De Friday Night Lights à Breaking Bad, un cador des séries
Acteur dès l’enfance, Jesse Plemons est véritablement né à l’écran dans la peau d’un adolescent gêné par la vie. Il avait 18 ans, c’était dans l’extraordinaire série Friday Night Lights (2006-2011), tournée dans son État natal du Texas. Dans cette ode aux petites villes perdues et à la lumière rasante des fins d’après-midi, il incarnait Landry, le nerd de service s’ouvrant peu à peu au monde. Singulier par sa bonté, Jesse Plemons était bouleversant. De tous·tes les acteur·rices jeunes de FNL, il reste celui qui a le mieux réussi par la suite, plus encore que le beau gosse Taylor Kitsch.
Puis, Vince Gilligan lui propose un rôle dans l’ultime saison de Breaking Bad en 2012, où, dans la peau de Todd Alquist, un criminel qui se rapproche des héros dealers de meth, l’acteur élabore ce qui deviendra sa touche : un mélange de retenue, presque de douceur, et de violence féroce, jusqu’à faire très peur. En 2015, la saison 2 de l’excellent Fargo confirme son statut, lui offrant un merveilleux rôle d’homme ordinaire, un boucher confronté à la réalité du mal avec son épouse, interprétée par Kirsten Dunst. Sur ce tournage, elle et lui se mettent en couple. Il et elle se marieront en 2022.
De Martin Scorsese à Jane Campion, la percée au cinéma
Même si on le retrouve encore par intermittence sur le petit écran (Black Mirror, dans l’épisode U.S.S. Callister en 2017, Love and Death en 2023), certain·es diront que Jesse Plemons a quitté le monde des séries avant que le niveau général ne baisse. Ce n’est pas faux, même s’il ne l’a probablement pas fait exprès.
Le cinéma est venu le chercher, d’abord pour de petits rôles, mais avec de grands cinéastes : Paul Thomas Anderson (The Master en 2012), Spielberg deux fois (Le Pont des espions en 2015, Pentagon Papers en 2016). À partir de la fin des années 2010, sa carrière prend un tour nouveau grâce à Martin Scorsese (The Irishman en 2019) et à Charlie Kaufman, dont l’étrange Je veux juste en finir, en 2020, lui donne un vrai premier rôle majeur – un homme en couple avec une femme qui a décidé de le quitter.
Attirée par une idée généreuse de l’Amérique profonde qu’il peut personnifier, Jane Campion engage ensuite le natif de Dallas pour The Power of the Dog en 2021, un western où le désormais trentenaire forme de nouveau un couple avec Kirsten Dunst – après avoir été nommé·es au même moment aux Oscars 2022 pour ce long métrage, il et elle se sont aussi croisé·es brièvement dans Civil War d’Alex Garland, il y a quelques mois.
Mais c’est en retrouvant Scorsese pour Killers of the Flower Moon en 2023 qu’il marque définitivement les esprits. Dans cette saga sur la violence américaine contre les natif·ves américain·es, Jesse Plemons campe un agent du FBI bien décidé à dévoiler les crimes du duo Di Caprio/De Niro. Sa performance têtue et doucement ironique lui vaut de voler la vedette aux deux stars.
Avec Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos, la consécration cannoise
Même si le 25 mai dernier, il n’est pas monté sur la scène du Grand Théâtre Lumière recevoir son prix d’interprétation au Festival de Cannes pour Kinds of Kindness – il était déjà reparti aux États-Unis rejoindre ses deux enfants en bas âge –, plus personne ne confond Jesse Plemons avec Matt Damon. L’incarnation de l’Américain moyen, c’est désormais lui, avec un sacré pas de côté vers le bizarre, comme le prouve le film de Yórgos Lánthimos, dans lequel il tire son épingle du jeu dans un casting de haut niveau – Margaret Qualley, Emma Stone, Willem Dafoe notamment.
Dans ce film choral découpé en parties distinctes, qui déploie une métaphore sur le contrôle social et intime, Plemons joue trois rôles. Le premier est celui d’un employé sous la coupe de son boss, le deuxième un flic dont la femme disparait mystérieusement, le troisième un membre d’un secte – même si on le voit moins. C’est dans la deuxième partie que Jesse Plemons impressionne le plus, quand son personnage de taiseux se rend compte que, depuis son retour, sa femme (Emma Stone) n’est plus tout à fait la même. Très vite, l’horreur devient une perspective plausible et sa plongée dans une forme de folie se révèle à la fois brutale et sourde. À l’image d’un acteur qui excelle dans les zones intermédiaires et les sentiments ambigus.
Lánthimos ne s’y est pas trompé : avant même le triomphe de Jesse Plemons sur la Croisette, il lui a proposé de repartir pour un tour avec son prochain projet, Bugonia, un remake de la comédie de science-fiction coréenne Save the Green Planet, dont le tournage aura lieu cet été.
Kinds of Kindness, de Yórgos Lánthimos, en salles le 26 juin.
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Author : Olivier Joyard
Publish date : 2024-06-25 11:17:31
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