancehall, drill, R&B, dembow, tout y passe avec la même fluidité délirante qui caractérise la discographie du Saucegod. Imparable. T.D.
Burna Boy, géant africain
Sans jamais se départir de son sourire Colgate, la superstar nigériane s’est montrée à la hauteur de son statut, à mi-chemin entre icône pop et descendant des rois de l’afrobeat. Car, derrière les featurings opportunistes aux côtés d’Ed Sheeran, le live de Burna Boy a brillé par cette ambivalence : répondant à la fois à tous les standards du concert pop généreux (chorégraphies à l’appui), mais avec un plaisir non dissimulé d’être accompagné par un groupe animé par la déférence aux aînés du genre. De quoi donner à ses tubes, notamment On the Low, des allures d’hymnes générationnels, au point que même la pluie n’empêchera pas une foule – conquise par l’énergie communicative de l’African Giant – de s’égosiller en cœur. T.D.
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Samedi 1er juin
Lewis OfMan
C’est avec son éternelle attitude de showman, lunettes fumées vissées sur le nez, que Lewis OfMan a ouvert samedi la scène de la Prairie. On en oublierait presque le déluge qui s’abat progressivement sur nos têtes, une fois les premières notes de Get Fly (I Wanna) jouées – et le public fredonnant par écho les airs de synthé introduisant le morceau. Bien loin des considérations climatiques, Lewis OfMan a su emporter les festivalier·ères tout droit sous un doux soleil, loin des arbres vincennois, et plus proche des palmiers californiens. Lorsqu’il ne jongle pas avec malice entre guitare, percussions et synthé, c’est pour improviser des chorégraphies aussi absurdes que géniales, confirmant sur scène son talent inoxydable pour embarquer les foules dans son univers. T.L.
Shygirl
Reine en son royaume sous les flashs roses et les stroboscopes, la britannique Shygirl épate, mêlant hyperpop, R&B, et musiques type club extraites de son dernier EP, Club Shy. Sur scène, sa quête expérimentale se teinte d’érotisme, lorsque viennent autour d’elle danseurs et danseuses en tenues fluo, lunettes noires sur le nez, prêt·es à transformer l’espace en club queer. T.L.
BadBadNotGood, l’embellie
Malgré la pluie en invitée indésirée sur les deux premiers jours de cette 11e édition de We Love Green, la bande canadienne de BBNG s’est illustrée avec un live absolument parfait. Déroulant avec une générosité non dissimulée certains de leurs morceaux récemment publiés dans une trilogie d’EP nommée Mid Spiral, le quartette jazz de Toronto s’est mué en véritable bête de scène. Haranguant la foule par l’intermédiaire de son batteur Alexander Sowinski, multipliant les solos tous azimuts et mettant à l’honneur un instrument à vent alien qui n’en finit pas de fasciner, BBNG a chassé bruine et grisaille dans une célébration à laquelle on ne s’attendait définitivement pas. Possiblement le meilleur concert de ce We Love Green 2024. T.D.
Éloi vs Lala &ce, nouvelles stars
Le crève-cœur de notre week-end s’est cristallisé dans l’impossibilité d’être témoins de l’intégralité deux concerts d’Éloi et de Lala &ce. À elles deux, elles incarnent l’idée d’un futur radieux pour une musique française émancipée des genres et fluide. La première dans sa revitalisation de l’image de la rockstar, qui sur la scène de la Canopée a pris une dimension folle (à telle point qu’elle draine un nouveau public absolument conquis) pour défendre le rock d’avant-garde de son premier album (Dernier Orage). La seconde, en s’affirmant comme l’une des stars les plus atypiques du rap français. Aux côtés de Le Diouck notamment, elle délivre un show complètement libre (influences anglaises, zouk, trap, dancehall), qui rend honneur à la maestria de son premier album à elle aussi (Solstice). Deux phénomènes météorologiques et astronomiques qui appellent à de beaux lendemains. T.D.
