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Législatives 2024: on a comparé les programmes en matière de droits des femmes et des minorités de genre

Législatives 2024: on a comparé les programmes en matière de droits des femmes et des minorités de genre



À l’approche des élections législatives du 30 juin et du 7 juillet, on a lu attentivement les programmes du Nouveau Front Populaire (NFP), du Rassemblement national (RN) et de la majorité présidentielle pour en extraire les principales propositions en faveur des droits des femmes et des minorités de genre. Sans surprise, l’extrême droite est à la traîne et le NFP tire largement son épingle du jeu en proposant, entre autres, une “loi intégrale” pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dotée d’un budget de 2,6 milliards d’euros. Il est aussi le seul à prévoir l’adoption d’“une diplomatie féministe en augmentant les financements internationaux pour les droits des femmes”. On a demandé à la militante féministe Suzy Rojtman, porte-parole du collectif national pour les droits des femmes (CNDF) de décrypter les différentes mesures mentionnées dans les programmes des trois grands blocs politiques.

Santé

Sur le terrain de la santé, Renaissance propose de “développer les consultations de prévention à l’infertilité et la ménopause”. Pour Suzy Rojtman, cette proposition résulte de “l’obsession de Macron pour la natalité. Mais il faut se demander pourquoi les gens font moins d’enfants. Ce n’est pas une prise en charge globale des problèmes d’infertilité mais une proposition très pointilliste.” Elle se réjouit néanmoins de l’apparition du terme “ménopause” dans un programme, puisqu’il s’agit du dernier tabou que de nombreuses féministes tentent de briser depuis plusieurs années.

“Développer la prise en charge de l’endométriose” est aussi une proposition de Renaissance, tandis que le RN promet de la “reconnaître […] comme affection longue durée”. Une demande qui émane des associations et pour laquelle une résolution avait été adoptée à l’Assemblée nationale en janvier 2022 sur une proposition de Clémentine Autain (LFI), mais n’avait jamais été mise en pratique par le gouvernement. Le RN avait à son tour proposé une loi en octobre 2023, qui reprenait en partie les idées de la députée LFI, mais dont le texte final ne convenait pas aux associations. Retoquée en commission, elle n’avait pas été adoptée à l’Assemblée. Pour Suzy Rojtman, une reconnaissance de l’endométriose comme affection longue durée est souhaitable, mais “ne fait pas l’entièreté d’une politique de santé vis à vis des femmes“.

Côté NFP, on propose la prise “en charge par la Sécurité sociale [des] protections menstruelles et [la sanction des] fabricants qui ne respectent pas le contrôle sanitaire et la régulation des prix”, ainsi que de “porter un plan de 10 000 équipements sportifs supplémentaires, pensé pour favoriser la pratique du sport féminin et du parasport”. Suzy Rojtman s’étonne qu’il s’agisse des seules mesures proposées par le NFP sur le volet de la santé: “C’est bien, mais c’est incomplet. Il faudrait réfléchir à la santé globale des femmes en partant de la définition de l’OMS, pour prendre en compte leurs besoins et leurs risques spécifiques. Comment se déclinent chez les femmes les risques cardio-vasculaires, les cancers, la santé mentale, les traumatismes etc… Mais aussi en axant sur la santé sexuelle et reproductive”, préconise-t-elle. “On pourrait aussi réclamer au NFP l’accès gratuit à tous les modes de contraception.”

La militante s’étonne par ailleurs qu’aucun des trois programmes ne se soit saisi de la question de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), “comme si tous les problèmes étaient réglés depuis la constitutionnalisation. Or, ce n’est pas le cas du tout. Il faut que les femmes puissent pratiquer des IVG en toute proximité et pour cela programmer la réouverture des centres d’IVG qui ont été fermés. Il faut aussi que les femmes puissent choisir leur méthode d’avortement puisqu’à l’heure actuelle la grande majorité est réalisée par voie médicamenteuse alors que des femmes peuvent préférer une méthode instrumentale. Personne ne parle non plus de la double clause de conscience sur l’avortement, qui est un vrai souci en Italie par exemple, où 70% des gynécos refusent de pratiquer des avortements.”

Égalité professionnelle

Seuls Renaissance et le NFP font des propositions dans ce domaine. Le parti de la majorité présidentielle propose une “généralisation de la pratique du ‘testing’ pour lutter contre les discriminations à l’embauche (racisme, sexisme, homophobie)”, qui consiste à soumettre deux profils comparables pour une même demande en ne modifiant que la caractéristique (origine, handicap, âge, sexe…) susceptible d’exposer aux discriminations (définition du Défenseur des droits). “Pourquoi ne pas généraliser ça ?“, pense Suzy Rojtman “mais après, qu’est-ce qu’on en fait ? Y aura-t-il des sanctions ? Normalement elles sont prévues“, rappelle-t-elle. Renaissance prévoit également, “pour renforcer l’égalité entre femmes et hommes”, l’ouverture dès 2025 du droit “à un congé de naissance mieux indemnisé que le congé parental actuel.” Avec cette mesure, “chaque parent pourra être présent auprès de son enfant durant 3 mois“, indique le programme. “Le congé de naissance a été beaucoup critiqué par les féministes”, se remémore Suzy Rojtman. “Ce que dit l’association Parents et féministes, dans un communiqué de presse daté du 14 mai 2024, c’est que la durée de trois mois et l’indemnisation à seulement 50% du salaire laisse à penser ‘que les pères ne s’empareront pas massivement de ce nouveau congé qui n’aura pas d’effet majeur sur l’égalité entre les femmes et les hommes’“.

