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Santiago Amigorena : “Le Nouveau Front populaire, une réelle différence pour les plus démunis”

Santiago Amigorena : “Le Nouveau Front populaire, une réelle différence pour les plus démunis”



Trop sérieux pour être un dilettante, pas assez sérieux pour être un professionnel, j’observe l’actualité à une incertaine distance. Et je suis toujours surpris par la manière dont les politiciens – et les journalistes – écartent les lectures les plus simples des événements auxquels nous sommes confrontés.

L’Europe

Dans les moments de crise, on défend souvent l’Europe en disant qu’elle a fait ceci ou cela. Par exemple, qu’elle a évité les guerres. Mais ne les a-t-elle pas acceptées tout à côté (au Kosovo, en Ukraine, à Gaza) ? Et les milliers de morts noyés en Méditerranée, ne sont-ils pas à leur façon une guerre qu’on n’ose pas nommer ? Et que dire de toutes ces guerres auxquelles elle a participé, voire provoquées, en Afrique et en Asie ? Confrontée à une pandémie, n’a-t-elle pas montré que chacun des pays qui la composent était prêt à laisser mourir ses voisins pour se procurer des médicaments et des masques ? Face au péril écologique, ne revient-elle pas jour après jour sur sa parole (comme pour les pesticides), ne refuse-t-elle pas avec un cynisme remarquable de s’occuper sérieusement des futurs dangers (comme le réchauffement climatique) ? Sans parler des échecs de ce qu’on appelle encore, parfois, l’Europe sociale.

Bref, de même que la démocratie, dans chaque pays, n’a pas su offrir aux habitants, surtout aux plus démunis (pauvres, étrangers, malades), une vie meilleure, l’Europe aussi a failli à presque toutes ses promesses. Comment demander alors aux citoyens des divers pays européens de ne pas se réfugier dans un vote de contestation ? Les extrêmes sont tout naturellement la seule réponse possible à ces déceptions.

(“Les extrêmes”. Pourquoi “les extrêmes” ? Pourquoi tant de journalistes et de politiciens, à la queue-leu-leu derrière Macron, parlent des extrêmes, alors qu’il n’y a qu’un seul extrême qui soit dangereux, qu’un seul extrême qui peu à peu prend le pouvoir en Europe : l’extrême droite.)

Les politiciens

Pourquoi les politiciens ont-ils tant de mal à offrir, ou même à essayer d’offrir un futur meilleur à leurs concitoyens ? J’avance une hypothèse, une hypothèse journalistique, c’est-à-dire une hypothèse qui ne s’occupe pas des causes profondes (la nature même du système démocratique capitaliste où l’économie a remplacé la politique) : nous sommes toujours gouvernés par des incompétents parce que le désir même d’acquérir du pouvoir n’est donné qu’aux plus imbéciles d’entre nous.

Voyons aux États-Unis. Quand j’étais enfant, en regardant Gerald Ford à la télé, on disait qu’il n’avait pas assez de neurones pour descendre des escaliers et mâcher du chewing-gum en même temps. Alors que je venais à peine de sortir de l’adolescence, tout le monde rigolait parce que les Américains avaient élu pour président un mauvais acteur de westerns. Puis il y a eu ce doux crétin de Clinton, et les rires qui ont suivi l’élection, et la réélection (!) du fils Bush. Pour en arriver à Obama qui, après avoir exercé le pouvoir sous le masque de l’homme-qui-pense, s’est dévoilé comme un mondain frivole. Je fais cette petite liste pour ne pas critiquer seulement la France. Mais vous rappelez-vous qu’à l’époque tout le monde était convaincu que Chirac était bien trop sot pour devenir un jour président – alors qu’aujourd’hui on se souvient de lui, à juste titre, comme un président “intelligent” par rapport à ceux qui l’ont suivi ?

Les trois voyages de Platon en Sicile auraient dû nous l’apprendre depuis vingt-cinq siècles : les politiciens n’utilisent jamais les intellectuels à bon escient. Et surtout, ils ne sont jamais eux-mêmes très intelligents.