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Four Tet
Sous la serre de la scène Lalaland, on a – enfin – fait tomber le K-way. Le visage soufflé par les basses, t-shirts et lunettes de soleil étaient de rigueur devant le set incendiaire de Four Tet, définitivement immanquable. Car, pour le plus grand plaisir des têtes électroniques, le pote de Skrillex et de Fred again.. a réalisé une prouesse ce soir-là : condenser en un passage son set monstre de cinq heures du 27 janvier dernier au Zénith de Paris, et livrer à We Love Green une prestation enflammée. Exercice réussi, entre vagues EDM et quelques folies dont seul Four Tet a la recette, à l’image des airs de mandoline distillés dans le titre Mango Feedback, qu’il étire sur la longueur pour notre plus grand plaisir. T.L.
Justice, la grande messe
Après Coachella et Primavera (deux des plus grands festivals au monde), la paire formée par Gaspard Augé et Xavier De Rosnay avait de nouveau rendez-vous au bercail (pour la première fois à We Love Green, depuis 2017). Au-delà de la prouesse scénographique absolument hallucinante de ce nouveau show (une douzaine de panneaux lumineux pilotés en direct et à distance à l’effet saisissant), la nouvelle livraison de Justice mettant à l’honneur leur dernier album en date (Hyperdrama) à des allures d’aboutissements artistiques. Une parfaite synthèse de leur musique, main de fer, gant de velours qui distille aussi bien leurs accès de rage que leur sensiblerie et un sentiment de liberté (qui culmine sur cet intermède presque gabber) qu’on ne leur connaissait plus. La quintessence pop. T.D.
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Anetha
Puisqu’un festival impose des choix, et parce que choisir c’est renoncer, deux camps se sont imposés samedi. Celleux qui ont foncé voir Justice sur la grande scène, et les autres. Les autres, ce sont ces technophiles endurci·es, prêt·es à échapper au duo mythique pour bondir devant la DJ et productrice Anetha. Entre deux clubs, celle qui a sorti récemment son premier album, Mothearth, a livré au festival We Love Green un set sous acide. Devant les yeux conquis du crash barrières, les BPM s’envolent, et on oublie encore un peu plus le temps, avant de réaliser que la deuxième journée du festival vient de se terminer. T.L.
Dimanche 2 juin
Crystal Murray, la sensation
Alors qu’elle vient tout juste de publier son tout premier album (à peine deux jours avant sa performance au parc de Vincennes), la Franco-américaine dans le circuit depuis qu’elle a 17 ans (22 aujourd’hui) s’est illustrée par un show plein de maîtrise et d’intelligence. Accompagnée par le guitariste Adrian Edeline (Juliette Armanet, Serpent), Kikoué (Angèle) et Augustin Hauville (Concrete Knives), elle y revisite complètement la nature des morceaux qui compose Sad Lovers and Giants pour lui insuffler une électricité et une urgence idoines pour le live. Une leçon de scène en ouverture de ce dernier jour de festival. T.D.
Lysistrata
Galvanisé par le show rétro-futuristico-noisy de Crystal Murray, on file vers la scène de la Canopée, où Lysistrata se livre à un exercice démoniaque de sacrifice rituel de leurs instruments très loin de l’ambiance farniente de Polo & Pan. Le son est massif, dans le rouge et la rythmique ne laisse aucun répit. Le trio joue comme si le monde, foutu et sans espoir, courait à sa perte. Les velléités pop entrevues sur Veil (2024), le dernier album de la formation de Saintes, restent tapies derrière le mur sonore bâti par ses jeunes gens clairement venus à We Love Green pour en découdre avec un public pas forcément habitué à un tel déluge de rage concentrée. Une chose est certaine, Lysistrata ne s’est pas contenté de faire figure de sucrerie apéro avant le concert de King Gizzard. F.M.
King Gizzard and the Lizard Wizard
Les Australiens, toujours sur la route, sur scène, ou en studio, ont encore fait évoluer leur formule live. Des dizaines de changements de rythme à la minute, des guitares sous speed, un vortex sonore au diapason d’une scène hallucinée et psychédélique : il devient de plus en plus difficile d’identifier les morceaux de la formation de Melbourne. Pour le meilleur ? Écoutez, oui, pourquoi pas. Il faut juste bien s’accrocher à son slip. Parce que, si c’est l’entrée en trans que vous cherchiez, attendez-vous désormais à entrer en crise d’épilepsie. Sinon, Stu, leader malgré lui, reste désormais en retrait et laisse Joey Walker s’adresser au public (le temps de placer un message de soutien à la Palestine ou de demander à quoi ressemblait le show de Justice la veille) et Ambrose Kenny Smith (également leader du groupe The Murlocs) faire le frontman sur le catwalk, avec sa dégaine de Tony Clifton, personnage de crooner à la manque incarné par feu-Andy Kaufman (bien vu, Théo Dubreuil). Là encore, un très gros show, qui nous laisse groggy. F.M.