Côté NFP, on veut “instaurer l’égalité salariale et créer un congé menstruel dans les entreprises et administrations”. Suzy Rojtman approuve l’idée de la création d’un congé menstruel et dit savoir “que les syndicats en discutent”. Elle rappelle toutefois que certaines revendications portées par les militantes féministes au sein du NFP auraient pu être “davantage prises en charge.” “Il n’y a rien sur le rattrapage immédiat des écarts de salaires entre les femmes et les hommes sous peine d’une pénalisation financière réellement dissuasive des employeurs. Il n’y a rien non plus pour revaloriser les métiers féminisés, ni pour limiter la précarité, ce qui consiste à contrôler strictement le temps partiel imposé dont les femmes sont les premières titulaires.” Elle ajoute que sur le plan de l’égalité salariale “on dispose déjà d’une loi mais [qu’] il faut se doter de moyens pour contrôler son application et sanctionner les entreprises”.

Le NFP prévoit aussi de créer “un service public des élèves en situation de handicap, en formant et titularisant les actuelles accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH)”, ce qui est perçu comme une excellente initiative par Suzy Rojtman. “C’est une profession très largement féminisée et la façon dont elles sont traitées est un véritable scandale. Elles vont dans plusieurs écoles, touchent très peu d’argent, sont une espèce de variable d’ajustement par rapport aux enfants handicapés au sein des classes ordinaires. Cette idée d’un service public des AESH est très importante.“

Violences sexistes et sexuelles

Du côté de la majorité présidentielle est proposée la “diffusion de ‘téléphones grave danger’ pour les femmes victimes de violences ou menacées”. Une mesure “assez ancienne”, estime Suzy Rojtman, qui n’apporte “rien de nouveau” et ne permet pas “un saut qualitatif” dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Et si Renaissance entend également “aider les collectivités locales à généraliser les arrêts de bus à la demande”, la militante féministe rappelle que cette proposition était déjà au programme d’Emmanuel Macron en 2017.

Pour sa part, le RN préconise en la matière seulement d’inscrire “les harceleurs de rue au fichier des délinquants sexuels”. Rien de bien convaincant selon Suzy Rojtman: “Si c’est tout ce qu’ils proposent pour lutter contre les VSS, c’est très léger.” La militante féministe trouve bien plus intéressante la proposition du NFP d’adopter une “loi intégrale” pour lutter contre ces violences, qui serait dotée d’un budget de 2,6 milliards d’euros : “C’est quelque chose qui a été fait en Espagne, dès 2004, et qui touche à tous les aspects des violences faites aux femmes, et pas seulement à la répression, explique-t-elle. Ce n’est pas en augmentant les peines, alors même qu’on sait qu’il y a énormément d’impunité, que ça va changer le problème : il faut avant tout de la prévention, de la sensibilisation, de la formation effective de tous les personnels (Ndlr : médicaux, policiers et judiciaires) et de la solidarité avec les victimes”. Et d’ajouter : “Cette loi devra aussi englober les problèmes de santé, de travail et d’emploi avec des mesures spécifiques et aborder la question de ce que l’on fait des agresseurs. Une véritable loi-cadre est indispensable pour lutter contre les VSS.”

C’est uniquement dans le programme du NFP que l’on retrouve également un “plan d’éradication des violences à l’égard des personnes LGBTQI+”. La lutte contre la transphobie y est inscrite, ainsi que le changement d’état civil libre et gratuit devant un officier d’état civil pour les personnes transgenre.

Parentalité

Concernant les questions liées à la parentalité, si Renaissance prévoit un congé de naissance comme nous l’avons évoqué ci-dessus, seul le NFP garantit “l’accès à chaque famille à un mode de garde adapté grâce à un service public de la petite enfance”. Un axe primordial selon Suzy Rojtman qui estime que ce service public est “déterminant par rapport au partage des tâches domestiques, au travail des femmes, au fait que les couples, et plus spécifiquement les femmes, aient envie de faire des enfants ou pas.” La porte-parole du CNDF estime cependant qu’il faudrait aller plus loin et imaginer dans le même temps un “service public de la prise en charge de la perte d’autonomie” car “aux deux bouts de la chaîne, que ce soit au niveau des enfants ou au niveau des personnes âgées, ce sont toujours les femmes qui s’en occupent”.

Toujours au NFP sont évoqués enfin l’établissement de la filiation par reconnaissance comme principe par défaut, le remboursement de la procréation médicalement assistée, ainsi que son accès aux personnes trans. Côté RN et majorité présidentielle, aucune mention sur le sujet.



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Author : Julia Tissier

Publish date : 2024-06-28 08:10:11

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