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[Nos jeunes gens modernes] The Psychotic Monks, rockeurs engagés et sans concession

[Nos jeunes gens modernes] The Psychotic Monks, rockeurs engagés et sans concession



Voilà maintenant presque dix ans que les Psychotic Monks ont pris la route. Monté par Clément Caillierez, Artie Dussaux et Martin Bejuy en 2012, scellé en 2015 avec l’arrivée de Paul Dussaux, le quatuor a écumé les scènes de tous les rades de France en Renault Espace avant de voir son nom à l’affiche des plus grands festivals européens. De cette épopée made in France ont émergé trois albums qui n’ont eu de cesse de brouiller les pistes : Silence Slowly and Madly Shines (2017), Private Meaning First (2019) et Pink Colour Surgery (2023). Les deux derniers sont sortis chez Vicious Circle, vénérable institution discographique rock de Bordeaux, qui suit sans relâche la bande des quatre depuis.
En 2019, on l’avait retrouvée à Bilbao, cette bande, dans les coulisses d’un festival mastodonte, le temps de constater le pouvoir d’attraction de ce groupe en construction (ou plutôt, en déconstruction) permanente, mais aussi d’entrevoir à quel point le rock est un mode de vie éprouvant. “Notre album est une première pierre posée à la discussion”, confiait alors le groupe aux Inrocks. Clément Caillierez, aujourd’hui : “On parle beaucoup de cette année 2019 et de cette grande tournée qui, en quelque sorte, a été la réalisation d’un rêve. Un rêve que nous avions en tête depuis toujours, avec toute l’imagerie qui va avec. Mais on a aussi vu l’autre côté du rêve et on se souvient de l’état dans lequel nous en sommes sortis.” Lessivé·es, c’est le moins que l’on puisse dire.
Martin Bejuy : “La vie en tournée, c’est un mode de vie que j’adore, qui génère énormément d’adrénaline. Mais faire plus de cent dates par an, c’est pas normal.” Artie Dussaux : “Le Covid a imposé une pause nécessaire qui a sauvé le groupe mais aussi nos relations interpersonnelles. Dans cette industrie, il n’y a pas beaucoup d’outils qui t’aident à prendre du recul. Le soin, la santé mentale, ça n’existe pas. Personne ne pose ces questions. On a appris par nous-mêmes. Si on avait continué sur ce rythme, on se serait fait très mal.” Martin Bejuy : “C’était le bon moment pour nous réapproprier notre pratique. On s’est retrouvés confrontés à deux choses : la manière dont on voulait désormais aborder nos concerts et la manière dont on avait envie de parler aux gens. Dans cette frénésie, il est arrivé que la frontière entre ce que l’on performe et ce que l’on est dans la vie se brouille. À titre personnel, je peux dire aujourd’hui qu’il y a une séparation. La musique est un outil qui m’a permis de me demander qui j’étais et ce que j’avais envie de raconter avec ça.”
Le processus d’affirmation des Monks est au diapason des bouleversements sociaux qui ont traversé le monde de la culture, depuis le mouvement MeToo jusqu’au tournant pandémique. “Des questions ont été visibilisées, il y a eu des événements politiques, George Floyd, des basculements majeurs. Et ça s’est répercuté sur nous et la manière dont on s’exprime au sein d’une société qui évolue. Musicalement, les frontières entre les genres et les esthétiques ne veulent plus dire grand-chose. Ça fait plus de dix ans qu’il y a des mouvements post-internet, hyperpop, très liés aux nouvelles technologies. À notre petite échelle, ça a commencé à se mettre en place”, poursuit Artie.
N’y allons pas par quatre chemins : que l’on aime ou pas la musique des Psychotic Monks, on ne peut qu’admirer la détermination de cette formation à vouloir explorer de nouveaux horizons, en accord avec ses convictions profondes, quitte à se mettre à dos une partie de son public réticente à l’idée de s’embarrasser de discours qu’elle juge “moralisateurs”. Les Monks en ont fait l’expérience. C’est juste que pour Paul, Artie, Clément et Martin, il n’est pas question d’alimenter la machine à divertir sans rien dire.
Si un groupe est une plateforme, alors les Psychotic Monks ont très tôt voulu se défaire du carcan, n’ayons pas peur des mots, réac d’une certaine imagerie rock macho dépassée. Tellement dépassée que même la new wave et le postpunk en général, ainsi que les scènes hardcore straight edge, lui avaient déjà réglé son compte dans les années 1970 et 1980, à cette image d’Épinal un peu débile. Les Monks s’inscrivent dans cette filiation, tout en traçant une ligne bien à eux, au point de transformer chacun de leur show en un geste idiosyncrasique lourd de sens. “On n’a aucun mal à dire : si t’es raciste ou homophobe, tu n’es pas le bienvenu à nos concerts.”
Politiser l’espace de la scène a été une forme d’aboutissement. L’année dernière, avant le début de leur nouvelle tournée, un long message avait été posté en guise d’avertissement sur les réseaux sociaux, avec la mention “à lire avant de venir nous voir en concert”. On pouvait y lire : “Jusqu’à présent, nos expériences (personnelles et en tant que groupe) des concerts et du milieu du spectacle nous mènent à penser qu’il est malheureusement inévitable aujourd’hui de devoir se positionner au sujet des comportements violents et sexistes qui y ont lieu et qui peuvent décourager certain·es d’y accéder.” Presque simultanément, Artie faisait son coming out trans : “Je suis Artie, je suis une femme transgenre, et j’en suis fière”, écrivait-elle alors.
Récemment, les Monks ont annoncé qu’il·elles ne joueraient finalement pas au festival Great Escape, une vitrine exceptionnelle pour les groupes, qui se tenait du 15 au 18 mai à Brighton, rejoignant ainsi l’appel au boycott comme ce fut le cas pour l’édition 2024 de SXSW à Austin, en mars dernier. La raison ? Les plus gros partenaires financiers de ces événements financent également les fournisseurs d’armes de guerre à l’armée israélienne. Là encore, les Monks restent au diapason de leurs idées. Sans compromis, sans concession.



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Author : François Moreau

Publish date : 2024-06-10 16:00:00

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