Chilly Gonzales, maestro
“On m’invite rarement dans les festivals”, balance le pianiste ayant officié chez Daft Punk en ouverture de son concert. Mi-reconnaissant, mi-prêt à en découdre, Chilly Gonzales n’a pas laissé passer sa chance de prouver qu’il était un showman hors norme dans n’importe quel contexte. Haranguant la foule, déjouant les attentes en invitant Souffrance ou Yâmé pour une reprise d’Aznavour, reparcourant sa riche discographie de l’extatique Knight Moves à des ses medleys désormais imparables, Gonzo (toujours paré d’une robe de chambre, option camouflage pour cette fois) s’est directement imposé dans le cœur des festivalier·ères qui n’en demandait certainement pas tant. T.D.
Luidji
“C’est We Love Green ou l’Accor Arena ici ?”. Pour sa première fois au parc de Vincennes, même Luidji est surpris par l’affluence record sous le chapiteau de la Clairière. “Trop riche pour la bourse”… et trop éloigné·es pour apercevoir comme il faut le rappeur et membre du label Foufoune palace, les festivalier·ères retardataires se rabattent sur l’écran géant installé plus loin. Mais qu’importe, l’effet reste le même : l’artiste s’est de nouveau cantonné à ses éternelles mélodies enivrantes, entre le mélancolique Téléfoot – qui nous a rappelé sa belle prestation à la cérémonie des Flammes – et le sensuel Néons rouges / Belles chansons. La foule exulte quand débarque le rappeur Tuerie, lauréat du prix Joséphine, pour interpréter Joueur 1, avant de lancer depuis la scène des roses rouges au premier rang, définitivement amoureux. Dans cette foule immense, on semble comme happé dans une faille temporelle, une pause engourdissante, bien loin de l’effervescence habituelle qu’impose le format festival. T.L.
SZA
C’est peu dire que la nouvelle prodige du R&B outre-Atlantique a mobilisé l’attention générale pour le dernier jour des festivités. Toute la journée déjà, les nombreux jerseys floqués SZA (celui que porte l’artiste sur la pochette de SOS) s’éparpillaient dans tout le festival, avant de se rejoindre enfin pour assister à la prestation de l’artiste. Si cette dernière a livré un concert type, d’une précision clinique, déroulant à tour de chorégraphies les titres de son dernier album multi-récompensé (Snooze, Kill Bill, Seek and Destroy), l’artiste a tout de même réussi à marquer la soirée. La vidéo a fait depuis le tour des réseaux : après un dernier morceau, la chanteuse s’est saisie d’un drapeau de la Palestine brandi par un spectateur, avant de lancer un franc “free Palestine”. Un show hors du temps, digne des plus grandes pop stars, qui ne ferme donc pas pour autant les yeux sur l’urgence actuelle. T.L.
Peggy Gou
Cette année encore, We Love Green aura fait des musiques électroniques une pièce centrale du festival. On en veut pour preuve les têtes d’affiches programmées, à l’instar de Peggy Gou. Coutumière des clubs d’Ibiza, et malgré quelques folies comme cette revisite du fameux Vous êtes des animaux de Mr Oizo, l’artiste coréenne s’est parfois révélée en mal d’originalité, forçant par moments sur les drops et prolongeant certains titres jusqu’à l’indigestion. Mais, pas moyen néanmoins d’écœurer ses fans venus l’observer, drapeau coréen entre les mains, friands des nappes house et disco qui ont fait en partie sa renommée. Comme à l’accoutumée, la DJ a précieusement gardé pour la fin son tube (It Goes Like) Nanana, achevant cette édition de We Love Green sous de bons auspices. T.L.
Source link : https://www.lesinrocks.com/concert/on-y-etait-la-11e-edition-de-we-love-green-620553-04-06-2024/
Author : Théo Lilin
Publish date : 2024-06-04 14:14:45
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