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“Sunny” : Rashida Jones sous un drôle de soleil nippon entre comédie et gravité

“Sunny” : Rashida Jones sous un drôle de soleil nippon entre comédie et gravité



“J’avais le privilège de vivre depuis le début, constamment en toute conscience, ce qu’on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l’homme qu’on aime est un étranger”, écrivait Annie Ernaux dans Passion simple. Américaine vivant à Kyoto, Suzie (Rashida Jones), elle, n’a pas ce privilège, et alors qu’elle doit surmonter un deuil impossible – la mort de son mari et de son fils, disparus dans un crash d’avion –, elle découvre, dans “la stupeur et le désarroi”, que feu son époux n’était pas exactement celui qu’il prétendait être.
Elle qui le croyait ingénieur pour une entreprise de réfrigérateurs apprend, décontenancée, qu’il travaillait en réalité pour la plus grande société de robotique japonaise, et lorsqu’un représentant de la compagnie vient lui livrer un robot domestique, baptisé Sunny, entièrement conçu par son mari à son attention, sa vie bascule dans l’irrationnel.
Lever le voile
Un robot un peu trop guilleret, sorte d’hybridation entre Wall-E et un iMac, un mari décédé au passé trouble, des yakuzas patibulaires à ses basques et une belle-mère envahissante qui semble en savoir plus qu’elle n’en dit… Accompagnée de Sunny (pour laquelle elle ressent d’abord une profonde aversion, avant de peu à peu s’attendrir) et de Mixxy, une barmaid aux cheveux bleus, Suzie va mener l’enquête, des ruelles exiguës de Kyoto jusque dans les montagnes japonaises, pour lever le voile sur une étrange conspiration et l’identité véritable de son mari.
Adaptée d’un roman de l’Irlandais Colin O’Sullivan, paru en 2018, et produite par A24, Sunny navigue élégamment entre les genres et les registres de fiction, les emboîtant pour ne finalement ressembler qu’à elle-même. Sorte de comédie existentielle doublée d’une dystopie pop, prenant place dans un Japon hyper-connecté et envahi de robots domestiques (dont le design kawaï les range plutôt du côté de Pixar que d’Isaac Asimov ou Philip K. Dick), la série bifurque peu à peu vers la fiction mafieuse, tendance yakuza eiga, voire le thriller paranoïaque, tout en maintenant un équilibre funambule entre drôlerie et gravité.
Une pointe d’exotisme dispensable
Si elle multiplie les pistes narratives et accumule les influences, la création de Katie Robbins, scénariste notamment passée par The Affair (qui déjà détricotait le couple à l’aune des lourds secrets qui le vicient), les utilise comme des leviers, soit déformants, soit surlignants, pour questionner le sujet qui l’occupe plus en profondeur : les secrets enfouis qui constellent l’existence et la réalisation vertigineuse qu’on ne peut connaître véritablement quelqu’un, même si on partage sa vie.
Bénéficiant d’une direction artistique étonnante mais réussie (qui, elle aussi, empile les références, lorgnant parfois vers une esthétique surréelle proche des mangas), Sunny peut aussi compter sur son bon casting (outre Rashida Jones, on retrouve Hidetoshi Nishijima, remarqué dans Drive My Car, qui incarne le mari), mais succombe malgré tout à quelques écueils, comme ce regard résolument américain sur le Japon, qui s’encombre d’une pointe d’exotisme dispensable (l’éternelle dichotomie d’un pays “entre tradition et modernité”, un peu paresseuse). On lui préférera son mélange de tonalités périlleux mais maîtrisé, et quelques trouvailles formelles et narratives bien senties.
Sunny de Katie Robbins, avec Rashida Jones, Hidetoshi Nishijima, Joanna Sotomura… Sur Apple TV+ le 10 juillet.



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/sunny-rashida-jones-sous-un-drole-de-soleil-nippon-entre-comedie-et-gravite-622131-06-07-2024/

Author : Léo Moser

Publish date : 2024-07-06 10:00:00

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