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Être une victime n’est jamais un choix, l’édito de Julia Tissier

Être une victime n’est jamais un choix, l’édito de Julia Tissier



Parfois le backlash vient des femmes. Et il a alors un goût particulièrement amer. Cette semaine, les mots de Fanny Ardant en Une du magazine d’extrême droite Causeur ont claqué comme un coup de fouet au visage de toutes les victimes de violences sexuelles. Non contente de réaffirmer son soutien sans faille à son ami réalisateur Roman Polanski -qui, pour rappel, est poursuivi aux États-Unis depuis 1977 pour viol sur mineure et accusé par une dizaine de femmes de violences sexuelles-, l’actrice a tiré à boulets rouges sur toutes celles et ceux qui dénoncent des violences sexistes et sexuelles.

“Je n’ai jamais voulu être une victime”, a assuré celle qui est à l’affiche de Palace, le dernier film de Polanski. Doit-on rappeler à Fanny Ardant que personne n’a envie d’être une victime? Être une victime, ce n’est jamais un choix. C’est un état de fait que l’on subit, du début à la fin.

“Cette société accepte en silence ce mouvement – #MeToo – parce qu’elle a peur”, nous dit l’actrice. Personnellement, je n’ai jamais eu peur de #MeToo. En revanche, j’ai peur de cette société patriarcale dans laquelle nous vivons et qui organise chaque jour un peu davantage l’impunité des harceleurs, des agresseurs, des violeurs, de tous ceux qui pensent le corps des femmes et des enfants à leur disposition.

Fanny Ardant utilise ensuite un procédé assez classique de renversement de la culpabilité: en assimilant la libération de la parole et le mouvement #MeToo à une forme de “déshonneur” (“La vie est si brève… Et tu es prêt à l’amoindrir en te déshonorant, c’est-à-dire en accusant, en ostracisant?”), en jetant l’opprobre sur celles et ceux qui parlent (“Cracher sur les autres? Les traîner dans la boue?”), l’actrice inverse le stigmate en vue de faire passer les agresseurs pour les victimes.

C’est une rhétorique qu’on connaît par cœur, la rhétorique du vieux monde qui panique à l’idée que le patriarcat vacille. Je crois que je me réjouis de cet affolement car cela signifie que les choses bougent. Alors non, Fanny Ardant, celles et ceux qui parlent ne sont pas des “balances”, et non, vous ne faites pas partie “de la résistance”, mais des dominant·es qui voient d’un coup la possibilité que leurs privilèges disparaissent. Les résistant·es sont celles et ceux qui brisent l’omerta que vous essayez désespérément de perpétuer et rien, désormais, ne les arrêtera. 



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Author : Julia Tissier

Publish date : 2024-06-07 14:37:12

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