Dans un épisode marquant de la série politique The West Wing (À la maison blanche), au début des années 2000, le showrunner Aaron Sorkin profitait d’un événement dramatique – un attentat contre le président des États-Unis – pour revenir en arrière dans la narration. C’était le début de la saison 2. En attendant des nouvelles du blessé, tout le monde végétait à l’hôpital et s’évadait dans ses pensées. Idée superbe, la série furetait alors en arrière et montrait comment les personnages s’étaient rencontrés. C’était poignant. Très attendue, The Bear entame elle aussi sa nouvelle saison, la troisième, avec un épisode atypique comme une promenade dans les années précédant l’ouverture du nouveau restaurant de Carmy et sa bande.
À la fin de la saison précédente, le héros n’avait pas su éviter la crise et s’était enfermé tout seul dans la chambre froide du restaurant. On le retrouve juste après, dans un état franchement délétère. C’est le moment que choisit Christopher Storer, le créateur de la série, pour réaliser ce qui était certainement un de ses fantasmes créatifs : un épisode presque muet, comme un long clip de plus de 35 minutes, rythmé par de l’électro douce-amère et fait de plans courts sur les expériences passées de Carmy et des autres membres de la brigade du restaurant.
Une remise en place insistante des enjeux
On retrouve le personnage incarné par Jeremy Allen White dans ses jobs précédents : un passage au grand restaurant new-yorkais du chef français Daniel Boulud, un autre à Copenhague auprès de René Redzepi – du mythique Noma –, mais aussi dans les cuisines fictives d’une cheffe jouée par Olivia Colman. Ses aventures personnelles (histoire d’amour détruite, mort de son frère) entrent aussi dans la danse, mêlant le vrai et le faux avec un certain brio. Des bribes de mémoire scintillent, censées donner à la série une épaisseur émotionnelle inédite.
Cet épisode lance-t-il la série sur des rails nouveaux, après une deuxième saison très convaincante ? Ce n’est pas forcément le cas. Intitulé Tomorrow, il agit plus comme une remise en place insistante des enjeux que comme une envolée expérimentale ou émotionnelle. Dans les neuf autres épisodes, l’enjeu consistera à comprendre si The Bear – le nom du nouveau restaurant enfin lancé par Carmy et ses acolytes – réalisera son objectif : rester debout, et même obtenir une étoile. Le rêve est-il assez grand, en matière de fiction pure ? Ce n’est pas évident.
Parfois sublime, parfois lassant
Le sentiment domine que la série pourrait durer mille ans en répétant les mêmes scènes d’engueulade ou d’emballement créatif autour d’un plat, en réinjectant de la matière première narrative autour du deuil (c’est encore le cas ici, à travers le personnage de Marcus), sans pouvoir réellement se bonifier avec le temps. Il arrive souvent qu’avec les années, une aventure narrative atteigne un point de fixation, une vitesse de croisière qui l’empêche de se réinventer. C’est parfois sublime, parfois lassant.
On a le sentiment que The Bear atteint avec ce début de troisième saison une sorte de plateau, où l’enjeu, pour filer la métaphore culinaire, consiste à donner de la substance et du goût à des ingrédients qui sont les mêmes qu’avant. Il faudra arriver au bout des 10 épisodes avant de savoir si le décollage a eu lieu.
En attendant, le charme fonctionne toujours, surtout autour des acteur·rices qu’on aime retrouver et regarder de près, au gré de cette caméra toujours collée à leur peau. Mais l’équilibre de la série semble plus fragile que jamais, comme si elle tenait à un fil.
The Bear, saison 3, avec Jeremy Allen White, Ayo Edebiri et Ebon Moss-Bachrach, le 17 juillet sur Disney+.
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Author : Olivier Joyard
Publish date : 2024-07-01 15:36:52
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