Succession de podiums et mannequins galopant entre des cool kids ultra-looké·es : le spectacle étincelant de la Fashion Week de Paris consacrée aux collections hommes reprendra le 18 juin. Ce carrefour créatif est aussi un rendez-vous business qui représente un enjeu majeur pour les jeunes créateur·rices. Si les grandes stars américaines comme Rihanna ou Kim Kardashian assurent le show et posent en front row, leurs compatriotes acheteur·ses, qui représentent entre 30 % et 50 % des ventes pour des jeunes marques, se font désirer. La saison dernière, ils et elles avaient déserté les showrooms alors que s’amorçait la campagne électorale. Spoiler : ils et elles ne reviendront pas en juin.
“Je ne sais pas si c’est l’anticipation de la réélection de Trump et l’instabilité que cela va amener, mais les quotidiens sont bouleversés et pèsent sur les acheteurs américains. Le marché ralentit. Il n’y a plus de prises de risques et les jeunes créateurs de mode sont les premiers à en pâtir”, analyse le designer Burç Akyol, dont le défilé ouvrira la semaine de la mode. Il n’est pas le seul à s’alarmer : beaucoup murmurent que ce coup dur annonce la fin de plusieurs jeunes maisons basées à Paris, qui ne peuvent plus vivre de leur activité malgré des propositions créatives innovantes.
Paris vs. New York
Pantalon de costume transformé en trench et robe composée de plateaux chez Hodakova, robe ballon ornée de nœuds pour Renaissance Renaissance : ces deux labels hors des conventions, tenus par Ellen Hodakova Larsson et Cynthia Merhej, osent l’ultra-créativité. Insensé ? Les deux créatrices sont défendues par le bureau de communication de l’Américain David Siwicki, qui se démarque du paysage par sa sélection jeune, innovante et multiculturelle. Après dix ans dans l’industrie de la mode new-yorkaise, ce dernier s’installe à Paris en 2017 afin de défendre une créativité impossible à soutenir à New York depuis l’élection de Trump. “Avant 2015, les jeunes designers créatifs et indépendants pouvaient encore trouver des sponsors. C’est du passé”, explique-t-il.
Selon lui, Paris reste la capitale de la mode la plus propice au soutien créatif, même s’il faut continuer à accompagner des jeunes et à repenser le système de commercialisation dans un contexte d’érosion du marché américain. “La possible réélection de Trump renforce le climat de vigilance. Les grands magasins de mode et de luxe américains comme Saks réduisent les commandes depuis le début de 2023. Les jeunes marques sont les premières impactées et toutes n’auront pas les moyens de se battre.”
Optimiste quand même
Malgré le chaos, Siwicki reste optimiste et souligne que les environnements créatifs étouffés donnent souvent jour aux propositions les plus intéressantes. Jeanne Friot (lire p. XX), qui présentera sa collection pendant la semaine parisienne, partage cette position. Ses créations continueront d’être radicales et politiques : “Nous n’avons pas tous des financements et perdre des acheteurs américains est une entrave supplémentaire. Il faut une unité collective et que la presse et les gens au pouvoir continuent de nous soutenir.”
De son côté, Louis Gabriel Nouchi, présent au calendrier, s’inquiète de la montée de l’extrême droite et souligne que le véritable problème pour les jeunes créateur·rices est lié à un système de distribution archaïque. “On ne peut plus compter sur les boutiques comme Matches Fashion, qui s’est effondrée en mars et distribuait beaucoup de jeunes marques. Par ailleurs, il faut comprendre qu’aujourd’hui, être à la tête d’une maison de mode, ce n’est pas seulement créer des vêtements mais penser un nouveau système, adapté à la fois au modèle de création durable et au marché actuel.”
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Author : Manon Renault
Publish date : 2024-06-09 17:00:00
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