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JO 2024 : le paradis des coureurs kenyans menacé par le changement climatique

Des coureurs kényans participent à une séance matinale du camp d'entraînement local à Iten, au Kenya, le 5 juin 2023. À près de 6 heures du matin, les premières lueurs du matin éclairent l'arche emblématique portant l'inscription "Home of Champions" à Iten.




La ville d’Iten ne semble vivre qu’au rythme des clap-clap sur les chemins de terres battues. Foulées aériennes, balancements de bras cadencés, respirations régulières. Des essaims de coureurs se croisent et se recroisent au quotidien, transpirent à grosses gouttes en avalant des dizaines de kilomètres. Avec, toujours, un œil sur la montre, indispensable outil de contrôle du rythme cardiaque. Parmi eux, des athlètes français et européens qui, cet hiver, ont fui le froid du Vieux Continent pour rejoindre les camps d’entraînements kényans et peaufiner leur préparation en vue des Jeux olympiques de Paris.Les sentiers des hauts plateaux de la vallée du Rift, là où les 2 400 mètres d’altitude stimulent la production de globules rouges, sont devenus l’un des endroits les plus prisés au monde pour s’entraîner aux courses d’endurance, en même temps que le berceau de nombreux marathoniens d’exception et de médaillés olympiques. “La maison des champions”, annonce un panneau à l’entrée de cette ville de l’ouest du pays. Mais pourra-t-elle le rester encore longtemps ?Depuis plusieurs années, la fédération kényane d’athlétisme s’inquiète des effets du changement climatique sur les performances de ses sportifs, mais aussi sur la capacité de certains lieux à accueillir des événements. Le message a de nouveau été martelé par son patron, Jackson Tuwei, également vice-président de World Athletics, en introduction du rapport “Rings of Fire” publié mi-juin. “Les athlètes sont confrontés à des défis de plus en plus importants en matière de pollution atmosphérique, d’insécurité alimentaire et hydrique et de manque d’ombre. Et les défis posés par les chaleurs extrêmes, écrit-il, […] sont considérables et risquent d’avoir des conséquences dévastatrices.”Entraînements décalésCoupée en deux par l’Equateur, la fabrique kényane à champions est une région très exposée aux phénomènes climatiques extrêmes, comme les inondations catastrophiques et meurtrières du printemps dernier l’ont montré. Ils pourraient profondément affecter des conditions d’entraînement jusque-là idéales pour les coureurs de fond. “Si les jeunes athlètes ont faim, ils ne courront pas. Si la qualité de l’air est mauvaise parce qu’il y a de la poussière et de la fumée, ils ne courront pas. S’il n’y a pas d’ombre parce que les arbres ont été coupés et qu’il n’y a pas d’eau pour boire ou se doucher, ils ne courront pas”, résume Jackson Tuwei auprès de Madeleine Orr, experte en écologie du sport et auteure de Warming up : How Climate Change is Changing Sport (Bloomsbury, 2024, non traduit). “Parfois, je me réveille la nuit et je me demande où je vais courir si tous les arbres disparaissent”, confiait, il y a trois ans, Eliud Kipchoge, double champion olympique du marathon, qui s’entraîne à Kaptagat, non loin d’Iten.Selon les projections de la Banque mondiale, les températures au Kenya devraient augmenter de 1,7 °C d’ici à 2050, et de près de 3,5 °C à la fin du siècle. Mais le réchauffement à l’œuvre oblige déjà les athlètes à ajuster leur emploi du temps. “La course de l’après-midi à 16 heures, un élément essentiel du double entraînement quotidien très populaire parmi les coureurs les plus décorés, a lieu plus tard, à 17 ou 18 heures”, note ainsi Madeleine Orr.Le nombre de nuits tropicales, avec des températures supérieures à 20 °C, est lui aussi attendu en forte hausse. Entre 210 nuits par an – dans le “meilleur” des scénarios – et 230 – le pire – d’ici à 2040, contre 180 en 2020. De quoi dérégler la qualité et la quantité de sommeil de ces sportifs de haut niveau, facteur clé de leur récupération. “Ces perturbations pourraient engendrer des problèmes psychologiques ou de concentration”, admet le professeur Vincent Onywera, de l’université Kenyatta, qui a longuement étudié les coureurs de son pays.Fatigue et blessuresEn plus de bouleverser les rendements agricoles ou l’accès à l’eau, les sécheresses persistantes peuvent également accroître, avec le temps, la souffrance des corps. Des chaussées plus dures rendent les impacts plus violents sur les articulations. “Nous menons plusieurs études sur ces questions, explique Vincent Onywera. Le changement climatique va conduire inévitablement à plus de blessures en raison de la fatigue et des chaleurs extrêmes, mais on doit proposer des solutions d’atténuation.”Les champions kényans ont remporté, entre 1984 et 2016, toutes les médailles d’or olympiques du 3 000 mètres steeple. Ils ont fait main basse, hommes et femmes confondus, sur 112 des 196 marathons majeurs organisés depuis 2006. Seront-ils bientôt obligés de s’expatrier pour garder leur supériorité ? “Le Kenya est très résilient, assure le professeur. Et nos athlètes vont le prouver à Paris, en gagnant toutes les médailles de moyenne et longue distance.”



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Author : Baptiste Langlois

Publish date : 2024-07-03 06:00:00

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