Un lapin pris dans les phares d’une voiture qui lui fonce dessus. Voilà comment, depuis le 9 juin, nous pourrions définir la façon dont nous sommes nombreux·ses à nous sentir. Si cette métaphore semble assez neutre en soi, et assez juste, il faut avouer que depuis un certain temps, on se méfie des métaphores.
Parce qu’elles conduisent trop souvent à ces amalgames, des paresses, qui, depuis des années, peuplent les médias et les réseaux sociaux, évacuant ou masquant toute réflexion ou analyse en profondeur pour privilégier le genre de formules lapidaires qui nous a conduit·es exactement là où nous en sommes aujourd’hui.
Simplifier pour mieux régner
Récemment, dans la catégorie “simplification à outrance”, on a ainsi pu entendre que Netanyahou est un “nazi sans prépuce” ou que le RN est “un parti projuif”. Même s’il faut en effet condamner Netanyahou pour ses actions meurtrières à Gaza, le risque de l’amalgame n°1 est de fournir une excuse aux antisémites – pourquoi se priver d’être nazi·es contre des nazi·es ? –, et celui de l’amalgame n°2 est de légitimer le RN contre ses opposant·es qui alertent sur un retour du fascisme (et de l’antisémitisme).
Prévenons d’emblée que l’on se gardera ici de sombrer soi-même dans les amalgames et autres facilités, voire que cette tribune puisse même en inspirer : pas question d’insinuer que Guillaume Meurice serait “antisémite” (amalgame n°1) ni que Serge Klarsfeld serait “nazi” (amalgame n°2). En revanche, ce que l’on peut affirmer concernant le RN, c’est qu’il n’est ni projuif, ni même pro-arménien.
Bien sûr que, personnellement, je suis touchée de voir qu’un écrivain – Sylvain Tesson – se rende en Arménie et la défende. Mais, faut-il en être dupe pour autant ? L’extrême droite est d’abord et avant tout contre l’islam, et se tient du côté d’Israël ou de l’Arménie seulement parce qu’il s’agit d’enclaves non musulmanes frontalières de pays musulmans, de “bastions” contre “l’envahisseur”.
Pour en revenir à notre métaphore du lapin paralysé par les phares d’une voiture, elle est au fond complaisante et on va l’abandonner au bord de la route avec le cadavre de notre pauvre lapin. Pourquoi ? Parce qu’elle véhicule l’idée de paralysie par la peur. Décidons de refuser cette paralysie. Nous vous offrons, ici, un choix de textes et de livres à lire pour lutter contre cet immobilisme, et particulièrement celui, figé, mortifère, de l’esprit, de la pensée, de la critique, auquel nous acculent trop souvent ces amalgames, hélas, dans l’air du temps.
Édito initialement paru dans la newsletter Livres du 20 juin. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
Source link : https://www.lesinrocks.com/livres/contre-la-societe-des-amalgames-622077-20-06-2024/
Author : Nelly Kaprièlian
Publish date : 2024-06-20 04:30:00
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