Emmanuel Macron

Revenons au présent et regardons de plus près la bêtise de Macron. Avez-vous jamais vu un tel étalage d’idiotie ? Avant lui, les hommes politiques étaient incultes et pas très malins, mais Macron, c’est le pompon. Au moment de son élection, on l’a dit “stratège”, alors qu’elle n’était due qu’à une suite incroyable de hasards (Juppé qui perd les primaires à droite, Hollande qui décide de ne pas se représenter, l’affaire Fillon…). Sa politique après avoir été élu ? Rappelez-vous son explication sur le fait qu’il était compliqué d’utiliser des masques ou son admiration pour Didier Raoult pendant le Covid-19. Sa politique étrangère ? La liste serait trop longue, mais pensez à sa manière d’exiger que le Liban résolve ses problèmes en trois mois et la honte qu’il a dit avoir éprouvée ensuite pour ses dirigeants lorsqu’ils ont échoué (honte que, j’espère, ils éprouvent aujourd’hui pour lui).

Et à présent ? Dissolution, conférence de presse, annulation de la conférence de presse, appel à former un camp républicain après que la gauche s’est unie, cadeau d’une partie de la droite traditionnelle à l’extrême droite… Pouvait-on faire pire ?

Macron a fait de l’extrême droite son adversaire privilégié depuis sa première élection avec cette idée, si peu originale, qu’il gagnerait toujours contre elle. Il a voulu utiliser l’extrême droite comme Mitterrand, et la plupart des présidents français après Mitterrand, sans comprendre que l’époque avait changé. Comment a-t-on accepté qu’il continue de dire qu’il voulait se battre contre l’extrême droite tout en proposant que son premier ministre débatte avec Bardella ou que lui-même le fasse avec Le Pen, alors qu’il aurait été si simple, s’il voulait vraiment se battre contre elle, de tout simplement proposer un débat à Glucksmann ou à Aubry ?

Il y a aussi, ces derniers jours, parmi les opinions émises par certains journalistes et certains politiciens, celle-ci, tout aussi injustifiable : Macron veut que le RN s’use avec le pouvoir, qu’il montre son incapacité à gouverner, qu’il cesse d’être dans la position facile d’opposant, qu’il n’ait plus, pour les présidentielles de 2027, le bénéfice électoral du vote de contestation. Mais comment peut-on rester aveugle au fait qu’en Italie, comme dans tant d’autres pays, l’extrême droite, une fois arrivée au pouvoir, n’a montré aucune incapacité ? Qu’elle a juste mené sa politique mortifère ? Est-ce que l’idiotie et l’incompétence de Trump dans l’exercice du pouvoir ont fait baisser sa popularité ? Comment ne pas voir que tout, toujours, continue de fonctionner (aussi mal) dans nos démocraties représentatives quel que soit le gouvernement ? Personne ne se souvient de l’exemple de la Belgique qui a continué de fonctionner pendant un an et demi sans personne, (même pas l’extrême droite !) à sa tête ? Et que dire de Macron lui-même, n’a-t-il pas réussi à être réélu alors qu’il n’avait pas tenu tant de ses promesses ?

L’espoir

Pourquoi alors, malgré l’évidence de leur stupidité, continue-t-on d’élire des incapables ? Peut-être, malheureusement, parce qu’aucun homme vraiment intelligent ne sacrifierait son travail intellectuel ou artistique pour ne s’occuper que des affaires de la cité. Ou alors parce que plus personne n’arrive jamais à réfléchir au bien commun davantage qu’à son destin personnel.

Sauf, peut-être, à des moments comme celui que nous vivons actuellement. Le Nouveau Front populaire présente, depuis lundi, une forme d’espoir. La parole de ceux qui pensent à eux-mêmes plus qu’à la victoire collective semble, ces derniers jours, aussitôt discréditée ou ignorée. Quelque chose comme une bonne surprise pourrait bien se dessiner. Que pourrait apporter cette nouvelle union de la gauche ? Le début d’une destinée collective. L’espérance d’un futur meilleur. Et, quoi qu’il en soit, par rapport à ce que proposent Macron comme l’extrême droite, une réelle différence pour les plus démunis.

Dernier livre paru : La Justice des hommes (POL).



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Author : Nelly Kaprièlian

Publish date : 2024-06-17 17:55:19

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